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Docteurs ès Afrique, Docteurs d’Afrique

  Société, #


Pourquoi n'entend-on pas d'Africains " spécialistes de la France " sur les médias français ?Ils sont nombreux pourtant qui maîtrisent parfaitement la langue de Molière, dans sa finesse et dans sa concision, qui ont fait leurs études dans des universités françaises et y ont glané des titres, qui ont parcouru la France de long en large ,dans sa diversité géographique et culturelle, qui connaissent sur le bout des doigts et suivent ave un surprenant zèle les soubresauts du Landernau politique français, qui ont une expérience avérée des débats et des joutes médiatiques. Mais apparemment aucun d'eux n'est qualifié pour cet exercice, même lorsque le débat porte su l'intégration des immigrants ou les conditions de vie dans les " cités ",sujets sur lesquels ils pourraient exprimer des avis fondés sur leur propre expérience. Aucun en tout cas n'a l'impudence, l'impertinence et, pour le dire vulgairement, le culot de s'autoproclamer "spécialiste de la France", à l'image de tous ceux qui ,en France, se font appeler "spécialistes de l'Afrique ",de sa culture, de ses peuples, des tares et des faiblesses de ses dirigeants !

 

DE CEUX QUI SAVENT TOUT...

Mais le plus étonnant c'est qu'on n'entend pas non plus ,à deux ou trois exceptions près, des voix africaines commenter ou expliquer sur les médias français les évènements qui se déroulent sur notre continent.. En contrepartie on ne peut qu'être admiratif devant le nombre de Français qui se targuent de connaitre l'Afrique sur le bout des doigts. Parmi ces docteurs ès Afrique il y a ceux qui ont fait le tour du continent et en connaissent tous les secrets. Il y a ceux qui font dans le pointu : spécialistes de la circoncision chez les Diolas, du mode de succession chez les Twas, des scarifications chez les Mossis. Il y a ceux qui savent tout sur les gynécées des palais présidentiels africains ou qui connaissent au franc près le montant des comptes bancaires de nos chefs d'états. Certes il y a une vieille tradition française d'"africanistes "qui ont fait leurs preuves, mais il est difficile de considérer Henri Gaino, l'homme qui a écrit que " l'Afrique n'est pas entrée dans l'histoire", et qui figure dans le Guinness- Book pour avoir échoué trois fois au concours d'entrée à l'ENA, comme le plus qualifié pour disserter sur notre histoire. C'est aussi aller vite en besogne que de se faire décerner les titres de spécialistes de la drogue ou du terrorisme en Afrique parce qu'on y a séjourné deux ou trois ans comme correspondant de presse ou diplomate...

Certains de ces docteurs ès Afrique nous ont laissé un goût amer. Ainsi, pendant près de vingt ans, Robert Ménard a été LE spécialiste de la liberté de presse en Afrique sur tous les médias français. On l'entendait tancer nos politiques, faire la leçon à nos journalistes et vilipender leurs écoles de formation. On découvre aujourd'hui qu'il n'était qu'un "petit tyran domestique", subventionné peut-être par des officines de la CIA .Il reconnait avoir toujours été réactionnaire, être d'accord à 80% avec le FN, grâce auquel il a été élu maire. Son combat c'est désormais de ficher et de stigmatiser les musulmans, quitte à bidonner les informations, ce qui est le pire défaut pour un journaliste.

Les médias occidentaux et nous-mêmes en premier lieu, devons reconnaître et faire place aux chercheurs, universitaires, hommes politiques ou d'expérience nombreux aujourd'hui sur notre continent, qui sont les mieux placés pour analyser nos crises, nos contradictions, nos dérives et nos espérances. Eux au moins ne sont pas à l'abri de nos crachats lorsqu'ils commettent l'irréparable.

...A CEUX QUI PEUVENT TOUT

Aujourd'hui, après les docteurs ès Afrique, on découvre les docteurs d'Afrique qui se proposent eux de nous guérir de nos plus grands maux. Jean Louis Borloo s'est fixé pour objectif d'électrifier l'Afrique. Pas un pays ou deux, pas une région, pas quelques campagnes oubliées ou quelques villes tentaculaires. Non, son champ d'opération c'est tout le continent et son défi c'est de fournir la précieuse lumière à plus d'un milliard d'Africains qui n'en disposent pas ou pas assez ! Le défi financier n'est pas incommensurable :250 milliards de dollars c'est bien moins que la moitié des réserves de l'Arabie Saoudite, c'est, sur dix ans, à peine plus que l'aide que la Chine vient de promettre à l'Afrique. Ce n'est pas non plus la bonne foi de Borloo qui est en cause, encore qu'il faille une bonne dose d'optimisme, voire de naïveté, pour entreprendre ce travail d'Hercule quand on n'est ni Mandela ni Bill Gates et que le seul titre que l'on revendique c'est d'avoir été un ministre relativement peu connu hors de France et que déjà le poids de cette charge vous a contraint à la démission .

Ce qui est scandaleux c'est qu'il faille un étranger pour mettre en chantier un programme qui devait être un des objectifs prioritaires du Nepad, vieux de quinze ans. Comment peut-on confier à une fondation sur laquelle on n'a aucune maitrise ,le soin de régler un problème que l'on reconnait être le préalable à des secteurs aussi stratégiques que l'agriculture, la santé, l'accès à l'eau, le développement économique culturel social démocratique ?

Ce qui est choquant c'est que tous les présidents africains ouvrent leurs portes à Borloo avec autant d'empressement, des portes qu'ils n'ouvrent que très parcimonieusement à leurs compatriotes. C'est qu'ils le traitent pratiquement en alter ego et le laissent exhiber le président de l'Assemblée des Parlements africains devant une Assemblée nationale française à moitié vide.

Ce qui est troublant, enfin, c'est la justification même que Borloo donne à sa mission. Il ne demande pas aux Africains un effort particulier sur eux-mêmes, une prise de conscience de leurs responsabilités, la prise en charge de leur destin .Il leur demande seulement de se laisser faire. Quant aux moyens financiers et surtout à l'ingéniosité, il les attend d'abord du Nord, parce que, reconnait-il, ce projet est d'abord un défi pour "la France et l'Europe". "Et quel projet pour nous !", dit-il avec fierté. En somme nous aurons, peut-être, l'électricité, mais la gloire ce sera pour le Nord...

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : www.sudonline.sn


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