Amma Asante, réalisatrice du long-métrage Belle qui traite de l'esclavage, s'amuse de sa propre condition.

"Qui suis-je? Je suis la femme noire cinéaste britannique par excellence. En d'autres termes, je suis seule", a-t-elle déclaré.

Belle est le récit de la vie réelle d'une métisse noble du 18e siècle - Dido Elizabeth Belle (Gugu Mbatha-Raw) - qui a incité son oncle, le Lord Juge en chef de la Cour d'Angleterre Lord Mansfield (Tom Wilkinson), à abolir l'esclavage en Grande-Bretagne.

Même si la version américaine de l'esclavage est plus familière, Amma Asante a confié que le concept britannique et européen de race est complexe et qu'il se répercute aujourd'hui.

Durant son enfance, la réalisatrice a aussi été actrice dans Grange Hill, une série télévisée britannique populaire des années 70/80 qui se déroule dans une école.

"À l'époque, il y avait très peu de noirs à la télévision, a expliqué la cinéaste qui a remporté un British Academy Award pour son premier film, A Way Of Life. J'étais un modèle de référence par accident et par défaut."

Au sommet de sa gloire télévisuelle, elle recevait des demandes en mariage, "principalement de la part de soldats en Irlande du Nord - ce qui est un peu effrayant lorsque vous avez 14 ans. Il y avait seulement deux familles noires dans la rue. Nous avions l'habitude de nous faire harceler, mais nous étions les seules familles de la rue à être propriétaires de notre maison. Alors qu'est-ce que tout cela voulait dire? J'ai appris très tôt la complexité de l'identité, du sexe, de la race et de la classe. Ces choses ne siègent pas dans des boîtes séparées, elles s'entremêlent."

L'histoire de Dido est devenue célèbre grâce au portrait d'elle et de sa cousine Elizabeth (joué par l'actrice canadienne Sarah Gadon), qui orne désormais un mur du Palais de Scone en Écosse. Asante était pleinement consciente de la signification de ce tableau. "Un an plus tôt, mon mari m'avait emmené à une exposition sur l'histoire du peuple noir dans l'art européen au 14e siècle. Ils étaient disposés en arrière-plan, comme animaux de compagnie, exprimant le statut du protagoniste blanc. Ils étaient toujours courbés, le regard tourné vers la personne que le peintre voulait mettre en évidence."

"Ce qu'a fait Lord Mansfield en commandant cette peinture de Dido était nouveau, unique et dangereux. Je me suis dit "C'est l'occasion, si je le fais bien, d'écrire une histoire sur l'art, la race et la politique." Et l'amour, il vaut mieux ne pas m'attirer sur ce sujet, car je pourrais en parler pendant des heures."

Dido a épousé un avocat et militant antiesclavagiste du nom de John Davinier, et l'église où ils se sont mariés et ont baptisé leurs enfants est toujours visible à Londres.

Amma Asante et la scénariste Misane Sagay ont également inséré quelques éléments de fiction dans Belle, notamment ce mariage arrangé de courte durée avec une autre famille de la noblesse dont la matriarche (Miranda Richardson) est attirée par l'héritage de Didon, mais exige de savoir, "À quel point est-elle noir"e?"

Le personnage s'inspire de la vie de la réalisatrice.

"Lorsque j'ai épousé mon premier mari, qui était blanc, sa mère disait des choses du style:"Je suppose qu'elle est belle, mais qu'est-ce qu'elle est noire!" Elle est devenue Miranda Richardson. Chaque cinéaste met de lui dans son travail, je me devais de le faire pour ce film."