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"Bordeaux a beaucoup plus vécu de l'esclavage que tous les autres ports", selon le directeur du musée d'Aquitaine

  Société, #, #10

 

Karfa Diallo est le guide officiel du "Bordeaux nègre". Deux fois par mois, le président de Mémoires et Partages propose une visite sur les traces de l'esclavage. Très chic avec ses lunettes et son chapeau impeccable, il a coutume de commencer son parcours par le Fort du Ha, à deux pas de l'école nationale de la magistrature.


Esclaves à Bordeaux au 18e siècle

C'est dans ce fort (en photo ci-dessus) que les premiers habitants noirs de la capitale de l'Aquitaine pouvaient être enfermés. Car même si l'esclavage était interdit dans l'Hexagone, certains bourgeois ou aristocrates n'hésitaient pas à ramener des esclaves à leur service. Au 18e siècle, il y avait 4 000 descendants d'Africains à Bordeaux, parmi lesquels des esclaves. " Et il y avait même une police des Noirs, précise Karfa Diallo (en photo ci-dessous), qui appréhendaient ceux qui vagabondaient."


Bordeaux et le commerce en droiture

La capitale de l'Aquitaine a déporté environ 150 000 Africains et organisé près de 480 expéditions négrières de la fin du 17e au début du 19e siècle, contre 1714 à Nantes. "Nantes a beaucoup plus pratiqué la traite que la capitale de l'Aquitaine, mais Bordeaux a beaucoup plus vécu de l'esclavage que tous les autres ports, explique François Hubert, directeur du musée d'Aquitaine (en photo ci-dessous), car les produits échangés étaient fabriqués par les esclaves. La traite représentait à Bordeaux 5 % des expéditions. La ville s'est en fait spécialisée dans le commerce en droiture (sans transport d'esclaves), jugé moins risqué."


Un commerce florissant

Des navires chargeaient du vin et revenaient avec du rhum, du sucre ou du café produit par les esclaves. " Au retour, c'était l'allégresse, raconte Karfa Diallo de la Fondation Mémoires et Partages. Les alcools forts partaient dans le quartier des Chartrons et tout le reste s'entassait dans les entrepôts Lainé (en photo ci-dessous), aujourd'hui Musée d'art contemporain". Au 18e siècle, l'économie de la ville se portait bien et la population est ainsi passée de 55 000 à 100 000 habitants.


Les Aquitains très présents dans les îles

" Selon des recherches récentes, souligne le directeur du musée d'Aquitaine, la majorité des planteurs qui vivaient dans les îles, en particulier à Saint-Domingue venaient de Bordeaux et de l'Aquitaine". Sur ce portrait, Madame Barbé de la Barthe (en photo dans le diaporama ci-dessous) exhibe fièrement son blason orné de deux têtes d'enfants noirs. Elle montrait ainsi qu'elle possédait des plantations dans les îles.


Toussaint et Isaac Louverture son fils

Quand Toussaint Louverture (1743-1803) a pris le pouvoir en Haïti, les planteurs aquitains se sont enfuis à Cuba. Le héros de la révolte haïtienne qui a mis fin à l'esclavage a fini par être capturé et envoyé dans le fort de Joux dans le Jura où il est mort en 1803. Mais auparavant, il a pu accompagner ses deux fils à Bordeaux. L'un d'entre eux, Isaac, a vécu rue Fondaudège et il est enterré au cimetière des Chartreux.


Traces visibles et symboliques de l'esclavage

Pour Karfa Diallo, le bâtiment qui symbolise parfaitement le Bordeaux négrier, possède une forme de triangle. " Nous sommes dans le quartier du triangle d'or, précise le président de Mémoires et partages. Or Bordeaux doit une partie de sa richesse au commerce triangulaire".


A deux pas de cet édifice, trône le Grand théâtre. A l'intérieur, la fresque du plafond peinte par Robin représente Bordeaux qui offre ses richesses à Apollon. Et en bonne place de ces richesses, figure une esclave noire enchaînée. Sur la copie ci-dessous, que l'on peut voir au restaurant Comptoir-cuisine, un homme a remplacé la femme.

 

Plus de 400 expéditions négrières bordelaises

La première expédition négrière de Bordeaux a eu lieu en 1686 et la dernière en 1837, bien après l'abolition décrétée par Napoléon en 1815. Au musée d'Aquitaine, sur un mur (en photo ci-dessous) figurent les noms de plusieurs navires négriers bordelais. Des noms comme "La liberté" ou "Heureuse paix" laissent perplexes. Souvent, les armateurs donnaient le prénom de leur fille et c'était un motif de fierté. Les armateurs venaient d'horizons très différents : des catholiques, des protestants, des juifs et des franc-maçons comme en témoigne ici François Hubert, directeur du musée :


Quand on sait que pour un esclave arrivant aux Amériques, deux mouraient, on peut imaginer le carnage en mer. Au total, 150 000 esclaves environ ont embarqué à bord des navires bordelais pendant la période de la traite. Les conditions y étaient effroyables. Ecoutez ci-dessous le récit de Karfa Diallo :

Dans un livre de bord du navire bordelais, "Le Patriote", écrit par le capitaine Paul-AlexandreBrizard, on peut lire ce récit effroyable :

" Beau clair de lune, le temps toujours le même. A 11 heures 3/4, je fis monter une très jolie négresse dans ma chambre. Je passais deux heures avec elle et l'exploitais deux fois. C'était la première femme que j'avais vue depuis mon départ de France".

Les abolitionnistes

Au musée d'Aquitaine, un court film retrace le parcours de la Licorne, décrit par son capitaine. Il explique les soulèvements d'esclaves, les moyens de lutter contre le scorbut. " Malheureusement, aucun esclave francophone n'a raconté sa vie dans un livre. Un manque terrible, se désole Hubert François. Les abolitionnistes anglo-saxons avaient le sens du concret alors que nos philosophes n'ont jamais demandé à un esclave de raconter tout simplement sa vie."


La dernière salle consacrée à "Bordeaux, port négrier", au musée d'Aquitaine, redonne espoir. On y voit une mosaïque de photos de jeunes, d'historiens, de philosophes (diaporama ci-dessus). Juste en face, le portrait d'André Daniel Laffon de Ladebat. Son père, Jacques, un armateur, détient le triste record du plus grand nombre d'expéditions négrières. Il en a fait 14. Mais son fils André-Daniel Laffon de Ladebat (1746-1829) (en photo dans le diaporama ci-dessus) sera l'un des plus farouches opposants à l'esclavage à Bordeaux.



Source : www.la1ere.fr


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