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Fatou diome et les auteurs afro-contemporains racontent la France ...

  Culture & Loisirs, #

A l'université George Washington, j'enseigne à nouveau un cours que j'ai appelé Black France et qui explore un certain nombre de productions artistiques à travers le prisme de la race, cette donnée longtemps passée sous silence dans la tradition académique française.

Mes étudiants de premier niveau découvrent une France plus large et plus dense que la Métropole, s'étirant de la Caraïbe aux mers du Sud sans mot dire de tout l'arrière-pays mental qui, lui, ne connaît pas les bornes du temps et de l'espace.

 

Après un passage en revue des textes, des valeurs et mythes fondateurs de la République, on se lance dans la littérature et le cinéma. On passe un sacré temps avec le jeune José, héros principal de La Rue cases-nègres du Martiniquais Joseph Zobel (1915-2006) publié en 1950 par les éditions Présence Africaine et adaptée magnifiquement au cinéma en 1983 par sa compatriote Euzhan Palcy.

Mes étudiants américains n'éprouvent aucune difficulté à comprendre l'œuvre de Zobel car la plantation et l'univers des fils d'esclaves ne leur sont pas étrangers. A partir de là, il nous est plus facile d'aborder les productions antillaises récentes, en suivant la voie de la migration interne suscitée par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom) en activité de 1963 à 1981. Plus aisé de jauger les déroutants et sublimes films de Claire Denis ( 35 rhums, J'ai pas sommeil), d'analyser le hip-hop conscient et volcanique de Casey ou de D'de Kabal, les colères saines de Fanon, la prose chaloupée de Chamoiseau sans oublier le cri fondateur de l'ancêtre Césaire. Sans rupture, nous nous attarderons, dans le second volet sur les productions que l'on qualifierait de postcoloniales et dont les thèmes les plus récurrents tournent autour de l'immigration, du legs colonial ou du devenir de la France que l'on dit " Black Blanc Beur ".

 

Ce semestre, actualité oblige, nous avons été abasourdis par les meurtres commis dans les locaux de Charlie Hebdo et dans l'épicerie kasher de la porte de Vincennes, puis émus aux larmes par le sursaut républicain du 11 janvier 2015. Le cours a repris une tournure plus civique et plus compassionnelle aussi. La liberté d'expression n'est plus un questionnement abstrait mais une question de vie ou de mort. La laïcité n'était plus un horizon nébuleux mais une précieuse alternative au modèle états-unien, une french way of life à préserver coûte que coûte !

Un pont entre l'Afrique et l'Occident

Le magnifique premier roman de Fatou Diome Le Ventre de l'Atlantique offre l'insigne avantage d'établir des liens réels et fictifs entre la Petite Côte du Sénégal et la capitale de l'Alsace sans rien perdre de sa malice. Dès la première phrase, les lecteurs assistent à un match où l'Italie en découd avec les Pays-Bas sous l'œil goguenard de Salie - l'héroïne - qui sirote son thé à la menthe dans son petit appartement strasbourgeois. Non loin de là, dans le quartier mal famé de Neuhoff, le petit Régis Fayette-Mikani et sa bande de racailles volent, rackettent et tombent aussi sous les coups du destin. Nourri par l'islam soufi, Régis connaît la rédemption et renaît sous le nom d'Abd al Malick, chanteur, écrivain et cinéaste ( Qu'Allah bénisse la France). Une figure positive, un message civique qui font mouche.

 

C'est déjà temps de passer à l'univers chamarré de mon ami Alain Mabanckou qui sait ausculter comme personne le rire et les ruses des migrants ( Black Bazar). De la talentueuse Léonora Miano, on retient les dévoilements identitaires et les déambulations urbaines de ses amazones dans Blues pour Elise (2010). Proche du CRAN, l'historien Pap Ndiaye met l'accent sur la condition noire en France, c'est le titre de son avant-dernier essai de 2008. A ce rythme, le temps nous fait défaut pour dérouler tout le programme, le semestre prend fin tambour battant. Je crois bien qu'on n'avait même pas eu l'occasion d'évoquer les Thuram, les Henry et autres Marius Trésor !

Abdourahman A. Waberi est né en 1965 dans l'actuelle République de Djibouti, il vit entre Paris et les États-Unis où il a enseigné les littératures francophones aux Claremont Colleges (Californie). Il est aujourd'hui professeur à George Washington University. Auteur entre autres de " Aux États-Unis d'Afrique " (JCLattès, 2006), il vient de publier " La Divine Chanson " (Zulma, 2015).



Source : www.lemonde.fr


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