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Chaos à Kinshasa mais debout à Bruxelles, interview avec Thierry Bellefoid et Barly Baruti

  Culture & Loisirs, #

Ils n'ont pas arrêté de dédicacer! Durant la Foire du Livre de Bruxelles, Thierry Bellefroid et Barly Baruti étaient présents pour présenter Chaos debout à Kinshasa, une bande dessinée nous plongeant avec brio et originalité dans le Harlem et le Kinshasa des années 70 à l'aube du mémorable combat (du siècle) opposant Muhammad Ali et George Foreman, voyant Mobutu galvaniser une foule entière acquise à sa cause pendant que les européens organisent leur corruption sur fond de possible indépendance de l'Angola. Presque étonnés par l'emballement public autour de leur livre, le journaliste et scénariste Thierry Bellefroid et le dessinateur Barly Baruti ont répondu à quelques unes de nos questions. Bonjour Thierry, bonjour Barly, en préface de Chaos debout à Kinshasa, Colette Braekman nous dit que vous avez rêvé plutôt qu'écrit ce projet, comme cela s'est-il passé?

Thierry: Le prologue est assez long, cette histoire est née d'un joli hasard qui n'a rien à voir avec ce que ce projet est devenu. J'ai reçu un jour un coup de fil tout droit venu du sud de la France, d'Hyères. À l'autre bout, un jeune dessinateur qui, conseillé par un autre, voulait travailler avec moi sur l'adaptation d'un roman noir pour la collection que mettait sur pied Casterman. Ça ne m'intéressait pas d'adapter les romans des autres, je préfère écrire une histoire. Mais je ne pouvais pas écrire une histoire comme ça, je devais savoir ce qu'il voulait. Il était tout perdu. Après discussion sur ce qu'il aimait, il m'a envoyé une petite boite contenant une centaine d'images qu'il avait composé lui-même sur du papier carte postale avec des couvertures d'albums de bd, de romans, de peinture... C'était tout son univers, c'était sa manière de se présenter à moi. J'ai étalé tout au sol, écarté les images qui ne m'inspiraient pas et dans celles qui restaient, deux se sont croisées: un ring vide et une voiture des 70's façon " Starsky et Hutch " .

 

Ce qui a provoqué une réaction en chaîne?

Thierry: Oui, ça a fait tilt, tout s'est assemblé: le combat Ali-Foreman, le Kinshasa de 1974... Et cette question: Et si j'y amenais un vrai black de Harlem qui, sans être ni journaliste, ni qui que ce soit d'autre qu'un bon petit gars, suivrait le même chemin que Mohammed Ali, ce " Back to Africa ", ce retour aux racines tout en étant blanc dans sa tête. Tout le monde le prendra pour un blanc alors que lui se croit black. Nous étions en 2010, j'ai conçu un scénario autour de ça, mon jeune illustrateur a tourné autour pendant deux ans avant de jeter l'éponge, il n'était pas fait pour la BD. Il continue sa carrière d'illustrateur, notamment chez Acte Sud, c'est un très bon dessinateur. Mais la BD, c'est une abnégation, un langage en soi. Cette expérience lui a permis de faire un choix et l'album lui est dédicacé, " à Sébastien, pour l'idée ".

 

Et quand Barly y-a-t-il pris part?

Thierry: J'ai rangé le projet dans un tiroir, comme d'autres avant lui, et quand j'ai vu Madame Livingstone de Barly Baruti, j'ai eu l'étincelle. Je le connaissais bien mais je l'avais perdu de vue. Puis, il était resté pendant sept ans sans dessiner, je pensais qu'il ne ferait plus jamais de BD. Non seulement, il est revenu, mais en plus, tout en splendeur. L'évidence était absolue, je l'ai contacté en lui disant que je ne voyais que lui pour mettre des images sur mes mots. Le soir-même, il me répondait: il arrêtait tout ce qu'il avait en chantier pour s'y consacrer.

 

Avec un choix orienté vers le récit choral, entre des personnalités comme Mubutu et Ali mais aussi d'illustres inconnus.

Thierry: La première idée, c'était celle d'Ernest qui fuit les emmerdes new yorkaises et gagne son voyage pour aller voir le combat du siècle grâce à une chaîne de radio privée. C'est l'occasion unique puisqu'il n'a pas les moyens de se payer l'avion. Il est propulsé dans ce monde-là.

 

Après, j'ai travaillé par cercles concentriques élargis au fur et à mesure. Le premier rassemblait tout ce qui était relatif au combat, avant, après, pendant. J'ai relu Le Combat du siècle (The Fight) de Norman Mailer avant de revoir des films comme l'hyper-connu We were kings. Puis, je me suis demandé ce qu'il se passait au Zaïre et dans les pays environnant. En repoussant les limites de plus en plus, j'en suis arrivé en avril 1974 à la révolution des oeillets et à la chute de Salazar, le dictateur portugais. Dès lors, les colonies portugaises que sont le Mozambique et l'Angola peuvent tout à coup tenter de jouer leur indépendance. Avec cette fourchette de temps étalée entre avril 1974 et le printemps 1975 quand Mobutu envoie ses troupes, il y avait matière à créer des points de fiction intéressants en matière d'espionnage, de guerre froide... Et tout a découlé de là.

On pourrait presque y croire. Et justement, ne faut-il pas être d'autant plus vigilent quand on crée une fiction faite d'éléments réels à une époque où la bande dessiné a acquis une crédibilité pour parler et explorer le réel?

Thierry: Je tenais à ce que ce soit bien clair! C'est tellement ancré dans des choses réelles et des choses entendues et vues à l'époque. Le combat Ali-Foreman était énorme! Même des personnes qui avaient 5 ans à l'époque ne l'ont pas oublié. D'ailleurs, beaucoup de gens ayant vécu à Kinshasa se sont précipités sur la BD et ont partagé avec moi leurs souvenirs. Il y a tellement de choses qui peuvent rappeler des faits connus et des vrais souvenirs aux lecteurs, qu'à un moment il faut attirer leur attention sur le fait qu'il ne faut pas prendre pour argent comptant.

 

Thierry: S'il y a eu des valises de billet à l'époque de Mobutu, elles n'étaient pas là où je les ai mises. C'est totalement fictif, cette histoire de socialistes qui viennent chercher leur argent pour faire campagne en Belgique, c'est no way, ce n'est pas de l'histoire, c'est de la fiction totale. Je voulais être certain qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés, d'autant plus que je suis journaliste et que je ne voulais pas qu'il y ait de mélange des genres et que les lecteurs se disent que puisque c'est un livre de journaliste, ça doit être vrai. Non, c'est le livre de quelqu'un qui a plusieurs activités et qui, quand il n'est plus journaliste, se permet de jouer avec le réel.

Ça reste ultra-documenté, quand même! La couverture en est l'exemple-type, fourmillant de détails.

Barly: Thierry est un redoutable fouineur. Un rat d'investigation. Aussi, nous avions eu un bol terrible de tomber sur un ami de Mobutu et son photographe personnel, de surcroît ! Et le Pilote du DC10 qui a amené Ali au Zaïre, Papa Diasolua. Mon jeune frère s'est occupé de " capter " Kinshasa, l'actuelle, qui a changé " physiquement " depuis, mais a gardé tout son âme.

 

Thierry: Il y a beaucoup, beaucoup de documentation derrière. Puis, le travail opéré par Barly a été une de mes chances, il a rajouté des couches beaucoup plus pratiques et techniques. Il a des souvenirs. Puis, il a plein de contacts congolais qui lui ont envoyé des photos, des archives. Et même, le photographe personnel de Mobutu l'a contacté et lui a fait parvenir de la documentation hyper-intéressante. Ce qui a permis à Barly d'amener toute une partie documentaire sur les arrière-décors, sur l'authenticité - c'est le cas de le dire puisque, sous un autre sens c'était l'idéologie politique de Mobutu. Barly a ainsi amené une quantité invraisemblable d'éléments factuels, des insignes sur les uniformes aux logos du MPR en passant par les affiches, et notamment celles du combat et les auto-glorification de Mobutu qu'elles mettaient en exergue. Cela, aucun autre dessinateur qu'un auteur venant de là-bas n'aurait pu le faire.

Autre histoire dingue, le match s'est joué à 3h du matin pour des raisons de... droits de retransmission vendus aux... Américains.

Thierry: Oui, les Kinois, et c'est le cas de Barly, n'ont pas au droit à l'image du combat. Ils ont du écouter la radio.

 

Barly: J'étais à Kisangani, au nord-est du pays. Mais c'est comme si on y était ! Nous étions fiers d'avoir un si grand pays et à sa tête le " Grand Timonier, notre Guide du M.P.R : Mouvement Populaire de la Révolution " Enfin... c'est bien plus tard qu'on se rendra compte que cela pourrait se lire aussi " Mourir Pour Rien "...

 

À l'époque, Mobutu était encore le " chouchou " de ce qu'il convient d'appeler aujourd'hui la Communauté Internationale. " En politique, il n'y a pas d'amis, il n'y a que des intérêts ", dit-on...

Barly: Économiquement, aucune idée. Mais le Régime a du en bénéficier largement. Quel coup de projecteur !

Barly: Un Homme qui a des solides convictions et qui a voulu marquer le monde entier. Sur ce point, il a réussi. Quant aux méthodes employées pour y parvenir, je laisse à chacun de se faire son opinion...

On a parlé de l'auto-glorification de Mobutu, mais en parallèle il y a aussi celle de Muhammad " The Greatest " Ali, non?

Je ne suis pas d'accord sur ce point. Il y a eu un concours de circonstance qui a fait que qu'ils se rejoignent sur le terme d'une certaine " Dignité pour l'Afrique ". Ne me demandez pas de certifier le degré de leur sincérité sur ce point... Ali avait une " grande gueule ", oui. Mais c'était son refuge, sa manière d'exorciser ses peurs, sa tactique de combat. C'est plus son intelligence qui a fait de lui ce qu'il est devenu : une légende.

 

Quant à Mobutu, il voulait affirmer sa personnalité. Et après, son indépendance n'était pas du goût de ses " Maîtres ". Ils lui en ont voulu. Il s'est entêté, il s'est durci, et son peuple en a pâti. Du " Good Guy ", le voilà The Dictator !

Thierry: Ce sont deux personnages incroyables. Je crois que ce combat devait se faire là. Même si malgré tout ce que j'ai lu, je n'ai jamais compris comment Don King avait non pas réussi à convaincre Mobutu - ça a été très vite et très simple dans la mesure où Mobutu n'attendait qu'une tribune comme celle-là. Mais comment Don King, américain sortant de tôle, repris de justice, a pensé à aller voir Mobutu. C'est incroyable. Ces deux-là, Ali et Mobutu devaient se trouver car ils avaient le même objectif: jouer avec les médias, redonner orgueil et fierté à la race noire.

Et Foreman, dans tout ça?

Thierry: Il n'était qu'un figurant de l'Histoire: il a été battu, on ne l'a pas vu, ni entendu. Il a été oublié, balayé de l'histoire par l'omniprésence de Muhammad Ali, tout en commettant erreur sur erreur. Comme se balader avec son berger allemand qui était le chien par excellence des colons. Pour les Kinois, Foreman avait été assimilé au colon alors qu'il était plus noir que noir et qu'Ali était café au lait. Paradoxalement, Foreman a été traité de blanc tandis qu'Ali était vu comme un frère.

 

Le Harlem des années 70 intervient également question dans Chaos debout à Kinshasa. Comment l'avez-vous recréé, Barly ?

Là, la documentation n'a pas suffi. J'ai du y passer quelques jours sur place. J'ai habité chez " l'habitant " dans le quartier du " Marcus Garvey Park " à Harlem. J'ai parlé à certains " Vieux " du coin, parmi lesquels " Maurice, the Barber ", un vieux coiffeur camerounais qui m'a dit avoir connu l'époque. En français dans le texte.

 

Puis il y a ce trait, ses couleurs vivantes, presque festives, évocatrices surtout.

Thierry: Ce sont des couleurs très vivante, il a accompli un travail remarquable. Et également au niveau de la clarification. Le scénario était extraordinairement complexe au niveau de la narration avec deux voire trois actions qui se déroulent en cours de route, parfois sur une même planche. J'ai eu très peur de perdre le lecteur en cours de route. Et pourtant le travail de Barly a été très important: avec des éléments de décors très ténus, il parvient à ramener les yeux du lecteur là où se place l'action, de situation en situation. C'est un travail à la fois de metteur en scène, de chef opérateur, de directeur d'acteurs. C'est magnifique quand la couleur peut s'en mêler aussi.

 

C'est vrai qu'elle est très festive mais elle reflète totalement ce qu'est l'Afrique et le Congo, en particulier. Quand on se balade à Kinshasa, la moitié des habitants n'ont pas à manger mais on est accueilli avec des cris de joie et des scènes de liesse. Je pense que Barly a eu raison de faire comme ça. Et puis, on ne voulait pas verser dans le tragique: il y a très peu de scènes de violence, même de combat, il y a une ou deux scènes de tortures, plutôt allusive. On ne voulait pas faire gore, on préférait suggérer les choses, qu'on sente la pesanteur du climat, la poigne terrible de Mobutu qui fait régner la terreur mais dont, en même temps, le peuple n'avait pas l'impression qu'il était un dictateur. C'était une fierté immense que ce président ait réussi à monter ce combat et à braquer les caméras du monde entier sur le Zaïre. Il faut se dire que la prise de conscience des débordements de Mobutu s'est faite peu à peu. Comme Kadhafi, il avait un projet au début. Ce sont des ordures qui se sont faites petit à petit, par la corruption, par la coercition. Ils devaient asseoir leur leadership sous peine de représailles. C'était des leaders nés pas des dictateurs nés.

Il y a eu des difficultés pour vous, Barly?

Je voulais à ma manière, donc humblement, faire profiter aux miens le peu des connaissances que j'estime avoir accumuler en roulant ma bosse un peu partout. J'ai mis en place un Centre Culturel par le biais de mon asbl ACRIA (Atelier de Création, de Recherche et de l'Initiation à l'Art) qui s'occupe de la réinsertion sociale des Jeunes par les arts. Et quand j'ai repris mes crayons, j'ai préféré me " lâcher " dans mon style. Aujourd'hui on peut dire qu'il y a eu l'avant et après " Madame Livingstone " !

 

Thierry, vous qui êtes journaliste, vous avez écrit beaucoup sur la BD mais finalement, tu en as scénarisé peu, pourquoi?

Thierry: J'ai des scénarios qui traînent, certains n'ont pas débouché sur des publications, d'autres attendent que je leur prête un peu de temps - ce qui n'est pas facile. J'ai des projets, je pense d'ailleurs qu'avec Barly on va sérieusement s'y remettre, on a des envies. Sinon, pendant longtemps, j'ai beaucoup tourné autour de la BD et préféré des projets de nouvelles, de romans, de théâtre il y a longtemps. Je considérais que j'étais tellement attaché à la bande dessinée par d'autres liens comme la critique ou des commissariats d'expositions, que je ne pensais pas être la bonne personne pour en faire. À chaque fois qu'elle se présentais à moi, je reculais, j'avais peur. Je préférais le roman.

 

J'ai toujours aimé l'écriture scénaristique mais aussi le fait d'écrire, jouer avec la phrase, les mots. Et, en BD, on est vite frustré, il n'y a pas la place pour écrire beaucoup. Mais dans Chaos debout à Kinshasa, je me suis lâché en faux-proverbes. C'était un plaisir jouissif. Dans le roman, on peut pétrir la phrase tandis que l'écriture d'une BD n'est pas très valorisante d'un point de vue stylistique. Et pendant longtemps, je me suis donné cette excuse-là. Quelque part, je me suis donné toutes les mauvaises excuses possibles pour ne pas y aller. Jusqu'au jour où Joe Giusto Pinelli m'a fait parvenir un gros cahier composé d'une centaine de dessins, de séquences et un tout petit entrefilet de synopsis. Un ticket de métro. En tournant les pages, tout m'a explosé à la figure. C'est lui qui m'a débloqué, qui m'a donné les clefs. Et ça a donné Féroces tropiques.

Est-ce que le fait d'être soi-même critique joue sur l'envie ou non de publier quelque chose? A-t-on peur d'être attendu au tournant?

Thierry: Justement pas. Je ne suis pas non plus le critique le plus féroce, je préfère partager mon enthousiasme que de distribuer les bons et les mauvais points. Mais, surtout, je pense que quand on est critique ou journaliste littéraire, la seule chose qu'on se doit est d'être honnête et de se dire que ce qu'on fait aux autres, ils peuvent nous le faire. Après, il n'y a pas de règlements de compte comme je ne distribue pas beaucoup de baffes à la volée. Ça m'arrive d'égratigner des choses, mais je trouve qu'on a tellement peu d'espace pour partager ce qu'on aime, qu'on ne peut pas passer son temps à dire: n'allez pas voir ça, ne lisez pas ça.

 

Cela dit, il faut le faire à certains moments pour pondérer notre enthousiasme. Il faut que les gens se rendent compte que si on partage notre enthousiasme, ce n'est pas parce qu'on n'a pas de goût et qu'on aime tout. Parfois, c'est le défaut du critique enthousiaste qui ne sert pas à grand chose puisqu'il aime tout. Il faut avoir des coups de gueule et faire comprendre, sans tout le temps l'expliciter, que ce qu'on met en avant, cela se fait au détriment d'autres livres. Pas parce qu'on ne les a pas lu, mais parce qu'on les a lus et qu'on les a trouvés moins intéressants. Ça, c'est une partie de la critique qui est totalement invisible. Je lis entre 12 et 14 BDs par semaine, si je parle de deux d'entre elles, c'est déjà beaucoup. Les autres, ça veut dire que je vois moins en elles de raisons de s'emballer. Sans pour autant que je veuille les flinguer. Elles ne sont pas élues.

Alors, la suite?

Thierry: Avec Barly, nous avons envie de traiter des rendez-vous manqués entre les Belges et les Congolais. On ne sait pas où, ni quand - et surtout quand je vais pouvoir m'y mettre. En général, j'essaie d'écrire en juillet et aout. Mais je dois aussi lire la rentrée littéraire, donc on verra si j'ai le temps.

 

Barly: Qui sait? (sourire)

Merci à tous les deux!

Titre: Chaos debout à Kinshasa

 

One Shot

Scénario: Thierry Bellefroid

 

Dessin et couleurs: Barly Baruti

Genre: Fiction historique, Polar

Nbre de pages: 112

Prix: 22€

Date de sortie: le 17/02/2016

Extraits:



Source : Branchés Culture


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