"Je puise mon inspiration dans la femme ; et comme l'Afrique est une femme...", plaisante Zé Katimba, l'un des compositeurs et fondateur en 1959 de l'école Imperatriz Leopoldinense. Cette année, la samba qu'a composée ce vieil homme de 82 ans est une ode à la beauté de "Mère Afrique où est née la vie" et où ont pris racine plusieurs pratiques culinaires et culturelles brésiliennes.

Il glorifie la liberté également avec un hommage appuyé à Nelson Mandela, "la voix de l'égalité". Arrivée 5e du classement, l'école de Zé Katimba a défilé ce samedi avant celle de Beija-Flor, championne avec son thème sur l'Afrique et la Guinée équatoriale.

L'influence africaine vient de loin

"Le thème de l'Afrique est le plus populaire au sein des écoles de samba", explique Aydano André Motta, journaliste et écrivain brésilien spécialiste du carnaval de Rio. Elle est l'une des bases du carnaval depuis sa création en 1932. D'abord parce que l'essence même du carnaval, la samba, culture populaire par excellence du Brésil, prend racine de l'autre côté de l'Atlantique. "La samba a été créée à partir de la saudade (nostalgie) des esclaves africains qui ont été arrachés à leur continent", ajoute-t-il. "La samba et le candomblé étaient interdits parce que c'étaient des choses de Noirs, d'Africains", poursuit-il. L'influence africaine sur le carnaval s'explique aussi par l'importance des religions de matrice africaine comme le candomblé ou l'umbanda, auxquelles les membres des écoles de samba, majoritairement afro-descendants, sont très liés. Toutes les écoles de samba ont par exemple des orixas de dévotion.

Les marqueurs africains se sont adaptés à l'environnement brésilien

Danse et religions sont deux éléments de culture africaine que les esclaves ont dû adapter à la réalité de la domination portugaise catholique de l'époque. "La samba et le candomblé ont longtemps été interdits, parce que c'étaient des choses de Noirs, d'Africains", raconte Zé Katimba. "Seule était enseignée et valorisée au Brésil l'histoire de l'élite blanche. Et il aura fallu attendre les années 1960 pour que des écoles de samba puissent célébrer et honorer le peuple noir", ajoute Aydano Motta.Depuis ce moment, les souvenirs de "carnavals africains" sont nombreux pour Zé Katimba. "Le dernier et le plus beau a été Kizomba de Vila Isabel, avec Martinho da Vila (célèbre chanteur de samba brésilien)", se souvient-il, nostalgique. Zé, passionné du continent africain, a été le témoin de l'évolution du carnaval de Rio. Il regrette les sambas contestataires du début qui ont laissé place aux chars allégoriques énormes et luxueux des défilés d'aujourd'hui, qui misent davantage sur les costumes et les décors que sur la samba.

Beija-Flor, championne 2015 : une consécration pour l'Afrique

Cette année, les chars aux couleurs luxuriantes rendant hommage aux beautés de l'Afrique et de la Guinée équatoriale, et les danseurs aux costumes carnavalesques représentant la culture bantoue auront fait gagner à Beija-Flor le titre de championne. Si elle vante les beautés et les richesses de la Guinée équatoriale, l'école occulte en revanche les violations des droits de l'homme dans ce pays. Rien de plus normal pour Aydano Motta pour qui l'objectif du carnaval est la joie et la célébration.

Mais selon le journal O Globo, l'école de samba de Beija-Flor aurait reçu plus de 3 millions d'euros de la part de la Guinée équatoriale pour financer son carnaval. La polémique sur le financement enfle au Brésil et la justice a ouvert une enquête. Des pages Facebook ont appelé au boycott de l'école ce samedi au Sambodrome.Depuis cette année visiblement, les liens avec l'Afrique lors du carnaval de Rio ne sont plus seulement affectifs et culturels, ils sont financiers.