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20 ans du Gangbé Brass Band : Alors on danse ?

  Culture & Loisirs, #

Ils étaient à l'heure. Comme tout au long de leur carrière. Cet après-midi, à l'Institut français du Bénin où nous avions rendez-vous, les deux membres délégués par le Gangbé Brass Band pour répondre à nos questions, nous attendaient depuis " une quinzaine de minutes ". D'ailleurs, 5 minutes avant l'heure du rendez-vous, ils nous appellent pour s'assurer que nous n'allions pas être en retard. La ponctualité. C'est certainement un des secrets de la constance de ce groupe béninois devenu mythique en 20 ans et qui aura donné des milliers de concerts à travers le monde. Car oui, les Gangbé Brass Band ont (déjà !) 20 ans. Et un programme digne d'une carrière bien remplie est concocté pour cette célébration sur leurs terres. C'est pour dévoiler ce programme et faire le bilan de leurs 20 ans de carrière que James Vodounnon et Lucien Gbaguidi ont bien voulu nous accorder une interview.

Bénincultures : Vingt ans de carrière, cinq albums. En moyenne, un album tous les quatre ans. Est-ce pour vous une carrière bien remplie ?

James Vodounnou : Très bien remplie. Nous ne nous sommes pas limités à cinq albums. C'est vrai que ces cinq albums sont ceux qui appartiennent uniquement au Gangbé Brass Band mais nous avons travaillé sur plusieurs autres albums. Nous avons participé à plusieurs projets de création qui ont abouti à des sorties d'albums. Par exemple, l'album sorti avec le balafoniste d'origine malienne Aly Kéita, l'album avec le groupe Lo'Jo et des apparitions sur deux albums d' Angélique Kidjo, etc.

Donc en résumé, c'est une carrière très bien remplie ?

J. V. : En vingt ans de carrière, nous avons travaillé sur au total neuf albums. Et s'il faut prendre en compte le format des albums que nous produisons, considérer le budget, ce sont des projets à travailler sur plusieurs années avant de les mettre en boîte. Donc, si on fait la moyenne de quatre ans par album, je crois que nous sommes totalement au-dessus de la normale. En plus de ces neuf albums sur lesquels le Gangbé Brass Band a travaillé, il faut dire qu'il a participé à plusieurs autres activités qui n'ont pas forcement abouti sur la sortie d'un album.

Votre cinquième album " Go slow to Lagos " est dédié à votre père spirituel, le nigérian Fela Kuti. Vous y faites intervenir son fils Femi Kuti et surtout la pochette fut réalisée par Lèmi Ghariokwu, dessinateur des albums de Fela. A la fin, vous dites que vous avez définitivement immortalisé Fela.

Lucien Gbaguidi : Oui. D'abord, notre inspiration nous vient de ce grand homme. Nous prenons sa musique que nous adaptons à la nôtre. Et le résultat est apprécié par tous les mélomanes et même par son fils Femi Kuti qui est aujourd'hui un grand ami à nous. " Go slow to Lagos " est une manière de dire merci à Fela Kuti pour la place qu'il occupe au sein du Gangbé Brass Band. Et nous avons atteint notre objectif.

Présentez-nous cet album-anniversaire.

J. V.: C'est un album de onze titres avec un remix dénommé " Atchè " qui est une invite au respect des ainés. On a eu deux versions de ce titre, une en a capela et une en tradi-moderne qui a eu l'intervention du pianiste français non voyant Jean-Philippe Rykiel. Une fois encore, c'est un album très engagé de Gangbé Brass Band qui parle des réalités et des maux qui minent le Bénin et l'Afrique.

L. G.: Il faut aussi rappeler que pour cet anniversaire, nous avons sorti un documentaire de cinquante-huit minutes réalisé par le suisse Arnaud Robert. Ce film expose le quotidien de tous les membres du groupe Gangbé Brass Band. Nous voulons par cette occasion montrer à nos fans, nos différentes vies hors de la scène.

Revenons à l'historique de votre groupe, comment et pourquoi vous êtes -vous décidés à mettre sur pied " Gangbé Brass Band " ?

J. V.: Tous les musiciens de Gangbé Brass Band sont des instrumentistes qui évoluaient dans différentes formations sur le terrain. Ils accompagnaient des ainés dans la musique comme Sagbohan, El régo, Gnonnas Pedro et aussi l'orchestre immortel Poly-Rhytmo.

En 1993, il y a eu une révolution au sein des instrumentistes parce que des gens trouvaient qu'on ne donnait pas le meilleur de nous. On s'est donc dit qu'il faudrait alors se mettre ensemble pour former un groupe et montrer de quoi nous sommes capables. On y était quand un brass band (orchestre de cuivre) américain, le Ribirth est passé au Bénin. A cette époque, le chef de Gangbé Brass Band était un saxophoniste mais très branché jazz et Afrobeat.

C'est lui qui a découvert ce groupe américain, et s'est inspiré du style brass band. C'est ainsi que dans les années 93, 94, l'idée est partie et puisqu'il n'y avait pas une seule école de musique au Bénin, on faisait des renforcements de capacités entre nous. On échangeait en connaissances musicales. Après, il fallait une section de restitution de toutes les choses qu'on avait apprises entre nous. C'est ainsi que nous avons donné naissance à Cigale Brass Band au départ puis à Gbangbé Brass Band ensuite.

Gangbé qui veut dire le son du métal. Tous les instruments avec lesquels nous jouons sont des métaux. Et la majorité de nos perquisitions sont des instruments de récupération.

Votre musique est un mélange de juju, d'afrobeat et de jazz. Qu'est-ce qui vous a amenés à créer cette musique ?

J. V.: Nous nous inspirons beaucoup de la musique du Nigéria. Mais notre particularité est qu'à tous les genres musicaux, nous y ajoutons du cuivre. Au cours de tous nos déplacements, on nous colle cette étiquette de jazzman mais nous, nous répondons que nous ne sommes pas des jazzmen. Pour la plupart du temps, nous recyclons nos chansons traditionnelles auxquelles nous ajoutons des touches personnelles. Et c'est ce qui donne les extraordinaires morceaux du Gangbé Brass Band que tout le monde écoute.

En clair, nous n'avons rien créé, nous n'avons fait que reprendre les anciennes chansons de chez nous, interdites au grand public que nous avons retravaillé.

L'instrument d'aisselle qu'on nomme ici le " Gbon " qui est réservé aux revenants nous l'avons intégré dans notre musique. Tout ceci requiert des demandes de permissions. Mais nous le faisons sans trouver d'inconvénients puisque c'est une manière de faire valoir notre culture.

Notre proximité avec le Nigéria est aussi un atout pour nous. Il y a des rythmes qui sont partagés entre ce pays et le Bénin. De temps en temps, nous allons aussi puiser dans cette culture. C'est le cas par exemple du Juju.

Votre musique attire. Vous écumez les scènes du monde depuis 20 ans. Et surtout, vous êtes demeurés un groupe. Ce qui est rare. Qu'est ce qui fait la force de votre groupe ?

L. G.: Au sein du Gangbé Brass Band, nous ne nous voilons pas la face. Tout se dit entre nous.

J. V.: Tenir dans le temps, c'est vrai que ce n'est pas évident pour les groupes. C'est beaucoup de sacrifices. Il faut sacrifier sa personne, sa vie, ses projets, sa famille. Les besoins personnels ne doivent pas primer sur ceux du groupe. C'est un engagement, chacun essaie de le respecter.

Il vous est déjà arrivé de pressentir la fin ?

J. V.: Bien sûr que oui, le Gangbé Brass Band a eu trop de problèmes dans ce pays. Il est arrivé des moments où d'autres ont voulu préserver leurs intérêts personnels face à celui du groupe.

A votre avis, qu'a apporté le Gangbé Brass Band à la musique béninoise ?

L. G.: Beaucoup. Le groupe n'est plus que le brass band du Bénin mais de l'Afrique. C'est d'ailleurs de cette manière qu'on nous présente pendant des émissions. Le Gangbé Brass Band est devenu un label. Et des gens dans le monde entier passent par nous pour avoir plusieurs autres artistes. Assez de groupes béninois s'inspirent du Gangbé Brass Band pour mettre sur pied des brass band. Nos recherches en matière de musique nous ont permis de ressusciter des anciens rythmes de chez nous. Je crois que c'est aussi un apport.

J. V.: Nous avons apporté quelque chose de nouveau à la musique béninoise. Même le Ribirth qui est notre brass band d'inspiration ne joue pas comme nous. Nous avons une touche particulière qui nous a permis de nous faire accepter à l'extérieur, dans le monde entier. Et grâce à nous, il y a plus de vingt brass band qui sont en train de naître. Y a d'autres qui tournent tous les ans comme nous et y en a d'autres en formation. Aussi, les musiciens n'avaient pas le courage d'aller vers la musique de recherche parce que c'est délicat. Ils préféraient faire de la variété mais aujourd'hui c'est plus facile.

Combien coûte aujourd'hui le Gangbé Brass Band ?

L. G.: Le Gangbé Brass Band est à tous les prix. Cela dépend du projet qu'on nous propose. La dernière fois par exemple, nous avons joué à un mariage à zéro franc.

J. V.: Le Gangbé Brass Band se retrouve dans toutes les grilles. On peut partir de zéro à vingt millions et même plus. Des gens pensent que pour avoir le Gangbé Brass Band, il faut forcement déployer beaucoup d'argent et c'est ce qui fait qu'on nous accuse de ne pas souvent jouer dans notre pays mais plutôt à l'extérieur.

Exactement, comment l'expliquez-vous ?

L. G.: Il n'y a même pas à expliquer. Si on organisait un seul spectacle dans toutes les maisons des jeunes de toutes les communes au Bénin, les salles de spectacle devenues des églises, les restaurants, les cabarets pouvant abriter des concerts, etc, le Gangbé Brass Band ne voyagerait même pas. Mais c'est le contraire. Dans les autres pays, des spectacles sont programmés et comme ils recherchent de la musique de caractère spécifique, ils nous associent.

Aujourd'hui avec internet les choses vont vite. Le manager passe par ce canal pour voir ce qui se passe à l'extérieur et c'est comme ça qu'il boucle une tournée de quarante dates par exemple pour le groupe. Et je crois que cela suffit pour un musicien. Nous, nous voulons jouer. On ne fait rien à part la musique. Mais, on ne nous propose rien dans notre propre pays. On ne nous a jamais proposé quelque chose et nous avons dit non. Au contraire, on veut bien rendre au Bénin, ce qu'il nous donne.

Vous avez décidé de célébrer vos ans de carrière au Bénin. Que proposez-vous au public ?

J. V.: C'est une occasion à ne pas rater. Le 31 octobre, le groupe français Lo'jo qui nous a toujours soutenu sera sur scène ; le 06 novembre, Femi Kuti sera là. Et le 07, ce sera notre tour. Nous allons nous amuser avec d'autres artistes locaux à l'Institut Français. Mais avant, le 04, nous sommes en concert à l'université d'Abomey Calavi et le 05 au marché Dantokpa.

L. G.: Le public est invité à faire le déplacement pour danser et chanter avec nous.

Propos recueillis par Eustache AGBOTON et Nina TOSSOU ©www.benincultures.com

 

Pour ses 20 ans, retrouvez le Gangbé Brass Band ou ses invités en concert selon le programme suivant :

- 31 octobre : Lo Jo, Institut Français, 20h30
- 1er novembre : Lo Jo, Artisttik Africa (Agla), 20h
- 4 novembre : Gangbé Brass Band et les Ksseurs, Université Abomey Calavi, 18h
- 5 novembre : Gangbé Brass Band et ses guests, Marché Dantokpa, 16h
- 6 novembre : Femi Kuti, Institut Français, 20h30
- 7 novembre : Soirée anniversaire Gangbé Brass Band et ses guests, Institut Français, 20h30



Source : www.benincultures.com


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