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Au Front national, la passion Congo

  Politique, #

On ne l'attendait pas dans ce marigot. Louis Aliot, vice-président du Front national (FN), a été l'une des seules personnalités politiques françaises à prendre ouvertement fait et cause pour l'opposition congolaise lors du référendum organisé le 25 octobre par le président Sassou Nguesso. Sur la chaîne Public Sénat, au Parlement de Bruxelles, dans une lettre à François Hollande, le député européen d'extrême droite a multiplié les saillies contre la Françafrique et ses " compromissions " avec des " régimes politiques douteux ". Une mobilisation qui a valu au compagnon de Marine Le Pen les sympathies d'une grande partie de la diaspora, certains se disant " prêts à (le) suivre jusqu'au bout des urnes " et à " sanctionner le PS et François Hollande aux prochaines élections ".

Le président français s'est attiré l'ire de cette communauté traditionnellement acquise à la gauche en reconnaissant, du bout des lèvres, à son homologue congolais " le droit " d'organiser sa consultation sur le changement de Constitution. Droit que contestaient justement ses opposants rassemblés au sein d'une plateforme, IDC-Frocad, voyant à travers ce scrutin une manœuvre de l'indéboulonnable septuagénaire pour briguer un troisième mandat. Si l'Elysée n'a pas entériné les résultats du référendum, " la position de M. Hollande a été ressentie comme un profond mépris, note Mingua Biango,fondateur du site Congo Liberty. M. Aliot, lui, a abondamment évoqué les massacres au Congo. "

 

" Les Africains ne sont pas revanchards "

Le vice-président du FN, pourtant, n'est jamais allé en Afrique centrale et c'était là sa première prise de position contre le régime de Brazzaville. " Si je me suis lancé là-dedans, confie-t-il, c'est parce que Parfait, assigné à résidence, était menacé physiquement ". Longtemps ministre du président Denis Sassou Nguesso avant de passer dans l'opposition, Guy Brice Parfait Kolélas est un proche du vice-président frontiste. Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 2000, lorsque le Congolais achevait son doctorat en économie à l'université de Dijon. Avec son " ami ", il avait contribué à " tricoter " le chapitre sur la coopération avec l'Afrique du programme de Jean-Marie Le Pen pour la présidentielle en 2002.

 

Cette ligne, reprise à l'époque par l'ancien chef du parti dans une tribune du Figaro intitulée " Pour sauver la France, il faut préserver l'Afrique ! "*, semble être encore celle du FN. Elle tient en un axiome simple, résumé par Louis Aliot dans sa lettre du 27 octobre à François Hollande : " Le développement de l'Afrique est l'une des conditions du desserrement de l'étau migratoire. " Les Africains seraient donc poussés au départ par la gabegie de leurs dirigeants. En rompant avec les caciques corrompus, la France se protégerait contre l'arrivée d'étrangers sur son sol et nouerait des partenariats plus équitables. La formule relève du vœu pieu et d'une arithmétique discutable. Les responsables frontistes n'en ont cure. " C'est un continent très beau, qui a un potentiel énorme, insiste, émerveillé, l'élu du Sud-Ouest. La francophonie est un levier formidable. Et puis, contrairement au FLN en Algérie, les Africains ne sont pas revanchards. "

Surtout, renchérit le député européen Bruno Gollnisch (FN), " ils ont compris qu'en défendant notre identité, nous défendons aussi la leur ". Jean-Marie Le Pen a eu l'occasion de prêcher ce message auprès de plusieurs dirigeants africains : Omar Bongo au Gabon, à la fin des années 1980, et Hassan II au Maroc, en 1990. " Bongo avait d'ailleurs demandé à Le Pen d'encourager le retour des médecins gabonais au pays ", assure Bruno Gollnisch.

Bernard Kolélas et son fils, Guy Brice Parfait dans la ville congolaise de Kinkala, en juin 2007. Crédits : MARTIN VAN DER BELEN / AFP

Des colombes pour Mandela

A en croire Louis Aliot, les Français d'origine sub-saharienne seraient d'ailleurs de plus en plus sensibles aux idées du FN, notamment sur la question des valeurs. Une popularité qui reste à démontrer, mais à laquelle croit dur comme fer Guy Brice Parfait Kolélas : " Il y avait déjà beaucoup de Noirs au FN quand je travaillais avec eux. Des Martiniquais, des Guadeloupéens, mais aussi des Maliens, des Sénégalais. " L'opposant congolais, encarté au " PCF de Georges Marchais " de 1983 à 1993, décrit un FN " humaniste ", dont l'image extérieure tranche avec " ce qu'il est en réalité " : " Jean-Marie Le Pen, souligne-t-il, a été le premier à proposer en 1988 un moratoire sur les dettes des pays du tiers-monde. "

Guy Brice Parfait Kolélas a contribué à organiser le déplacement avorté du " Vieux " en Afrique du Sud en 2002. L'ancien président frontiste comptait s'y entretenir avec Nelson Mandela et lui offrir, en signe d'amitié, un couple de colombes en cristal de Baccarat. Qu'importe si le candidat d'extrême droite qualifiait Madiba de " terroriste " en 1990 sur le plateau de " L'heure de vérité ". D'après plusieurs responsables du FN, Jacques Chirac serait alors personnellement intervenu pour que la réunion n'ait pas lieu. " Un accord de coopération a tout de même été signé entre le FN et l'ANC ", rétorque Guy Brice Parfait Kolélas, qui se trouvait à Johannesburg avec Louis Aliot. " L'idée, poursuit-il sans craindre les comparaisons hasardeuses, était d'échanger sur nos expériences politiques, entre un parti diabolisé dans l'Hexagone et un parti diabolisé sous l'apartheid. "

Un intérêt à géométrie variable

L'intérêt du Front national pour le continent africain reste toutefois à géométrie variable. Louis Aliot le reconnaît lui-même : rares sont les dirigeants du parti à s'intéresser vraiment à la question. Si la ligne officielle brocarde les réseaux de la Françafrique, plusieurs proches du FN ont servi de conseillers politiques ou militaires à des chefs d'Etat du continent, ou ont même trempé dans des tentatives de coups d'Etat, comme le frontiste François-Xavier Sidos aux Comores, en 1995. Le parti avait pris ses distances à l'époque, assurant que son militant était là-bas " en vacances depuis plusieurs mois ". " Beaucoup d'historiques du FN sont d'anciens soldats ou mercenaires qui ont, au cours de leur carrière, été déployés en Afrique francophone ", abonde le politologue Jean-Yves Camus.

Des partisans de Laurent Gbagbo manifestent à Paris en 2011. Crédits : BERTRAND LANGLOIS / AFP

Avant le Congo, le mouvement d'extrême droite s'était surtout fait entendre dans le dossier ivoirien, se distinguant des autres formations françaises par un indéfectible soutien à Laurent Gbagbo. La proximité du chef de l'Etat avec Marcel Ceccaldi, longtemps conseiller juridique du FN, et Bernard Houdin, ancien militant du GUD qui a fréquenté les instances dirigeantes du parti dans les années 1970, n'y était pas pour rien. " En outre, le concept d'"ivoirité" était l'un des slogans fétiches de Gbagbo ", rappelle Jean-Yves Camus. La notion, introduite dans la Constitution ivoirienne par l'ancien président Bédié, était censée disqualifier de la course à la magistrature suprême Alassane Ouattara, soupçonné d'avoir une ascendance burkinabé. " Ça collait bien avec "La France aux Français" [slogan frontiste]. En plus, Ouattara est musulman ", observe le politologue.

 

Parmi les Africains du FN les plus médiatisés en 2012 figurait une Franco-Ivoirienne : Rosine Nahounou, membre du comité de soutien Bleu Marine et farouche partisane du président ivoiren déchu. " Je ne suis pas abrutie, je sais lire, et j'ai fouillé les archives. Depuis plus de trente ans, il n'y a que la gauche et la droite qui se distribuent le pouvoir. Ils n'ont rien apporté aux Noirs de France ", affirmait-elle au Bondy Blog pendant la campagneprésidentielle. Un discours partagé par les dizaines de ressortissants de République démocratique du Congo (RDC) qui avaient défilé dans les rues la même année en criant : " Le Pen ? Oui ! ", " Le Congo aux Congolais ! La France aux Français ! "

 

Depuis qu'il s'est publiquement engagé contre Sassou Nguesso, Louis Aliot a également été contacté par plusieurs membres de l'opposition gabonaise. Le député européen compte surfer sur le phénomène en créant une plateforme " pour une nouvelle politique africaine de la France ". Il espère aussi faire inviter son " ami " Guy Brice Parfait Kolélas à Bruxelles. Un enthousiasme teinté d'opportunisme qui devra composer avec ces irréductibles qui, depuis Paris, tentent de maintenir les vieux réseaux africains du FN.

 

*Tribune parue le 14 janvier 2002 dans Le Figaro.



Source : www.lemonde.fr


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