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A Arles, l'Afrique " déchire un soutien-gorge " et danse comme à Bamako

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On imagine le message du conducteur de train qui annoncerait, avant le départ : " Ce train desservira le Mali, l'Ouganda, le Bénin, le Nigeria. " Soyons fous, soyons dadas, car le projet s'y prête : c'est à la sortie de la gare SNCF que commencent, géographiquement, les Rencontres de la photographie à Arles, avec une exposition intitulée " Africa Pop ", contre-pied au photoreportage misérabiliste et marchepied pour la jeune création décalée, jusqu'au 25 septembre. Au sortir du wagon, les voyageurs n'y prêtent pas attention, pressés qu'ils sont de (re) trouver, sur la carte du centre-ville, les trésors du Théâtre antique ou de l'Espace Van Gogh.

 

Alors on recommence : vous sortez de la gare et là, tout de suite, sur votre droite, vous entrez à " Ground Control ". Un nouvel espace de 1 000 m 2, en accès libre, d'anciens bâtiments de la Sernam reconvertis par l'association La Lune rousse, juste ce qu'il faut pour accrocher des œuvres : comme ces photos colorées de Nollywood, l' industrie du cinéma nigériane, regroupées sous le titre humoristique " Tear my Bra ! "(" Déchire mon soutien-gorge "), un " hommage aux titres traditionnels de Nollywood, la plupart du temps aussi dramatiques qu'irrémédiablement ambigus ", explique Azu Nwagbogu, le commissaire d'exposition.

 

De Bamako à Cuba

Dehors, sous les arbres enguirlandés, des tables et des chaises de bric et de broc, un wagon-bar éventré et l'écran posé en plein air, comme un immense Polaroid. Le Rhône n'est pas loin, de l'autre côté de la gare routière. Quand la nuit tombe, l'air fraîchit et l'on respire enfin... la citronnelle anti-moustiques. On les avait oubliés, ceux-là, mais ils se déchaînent, comme le DJ qui lance la soirée " Africa Pop " en ce mardi 5 juillet.

 

Le producteur de musique Richard Minier, barbe grisonnante, est aux platines le temps de faire monter l'ambiance. Il est l'un des commissaires de l'exposition " Swinging Bamako " (sur un autre site, à la Grande Halle) qui retrace l'épopée de sept jeunes Maliens partis à Cuba, en 1964, qui forment un groupe à La Havane (Las Maravillas de Mali) et créent un tube. On devait lui parler plus tard, on ne l'a pas retrouvé. Beaucoup de monde, ce qui ravit le maître de cérémonie, le directeur des Rencontres d'Arles. Sam Stourdzé avale un sandwich sur la scène qui accueillera bientôt le groupe Coup fatal. Son rêve : que le " gratin de la photo " et les Arlésiens se mêlent et se rencontrent, sur ce site qui n'est pas qu'un souvenir industriel. Il reste encore une activité de maintenance du réseau ferré, et trois agents sont présents à " Ground Control " pour laisser passer un véhicule, au cas où...

Du skate en Ouganda

Pour l'heure, c'est la découverte et la redécouverte de grands noms de la photographie, le temps de la projection nocturne. Des noms apparaissent sur l'écran, d'artistes ou de personnages que l'on note - c'est un grand mot - à toute allure, dans l'obscurité... La scène de Bobo-Dioulasso ( Burkina Faso), dans les années 1960-1980, les punks marocains sur fond de l'envoûtant Lust for Life d'Iggy Pop...

 

Malick Sidibé, Regardez-moi!, 1962

. Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la galerie MAGNIN-A, Paris. Crédits : GALERIE MAGNIN.A / RENCONTRES D'ARLES, 2016

 

Et connaissez-vous l' histoire du gars qui a introduit le skate en Ouganda, en périphérie de Kampala ? Le photographe suisse Yann Gross l'a rencontré, à la fin des années 2000, et nous montre cette envie de vivre, ces enfants qui ont construit brique après brique des pistes de skate, sans se faire prier. L'un d'eux explique, face caméra : " Si je travaille bien, je pourrai être médecin et skater professionnel. "

 

L' Afrique, c'est tendance. " L'Afrique est pop ? Ou bien l'Afrique c'est trend ? ", s'interroge Anna-Alix Coffi, créatrice de l'élégante revue Off the Wall, dédiée à la photo émergente, dont le dixième et dernier numéro est sorti pour les Rencontres d'Arles. Dix seulement, car c'était prévu comme ça, c'est un concept, explique la jeune Ivoirienne aux cheveux ultra courts qui a grandi à Paris. " L'événement Africa Pop est un bon premier pas. Mais j'espère qu'un jour on parlera de l'Afrique tout court, et pas pop ou je ne sais quoi. Et que cet art d'Afrique sera mêlé à la création internationale ", ajoute-t-elle. Elle n'a pas encore vu toutes les expositions consacrées à l'Afrique durant ces 47 e Rencontres d'Arles : outre " Swinging Bamako ", on peut découvrir au couvent Saint-Césaire " Syrcas ", de Maud Sulter : l'artiste écossaise, morte en 2008, qui n'a cessé d'interroger l'absence de représentation des femmes noires dans l'histoire de l'art, tente, avec " Syrcas ", de réanimer l'histoire oubliée du meurtre de masse de Noirs européens pendant la Shoah.

 

Réinventer le travail des pionniers maliens

Quand on quitte " Ground Control ", vers minuit, la jeune photographe malienne Fatoumata Diabaté se pose enfin sur un tabouret, pour un repas Tupperware. Cela fait des heures qu'elle accueille le public, des Blancs essentiellement, pour une prise de " photo de rue " dans la tradition de Bamako des années 1950-1960, avec vêtements d'époque sur fond de tissu rayé. Son compagnon, Kwane Leduc, qui l'accompagne et administre la petite entreprise, raconte le parcours de Fatoumata Diabaté, ses dernières expositions.

 

Avec ce studio photo, elle revisite et réinvente le travail des pionniers maliens, Seydou Keïta (1921-2001) ou encore Malick Sidibé, surnommé " l'œil de Bamako " (né en 1936 et décédé le 14 avril). " Fatoumata a toute cette mémoire visuelle en tête. Ces séances sont un moment d'échange. C'est elle qui choisit la tenue des gens qu'elle photographie, elle crée son univers. " L'artiste, qui se définit comme " photographe social ", résume son projet d'une phrase, sur son site : " Monsieur et Madame Tout-le-monde se font tirer le portrait dans les conditions des années 1950-1960 et repartent avec leurs propres noir et blanc ". Belle métaphore du rêve de mixité arlésienne, en cet été 2016.



Source : Le Monde.fr


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