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Bénin: Les sept péchés capitaux de Lionel Zinsou

  Politique, #

A QUELQUES SEMAINES de l'élection présidentielle au Bénin, la candidature du Premier ministre béninois prend un tournant nationaliste, voire xénophobe, avec les déclarations, ce week-end, du député Rachidi Gbadamassi, ex-porte-flingue sans gêne du président sortant. Au-delà du caractère peu orthodoxe des déclarations du député, Amzath Fassassi s'interroge sur les raisons de la méfiance d'une partie de l'opinion à l'égard du protégé de Laurent Fabius. 

Il y a ceux qui, dans leur inimitable style, s'en prennent à la couleur de sa peau ou à sa bi-nationalité et ceux qui posent des questions légitimes sur sa capacité à diriger le pays, le connaissant trop peu à leur goût.

Les uns l'adoubent et voient en lui le remplaçant "naturel" du président sortant, tandis que les autres ont, pour ainsi dire, une sainte aversion pour sa personne; d'ailleurs moins pour ce qu'il représente intuitu personæ que pour ce qu'il symbolise et incarne: l'Alliance FCBE - Forces Cauris pour un Bénin Emergent -, au pouvoir.

L'homme a beaucoup fait parler de lui, depuis qu'il s'est fait bombarder Premier ministre, au nez et à la barbe de nombreux prétendants au trône et sans doute encore plus depuis qu'il a été désigné successeur du Grand Maharajah Yayi Boni.

Tout le monde parle de Zinsou.

Hélas, pas forcément à son avantage,

"Ce qui est en cause, c'est moins la couleur de peau du Premier ministre que sa capacité à diriger un pays qu'il connaît peu."

De son "teint blafard" à son récent accident d'hélico, en passant par le financement présumé de sa campagne par les milieux d'affaires français, Lionel Zinsou ne laisse pas indifférent.

 

Il est vrai que cet ancien de PAI Partners présente un CV à faire pâlir d'envie.

Pourtant, sa candidature semble ne pas passer au sein de l'opinion ou, pour tout dire, a du mal à susciter de l'enthousiasme et de l'engouement au delà du bureau présidentiel.

C'est que Lionel Zinsou est victime de sept contingences de l'histoire qui plomberont sa candidature jusqu'au scrutin du 28 février.

Pour le commun des Béninois, le premier des péchés du premier ministre-candidat - et pas des moindres -, s'appelle l'opportunisme.

Opportunisme

Le mot peut, à première vue, sembler trop gros, voire osé, pour cet homme qui cultive une image de personnage affable, généreux et à l'écoute des autres.

 

Cependant, aux yeux de ses compatriotes, où son parcours a de vrais relents d'opportunisme, c'est que pour ses compatriotes, Lionel Zinsou a fait l'essentiel de sa carrière dans le confort des salons cossus de France, au sein des cabinets ministériels des gouvernements de la gauche française, avant, par l'un de ces avatars de l'histoire, de rêver de diriger le Bénin.

Pas qu'il y fût particulièrement préparé ou qu'il en rêvât benoîtement, naturellement.

C'est qu'il était là au moment où Yayi Boni, contraint par un certain Patrice Talon, de renoncer à briguer un troisième mandat, a voulu assurer ses arrières en positionnant un candidat qui, politiquement, lui devrait tout et le mettrait à l'abri de possibles déconvenues une fois qu'il aura été dessaisi des rênes du pouvoir; de même, de sources généralement bien informées, le positionnement au forceps de Lionel Zinsou ferait partie d'un gentlemen's agreement entre le Quai d'Orsay et l'Elysée, pour "caser" le soldat Zinsou contre une retraite dorée pour le futur ex-président.

Le procédé, il faut bien le dire, n'a pas plu jusque dans le camp de Yayi Boni où des personnalités comme François Abiola rongeaient leurs freins et attendaient docilement et patiemment leur heure.

Exit donc le vice-premier-ministre, ainsi que tous les autres prétendants et courtisans locaux.

Quelques allers-retours Paris-Cotonou plus tard, voici Lionel Zinsou lancé sur orbite, avec la bénédiction de ses protecteurs français.

L'affaire arrange Yayi Boni qui, malgré tout et contre vents et marées, va devoir quitter le pouvoir au plus tard en mars prochain.

Et tant qu'à faire, s'il doit quitter son fauteuil, autant le confier à un homme qu'il aura fait de sa propre main et avec le consentement de l'ancienne puissance coloniale.

Voilà comment Lionel Zinsou a été propulsé au-devant de la scène politique béninoise, parachuté en un temps, trois mouvements, premier ministre, puis présidentiable de luxe.

Les caciques de l'alliance FCBE, qui rongeaient leurs freins depuis des années, se font ainsi chiper le gros lot par un homme qui pour eux, n'a jamais participé à un scrutin au Bénin - même sa désignation comme candidat de l'Alliance FCBE à la présidentielle s'est effectuée dans une touchante opacité caractéristique des méthodes magouillardes du régime en place.

C'est donc sans surprise que Lionel Zinsou est perçu par une grande partie de ses compatriotes comme un métèque qui passe journellement devant votre maison sans vous dire bonjour et qui un soir, sentant l'arôme d'un fumet appétissant, passe opportunément vous dire bonsoir.

L'arôme, c'est le pouvoir suprême. Il le désire comme un éphèbe convoite son amante, comme le lion contemple sa proie.

Ce boulet, il le traînera pendant toute la campagne, voire bien après encore.

Acculturation

L'autre pendant de cet opportunisme, qui marque aussi le deuxième péché originel de Lionel Zinsou, est symbolisé par cette forme d'acculturation qui le pousse à rechercher l'assimilation contre vents et marées.

 

Pour l'opinion, l'africanisation à pas forcés du candidat participe de ce jeu.

Lui qui, avant son irruption sur la scène politique béninoise, avait rarement fait des apparitions publiques en tenue locale, semble s'être fait une raison.

Plus une sortie sans agbada, bomba ou gobi, qu'il se fait cependant fort de ranger au placard avant de se rendre à Paris...

Pas fou...

On imagine d'ici les ricanements de ses amis de métropole, voyant débarquer l'ex-plume de Fabius en tenue de carnaval, plumes et flèches en moins...

Toujours est-il que l'homme sait s'entourer des soutiens idoines, du Grand Manitou Blanc François Hollande à son missus dominicus, qui pour lui est plus qu'un ami: un protecteur.

D'où son troisième péché.

Le candidat de l'extérieur

Lionel Zinsou passe en effet pour cet aspirant imposé par le colon, le bras armé d'une re-colonisation annoncée et jugée fait du passé, dans ce pays où toute une génération de jeunes ont été formatés aux discours anti-capitalistes, anti-colons et anti-colonisation d'un certain... Mathieu Kérékou, aux temps forts du régime marxiste-léniniste.

 

Ceux de ses compatriotes qui ont de la mémoire se souviendront de la tentative de coup d'état du mercenaire français Bob Denard, le 16 janvier 1977, avec sinon la complicité, du moins la bénédiction de la France de Valéry Giscard d'Estaing...

Cet épisode avait contribué à radicaliser le régime béninois qui, outre celles de la France, du Gabon et du Maroc, y voyait la main de ses opposants en exil à Paris, notamment "la clique" de Gratien Pognon, avec un certain... Emile Derlin-Zinsou, ancien président de la République, ennemi public No 1 de Mathieu Kérékou aux heures chaudes de la Révolution et accessoirement "Tonton" du candidat Lionel.

Ici réside précisément le quatrième péché du Premier ministre béninois.

L'alliance avec le président Yayi Boni, dont le - trop long - passage à la tête de l'Etat peut être qualifié de calamiteux à maints égards, est perçue comme une erreur majeure de positionnement pour cet homme qui veut incarner une nouvelle façon de faire de la politique et affiche, au passage un afro-optimisme qui pousse ses compatriotes à se demander s'il connaît vraiment les réalités du chômage, de la pauvreté et des malversations de tous genres dans le pays.

Il n'échappe à personne qu'au Bénin, la corruption est un sport national et ses champions se trouvent habituellement au Palais de la Présidence de la République; Yayi Boni, sous ses deux mandats, a non seulement perpétué la tradition, mais sophistiqué ses méthodes.

Au-delà de la corruption, le régime du Changement a ajouté à nos vices une panoplie de nouvelles tares jusqu'ici insoupçonnables sur cette terre qui se fit un temps appeler quartier latin de l'Afrique: magouilles et Cie à échelle industrielle, prévarication des biens publics sous la supervision des grands pontes du régime, ostracisme systématique de tous les dissidents - les rocambolesques affaires Talon en témoignent -, hypocrisie au sommet de l'Etat et j'en passe.

Il est donc surprenant que Lionel Zinsou, conscient de tous ces faits d'armes du régime Yayi - à moins que, faute politique gravissime, il ne le soit pas ou ait été à l'école de son chef pour tout en ignorer - le choisisse quand même comme fer de lance de sa campagne présidentielle.

"Mais que va-t-il donc chercher dans cette galère?" s'interrogeait naguère son père, après avoir appris la nouvelle de sa nomination au poste de premier ministre.

L'homme semble avoir sous-estimé le fort ressentiment de la population face à une décennie historique de mauvaise gouvernance et ce choix se paie cash, dans tous les commentaires, surtout chez les adversaires du président Yayi Boni et Dieu sait s'ils sont légion.

PGCD des FCBE

En dépit des postures publiques pour maintenir debout l'édifice vieilli et rococo des Forces Cauris pour un Bénin Emergent, in petto, les caciques du régime ne tarissent pas de propos peu amènes sur leur porte-étendard, pas plus qu'ils ne décolèrent face à ce qu'ils considèrent tous comme un hold-up.

 

De fait, l'aile des FCBE radicalement opposée à la candidature de Lionel Zinsou, incarnée par Alexandre Hountondji, ancien conseiller aux affaires politiques du président Boni Yayi, envisage de contester en justice la désignation de Zinsou comme candidat de l'alliance.

Il n'est d'ailleurs pas exclu que de nombreuses défections voient le jour au sein de la famille présidentielle avant le scrutin de février, à l'instar de celle de Rachidi Gbadamassi, au demeurant peu surprenante, vu le curriculum vitae de l'homme en la matière.

En témoignent les sorties tonitruantes de la bande des trois - Alexandre Hountondji, Marcel de Souza, le "beau-frère national" et Chabi Sika, tous des caciques du régime -, ainsi que, de manière surprenante, l'inouï soliloque de François Abiola, lors de l'investiture de Lionel Zinsou, le 18 décembre dernier.

S'exprimant à l'occasion, le vice-premier ministre béninois, candidat malheureux lors de la "primaire" à la béninoise des FCBE, s'était ainsi exprimé:

"Monsieur le Président de la République... globalement je suis fier d'avoir travaillé à vos côtés, quoique par moments, je me pose certaines questions par rapport à certaines de vos décisions..."

L'euphémisme fait homme!

 

Lionel Zinsou qui, il y a quelque temps encore, semblait poser comme condition pour être candidat à l'élection présidentielle, le besoin d'un rassemblement fort et convaincant autour de sa candidature, a dû vite déchanter.

Non seulement sa candidature ne fait pas l'unanimité au sein de sa propre famille politique, mais il semble en être le Plus Grand Commun Diviseur.

Qui plus est, l'hypothèse d'une candidature dissidente des FCBE est de plus en plus ouvertement évoquée dans le microcosme politique béninois.

Re-colonisation

Mais plus que le charivari des apparatchiks, ce qui inquiète le plus l'homme de la rue, c'est ce sentiment nourri à raison ou à tort, que l'avenir du pays se décidera désormais non pas du Palais des gouverneurs, siège de l'Assemblée nationale, ou au Palais de la Marina, mais depuis l'Elysée, dans l'hypothèse d'une victoire de Lionel Zinsou à la présidentielle.

 

En d'autres temps, l'actuel président de l'Assemblée Nationale, Adrien Houngbédji, en dépit du brio et du sérieux relatifs avec lesquels il a conduit sa carrière politique, avait été systématiquement discrédité et présenté comme l'homme des Français, à cause notamment de sa proximité assumée avec l'ancien président de l'Assemblée nationale française, Philippe Séguin et les milieux de la droite française...

Aujourd'hui, une partie de la classe politique béninoise dénonce d'ores et déjà, mezza vocce, un hold-up électoral annoncé et le retour par la porte socialiste, de la Françafrique des ères Pasqua et Chirac.

A ces soupçons de collusion entre le Parti Socialiste et le régime de Yayi Boni, s'ajoutent les affaires.

Tout le monde le sait: le bétonneur français Bolloré a d'importants intérêts financiers au Bénin.

Commentant récemment une décision de justice défavorable à l'homme d'affaires français, le président sortant avait fait entendre qu'il ne ferait pas suite à ladite décision, renforçant le fort sentiment qu'une éventuelle victoire de Lionel Zinsou ne ferait que renforcer la mainmise de la France sur l'économie du pays, au détriment des hommes d'affaires locaux, parachevant ainsi une œuvre de re-colonisation du pays.

"Le Tourègue"

Dans ce jeu de poker menteur, Lionel Zinsou passe pour un étranger chez lui; à peine certains ne le voient-ils pas comme un heilmatlos.

 

Il le sait, il le sent.

C'est pourquoi, très tôt, après avoir été nommé premier ministre, il se répandait dans la presse sur une forme de racisme insidieux sur les réseaux sociaux, qui le faisait passer tantôt pour un Touarègue, tantôt pour l'Albinos, claires références empreintes de racisme à son teint plus lait que café.

Yayi Boni a bien perçu le malaise, qui lors de l'investiture de son poulain, n'a pas manqué de faire ce commentaire malheureux:

"Lionel Zinsou est bel et bien béninois. Il n'y a pas de Zinsou blanc. C'est vrai, il est métissé. C'est un avantage de plus..."

Franchement, on voit mal en quoi le métissage - et pas, éventuellement, la vision, les réseaux et l'expérience - constituerait un avantage pour diriger un pays.

La petite phrase: "C'est vrai, il est métissé" résume à elle seule la gêne, jusque dans les méninges présidentielles, car quel mal y a-t-il, finalement, à être métissé? Et quel avantage décisif cela procurerait-il pour diriger le Bénin?

Ce qui est en cause, c'est moins la couleur de la peau du premier ministre-candidat que son aptitude à diriger un pays qu'il connait si peu.

C'est la crainte, faute de connaitre les mœurs locales, de voir Lionel Zinsou penser le développement du Bénin, avec des œillères et des préjugés d'un homme de culture occidentale, le risque de le voir confondre des éléments de culture somba et bariba, les rites mahi et fon, le folklore nago et les traditions yoruba, de ne pas faire la différence entre des éléments de culture goun et fon, bref, le risque d'un quinquennat inutile.

Ce point de vue a été récemment développé par Richard Sènou, ancien ministre béninois des Transports, lors d'une conférence de presse à Cotonou: "Diriger un pays, c'est connaître le pays, les hommes, et avoir une vision... Cher premier ministre, continuer les œuvres de Boni Yayi, c'est continuer la corruption, la gabegie, le clientélisme, la concussion, la division, les faux concours et une gestion hasardeuse du pouvoir d'Etat."

Tel Meurseault dans l'excellent Etranger d'Albert Camus, Lionel Zinsou se pose sûrement beaucoup de questions existentielles.

"Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires", écrivait l'écrivain français.

Ces écrits renseignent sur l'état d'esprit potentiel du candidat.

Un bon pan de la philosophie de l'absurde de Camus se retrouve du reste chez cet homme que ne suivent les tenants du " après nous, c'est nous", cher à l'alliance FCBE, que parce qu'ils espèrent préserver leurs privilèges, pas parce que l'aura de Lionel Zinsou les aura conquis.

Il est vrai que ce dernier ne se rend pas la tâche facile.

Les réseaux sociaux, jamais à court d'anecdotes, sont ainsi allés dénicher sur le réseau professionnel Linkedin, deux noms de Yovo pur jus, travaillant pour le compte du cabinet du Premier ministre.

Il n'en a pas fallu davantage pour accuser le malheureux de "donner des emplois béninois aux Français", ce qui, par ces temps de campagne anticipée, offre des slogans cousus main à ses adversaires...

Last but not least, l'opinion reproche à Lionel Zinsou de reprendre acte pour acte certains des nombreux travers du président sortant.

Elle eût en effet préféré que, sur le modèle des pratiques en cours en France, Lionel Zinsou n'utilisât pas les moyens de l'Etat pour sillonner le pays en hélicoptère et mener une campagne avant l'heure; elle eût préféré qu'il prenne ses distances d'avec certaines fréquentations sulfureuses du bientôt ex-président - sa dernière rencontre avec le Congolais Sassou Nguesso en est une parfaite illustration; elle eût préféré qu'il n'utilisât pas la télévision nationale comme son miroir; bref, elle eût préféré que, comme un certain Yayi Boni, en 2006, Lionel Zinsou, fît profession de marquer une rupture claire d'avec des méthodes de gouvernement qui ont fait long feu.

Faute d'avoir compris cela, quelle que soit sa dextérité, Lionel Zinsou va devoir, bien plus qu'un Pascal Irénée Koukpaki, et encore plus, le cas échéant, qu'un François Abiola, assumer le lourd passif de Yayi Boni.



Source : www.afrika7.com


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