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Afropéen [adj.] : qualifie le fait d'être noir et né en Europe

  Société, #

Décryptage d'un terme qui apparaît ou ressurgit dans le débat public. Aujourd'hui, le concept émergent d'afropéanité.

"Etre Noir dans un monde de Blancs." Sur l'affiche de cette comédie américaine, arrivée sur les écrans de cinéma français il y a dix jours, une main blanche plonge dans la coupe afro d'un Noir. Sorti à l'automne aux Etats-Unis, Dear white people y est devenu un manifeste générationnel.

Les Américains sont habitués à manier du Noir, du Blanc et de l'Afro-Américain pour parler de cette réalité-là. En France, c'est une autre histoire.

Comment dire la présence noire sur le continent européen ? Un terme est timidement né, avant tout sur la scène culturelle : l'afropéanité - ou l'afropéanisme. Etre afropéen ou afropéenne, c'est être noir mais être né en Europe - ou y avoir grandi - "une réalité aujourd'hui souvent invisibilisée", note Maboula Soumahoro, maître de conférences à l'université de Tours et spécialiste des diasporas africaines.

"Quand on parle de Noir, on pense "Africain". Quand on dit "Européen" on pense "Blanc". Afropéen est un joli mot - c'est rare pour un néologisme - qui ne renvoie pas à la couleur de peau", apprécie la militante associative Rokhaya Diallo.

"Une expérience racialisée, dans un espace à majorité blanc"

Ce mot-valise surligne une multi-appartenance culturelle. En évoquant un continent, l'Europe, et non pas seulement un pays, l'afropéanité se joue des frontières nationales - tout comme le font les diasporas. Mais elle désigne aussi la condition particulière des Noirs européens : "Le mot afropéanisme souligne bien l'idée de vivre une expérience racialisée, dans un espace à majorité blanc", précise Maboula Soumahoro.

L'écrivaine Leonora Miano, prix Femina 2013, qui a fait circuler le terme en France, en donnait cette définition dans le Magazine littéraire, en 2010: "Le terme "afropéen" cherche à décrire ces personnes d'ascendance subsaharienne ou caribéenne et de culture européenne : des individus qui mangent certes des plantains frits mais dont les particularismes ne sont pas tellement différents de ceux qu'on peut trouver dans les régions de France."

L'archéologie lexicale fait remonter l'origine (approximative) du mot au groupe de musique belge, aux origines zaïroises, Zap Mama, et à son album sorti en 1993 "Adventure in Afropea". Dix ans plus tard, un article du New York Times parle de deux chanteuses françaises, les Nubians, comme d'un groupe représentatif de la "scène musicale afropéenne qui fleurit en France". Depuis, de jeunes anglais ont monté un journal en ligne, Afropean, qui analyse les enjeux sociétaux et culturels par le prisme de l'afropéanisme. En France, la romancière Leonora Miano popularise le thème avec ses ouvrages "Afropean Soul et autres nouvelles" (Flammarion 2008) ou "Blues pour Elise" (Plon 2010). Ses romans parlent notamment des vies parisiennes de femmes noires, de diplômées mais qui finissent standardistes, font du Vélib ou commentent l'élection (puis la déception) de Barack Obama.

"Le terme est très circonscrit à la sphère culturelle, les militants ne se le sont pas encore approprié en France", témoigne Rokhaya Diallo, qui elle-même se définit davantage, spontanément, comme Européenne d'ascendance africaine. A Paris, en février, s'est tenu la première édition du festival AfricaParis, "le festival de l'afropéanité": des artistes, créateurs, mais aussi des universitaires, étaient invités à promouvoir le concept par la metteuse en scène franco ivoirienne Eva Doumbia.

Renverser le regard

Le mot "afropéen" arrache les Noirs à un imaginaire qui leur est souvent attaché: l'immigration. Les Afropéens ne sont pas des sans papiers: ils sont Français, Allemands, Portugais... "Les médias, les journalistes aiment insérer ces jeunes Noirs dans une trajectoire migratoire, mais cette histoire est celle de leurs parents: on n'immigre pas sur plusieurs générations", insiste Maboula Soumahoro.

Les mots signifient beaucoup. Ils font l'imaginaire. S'il fallait un exemple, il y a celui-ci, donné par Maboula Soumahoro. "Alors qu'en France, on parle d'"immigrés de deuxième génération", aux Etats-unis, on dit: "Américains de première génération". Ce qui renverse complètement le regard sur une même situation."



Source : www.liberation.fr


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