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Black miss-mac

  Société, #

Avant, une miss, c'était simple. Miss Camping, France, Monde ou Intergalactique, miss "ronde" ou miss "petite", au bout du compte il y avait toujours une jolie fille en robe à paillettes qui ruine de larmes son mascara sitôt le diadème sur la tête. Une fille souvent blonde, souvent contre la guerre et la faim dans le monde, souvent en BTS tourisme. Et puis il y eut Miss Black France et la politique s'invita au royaume nunuche. Un pavé dans la mare rose Barbie, jeté depuis le haut du 1,74 m de la très belle, et très noire, Mbathio Beye, 22 ans, étudiante en master 1 stratégie marketing à Dauphine.

Ce 28 avril, salle Wagram à Paris, tout collait pourtant à l'imagerie miss : les robes de sirène, les yeux humides sous le fard à paupières trop vert... C'est du titre qu'est venu le malaise. Cet ostensible "Black" planté dans le label rouge Miss France. Pas tout à fait le premier concours du genre, cela dit. Google a débusqué pour nous une Miss Black Beauty, une Miss Afro Ethnic, une Miss Sénégal France et, outre-Manche, une Miss Black UK. Mais voilà, en plein entre-deux-tours d'une présidentielle électrisée sur sa droite par le spectre du communautarisme, Miss Black France a dressé bien haut l'étendard noir. Controverse il y eut donc.

"Sincèrement, je n'ai pas compris la polémique", dédramatise Mbathio Beye. Vive mais mesurée, pas plus potiche que va-t-en-guerre, elle s'en tient à un prudent discours de diversité heureuse. Une fille bien dans ses talons qui vous parle "syncrétisme" et "mixité" et la phrase d'après vous décrit son style "nude et casual" comme une rédactrice de Vogue. A l'observer dans ce café de Bastille où elle commande un Fanta, toute fine et gracile dans son chemisier léopard, les cheveux afro remontés sur la tête à la Grace Jones, on se dit un instant qu'elle ferait une parfaite Londonienne ou New-Yorkaise. Là est bien le problème. Posé ainsi par le créateur du concours, Fred Royer, journaliste du genre activiste à qui l'on doit les amusants Gérard du cinéma et de la télévision : "La France est pleine de jeunes femmes noires modernes, brillantes, actives... mais on ne les voit jamais. Les médias ne montrent que le jeune à casquette." Sa lauréate lui fait écho : "Les magazines féminins ne mettent presque jamais de Noires en une, il paraît que ça ne fait pas vendre. Mais qu'ils essaient ! Parce qu'en attendant, les féminins ciblés afro se multiplient." D'où l'idée, chez Fred Royer, d'un concours de miss noires face au trop blanc Miss France. Estampillé "Black", terme euphémisant mais compréhensible à l'international. Et puis "Mademoiselle Noire France", au secours ! "Le but, c'est que Miss Black France finisse par disparaître quand il y aura assez de candidates noires à Miss France, et pas seulement des Dom Tom", veut croire Fred Royer.

A concours militant, réactions ad hoc. Mais d'abord "c'est quoi, un Noir, ça commence où ? Une Sénégalaise, une Malienne, je sais, mais une Miss Black ?" interroge Patrick Lozès, ex-président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), inquiet de cette "diversité de coups de boutoir, logique qui part d'un bon sentiment mais peut mener à l'enfermement identitaire". Sur la même ligne, Dominique Sopo, de SOS Racisme, appelle à ne "pas "ethniciser" la question du corps noir".

A l'opposé, Louis Georges Tin, l'actuel président du Cran, a donné son plein accord, au nom du "soutien à la visibilité des femmes noires". Présent le soir du concours, il fait sienne cette remarque entendue dans les rangs : "Mbathio Beye est magnifique, mais elle n'aurait pas eu la moindre chance à Miss France. Trop typée, trop détonante." Qu'en pense Geneviève de Fontenay, plus haut patronage qui soit en matière de miss ? Bonne camarade à l'égard de cette "aimable compétition qui ne fait de mal à personne", elle botte en touche quant au fond. Pas assez de noires à Miss France ? "Encore faut-il qu'elles se présentent ! Le concours reflète la société française telle qu'elle est, c'est-à-dire une société blanche. Vous trouvez qu'il y a beaucoup de Noirs au Sénat vous ?" Comment dire...

Au milieu de ce vacarme, la première Miss Black du titre s'excuserait presque : "Ce n'était pas un engagement politique de ma part. Ce n'est pas un concours communautariste ou anti-Miss France, au contraire, l'idée c'est de donner confiance aux femmes noires pour les pousser à participer à Miss France. J'ai voulu montrer la diversité de la femme noire, montrer qu'elle ne se réduit pas à Naomi Campbell." Mais aussi : "On est noir, on est fier de l'être, point." Le propos est affirmé et revendicatif, pas sectaire. Pile-poil dans les attentes du jury, recruté people-télé-rappeurs (Kareen Guiock, Mokobé, Vincent McDoom...). Sur 1 000 candidates inscrites, 17 ont été retenues. Pas de critères physiques imposés même si, à voir l'affiche où posent en maillot imprimé ethnique quelques présélectionnées, que des bombes à l'arrivée. "Miss Black, c'est pas juste une fille jolie", insiste-t-elle. (Auto-)portrait : "Elle est aussi intelligente, élégante, indépendante. Et c'est une fille intégrée, qui adhère aux valeurs de la France. " Ce qui ne veut pas dire française et revoilà la controverse. Sénégalaise, elle n'a pas la nationalité française et n'a pas spécialement l'intention de la demander.

Elle a grandi entre Sénégal, Côte-d'Ivoire, Mali, Guinée et Cameroun. Enfance voyageuse et aisée au fil des déplacements du père, Sénégalais, généticien, et de la mère, Guinéenne, agronome. Les quatre enfants vont au lycée français, parlent wolof mais ont le français pour langue maternelle. En parfaite élève de la double culture, elle cite à part égale, côté lectures, les classiques français (Giono, Colette, Maupassant) et les modernes africains (Mariama Bâ, Fatou Diome) ou antillais (Maryse Condé). Elle arrive à Paris il y a quatre ans. Se superpose alors à sa France fantasmée, littéraire, une certaine réalité : "Le racisme, je ne m'y attendais pas du tout. Ce n'est pas dans les valeurs de la France que j'ai étudiée." Rideau sur le sujet. Comme sur celui du vote des étrangers aux élections locales. Tout juste se risque-t-elle à prendre position contre la circulaire Guéant, qui restreint le droit au séjour des étudiants étrangers : "On a grandi dans ce système français, on peut apporter quelque chose à la France, exceller même, pourquoi le refuser ? C'est dans l'échange qu'on avance."

Elle bûche ses partiels dans son studio de Seine-Saint-Denis, s'est mise à la salsa et à la boxe française, traîne sur les blogs de mode. Pas d'amoureux, "pas le temps d'en gérer un". Plus tard, elle se verrait bien monter son entreprise, entre France et Afrique. Elle a pour modèles Hapsatou Sy, fondatrice de la chaîne de produits de beauté Ethnicia, et Magatte Wade, autre businesswoman sénégalaise à succès. Dans le package de Miss Black, il y a : un voyage cadeau à New York, un contrat avec une marque de cosmétiques "ethniques" (Colorii), et la bonne cause de rigueur, une mission "d'ambassadrice de la lutte contre la drépanocytose" (une maladie génétique du sang, fréquente dans les populations africaines et antillaises). Rôle qu'elle prend très à cœur, en authentique miss.

En 3 dates

17 février 1990 Naissance à Dakar (Sénégal).

2008 Arrivée en France.

28 avril 2012 Elue Miss Black France.

Photo Stéphane Lavoué



Source : www.liberation.fr


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ayo
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