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Arts - Côte d'Ivoire : quand l'artiste africain sort de l'anonymat

  Culture & Loisirs, #

"Longtemps, les ethnologues ont considéré les sculpteurs traditionnels africains comme de simples artisans au service du rituel", explique Lorenz Homberger. Ancien conservateur de l'art africain et océanien au Museum Rietberg de Zurich, le commissaire de l'exposition, avec Eberhard Fischer, en dévoile par cette phrase tout l'enjeu : faire comprendre au spectateur que ces statues et ces masques ne sont pas interchangeables ni purement fonctionnels, mais qu'ils répondent à un idéal de beauté et au geste créateur d'un artiste identifiable. Quitte à susciter les critiques dans le milieu de l'histoire de l'art.

Le maître des volumes arrondis

La "galerie des sculpteurs" - le cœur de l'exposition?du Quai Branly*, ainsi baptisé par les commissaires - dévoile le travail de quarante maîtres de la Côte d'Ivoire* des XIXe et XXe siècles, nommés de trois façons. Par leur appartenance géographique d'abord, tel le "Maître de Bouaflé" du pays gouro, dont les masques portent irréfutablement l'empreinte : des visages aux formes dynamiques, aux surfaces lisses, aux yeux admirablement fendus, obliques, et aux traits fins, le petit nez convexe prolongeant un grand front concave qui s'étend jusqu'aux racines des cheveux... Par la caractéristique de leur manière, aussi : suivez le " Maître des volumes arrondis", celui "du visage rond", celui "des jolis seins " ou encore le "Maître des mains en spatule" (photo) du pays sénoufo, reconnaissable à ses statuettes aux bras particulièrement courts, fixés sur un torse d'une finesse extrême et terminés par des mains en battoir. Enfin, et faute de mieux (quand la provenance n'a pas pu être identifiée et que le trait n'est pas suffisamment caractérisable), le maître porte le nom du collectionneur de ses œuvres. Ainsi du "Maître de Kamer", sculpteur baoulé, ou du "Maître d'Himmelheber", du nom de l'ethnologue allemand à l'origine de cette nouvelle approche de l'art africain.

Des Gouro aux Baoulé

S'approcher des artistes et de leurs ateliers (chez les Sénoufo, l'atelier fait signature sous la conduite du doyen des sculpteurs), c'est découvrir aussi que, chez certaines ethnies, l'artiste a un rang social très élevé. "L'un des sculpteurs les plus en vue chez les Dan, qui était aussi chasseur, s'appelle Sra ce qui signifie Dieu, précise le commissaire. Sa réputation dépassait les frontières de son village et l'amenait à se déplacer dans tout le pays." Un peuple après l'autre, des Gouro aux Baoulé pour le centre du pays, des Dan, à l'ouest, aux Sénoufo, au nord, ou encore aux Lobi, c'est une variété artistique inouïe qui frappe l'œil du visiteur, même si l'unité du matériau des sculpteurs demeure le bois, à l'exception de quelques pièces d'ivoire utilisées par les peuples de la Lagune (au sud-est du pays). "Dans une Côte d'Ivoire où chaque ethnie est très différente, la créativité portait la marque des échanges dans les zones frontalières avec le Libéria, le Mali, le Burkina, le Ghana."

Le passé et le présent

Ce qui frappe aussi, c'est la palette des objets exposés, du plus quotidien au plus sacré. "Oui, la poulie du métier à tisser pouvait être belle, poursuit Lorenz Homberger. Une pure beauté plastique, de l'art pour l'art, qui selon les Blancs n'existait pas en Afrique." Et aujourd'hui?? En passant par les masques colorés du sculpteur gouro Sabu bi Boti (photo 2), l'exposition fait le lien avec la création contemporaine, en présentant quatre artistes en vue sur le marché de l'art. Ils démontrent, tel Koffi Kouakou en "maître" des robots de bois, leur capacité inventive à associer les énergies venues du passé à leur vision du présent. Les sculpteurs de Côte d'Ivoire n'ont pas dit leur dernier mot, et en saluant le statut international et itinérant de cette exposition, le ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, Maurice Kouakou Bandaman a évoqué "son atterrissage sur les bords de la lagune Ébrié à Abidjan" lors de l'inauguration de l'exposition à Paris.

Pour un droit international de la culture

À cette occasion, le ministre a rappelé que "cette reconnaissance de l'art ivoirien ne doit pas cependant faire oublier le pillage dont le musée des Civilisations fut la victime", allusion à la crise ivoirienne des années 2010 et 2011, et lancé un appel qui concerne toutes les oeuvres d'art menacées dans le monde aujourd'hui : "Avec insistance, nous prônons l'émergence d'un droit international de la culture, définissant avec clarté ce qui peut relever des crimes contre les biens culturels avec cours et tribunaux pénaux ad hoc, pour juger précisément de ces crimes."



Source : afrique.lepoint.fr


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