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Comment savoir si vous êtes noir

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Quand tu es noir(e), il y a aussi le fait de penser qu’en retirant la photo de ton CV, tu aurais plus de chances d’être retenu ; que tes collègues te surnomment, si tu es un homme, Charly, Kirikou, Barack Obama, Magloire ou Barracuda, ou, si tu es une femme, Tigresse, Gazelle, Panthère, Beauté des îles, Michelle Obama ou Black Mamba ; que certains gâteaux t’énervent, comme le congolais, les Bamboula et surtout la tête-de-nègre. « Moi, dit Espérance, quand j’étais petite et qu’à la boulangerie quelqu’un demandait cette pâtisserie, j’étais tétanisée. Tu ne sais pas si tu dois courir, pleurer, crier, t’énerver… Et puis à la fois, c’est drôle. »

Un bouquin écrit grâce au RER

Voilà Espérance Miezi, un Nike Fuelband au poignet, 30 ans et des bricoles, née au Congo, prof de danse et assistante dans une association de psychologues pour la protection de l’enfance, et sa soeur Félicité Kindoki, 30 ans moins des poussières, un tatouage au tendre de l’avant-bras (« C’est mon mari et moi »), un minuscule diamant sur l’incisive, née en France, directrice de production dans une boîte de prod audiovisuelle. Ensemble elles ont écrit « Comment savoir si vous êtes noir », le livre qui raconte gaiement, surtout quand ça fait mal, ce que c’est que de vivre en France quand on est un immigré africain de deuxième génération. Et tout ça grâce au RER.

 

« On habitait encore chez nos parents, à Lieusaint, dans le 77. Pour aller à Paris on devait prendre le RER, le RER lent, le RER avec pannes. Du coup, on passait beaucoup de temps à se rappeler des situations comiques qu’on avait vécues. Sur le coup ça peut faire mal. Mais en rire permet de prendre du recul. » Elles envoient les blagues à leurs copains : ça les amuse beaucoup. Elles se demandent si elles ne vont pas en faire un blog. Ou plutôt un livre. « Notre père a toujours voulu écrire un livre sur leur histoire d’immigrés en France. »

Immigrés en Afrique, immigrés en France

Leurs parents sont arrivés quand ils avaient 30 ans. « Notre père est angolais, et pendant la guerre il est parti au Congo. Là-bas il a rencontré notre mère, née elle aussi de parents angolais mais au Congo, donc congolaise. Ils étaient des immigrés en Afrique.Déjà dans ce pays on leur disait : “Vous n’êtes pas d’ici, vous êtes des étrangers.” Papa souhaitait repartir en Angola pour terminer ses études mais comme la guerre s’est prolongée, il est venu en France où ma mère l’a rejoint avec ma grande soeur. Là, il allait falloir travailler. Or à l’époque, un Noir avec un doctorat d’urbanisme, ça ne rentrait pas trop dans le contexte. Il a dû faire des petits boulots, notre mère aussi, pour élever leurs quatre enfants. Au Congo tous les deux étaient professeurs, ici notre mère est aide-soignante et papa est professeur d’informatique. » Du coup, pas question que les enfants ne fassent pas d’études. « Espérance a un bac + 5 et un master de psycho, et moi j’ai fait hypokhâgne, khâgne et une école de communication. » Le tout avec une éducation à l’africaine : « Ça devait filer droit ! »

Seules sur ce créneau de l’humour

En 2013, le livre prend forme. Espérance et Félicité espionnent régulièrement les rayons de la Fnac : « Est-ce que les gens ont eu la même idée que nous ? Est-ce que c’est déjà sorti ? » Mais elles sont seules sur ce créneau de l’humour. Sitôt le livre terminé, Espérance a un réflexe : « On le protège ! », et dépose les droits. Les choses en restent là jusqu’à ce que Félicité se dise « il faut qu’on fasse quelque chose ». « En secret, j’ai envoyé le livre aux maisons d’édition, en me disant “Il y a noir dans le titre, c’est même pas la peine !” Pendant trois semaines, pas de réponses. C’est foutu ? Et puis non, il faut que je relance. J’envoie un petit mail : Christophe, chez J’ai Lu, me rappelle dans les dix minutes et dit “Mais oui, oui, oui ! Je suis dessus, on peut se voir demain matin.” Je raccroche, waaaa ! Moi je vais être publiée ! J’appelle ma soeur, elle n’y croit pas ! » « Je lui ai demandé : “Est-ce que le gars est noir ?”»

Enfin éditées !

Et le lendemain au rendez-vous « on se rend compte qu’il n’est pas noir. Et qu’il a vraiment envie de lancer notre livre. On est super heureuses, parce qu’on se demandait si ça pouvait faire rire quelqu’un d’autre qu’un Noir. Et c’était la preuve que oui ».

 

L’éditeur les fait retravailler, leur demande de donner de l’épaisseur à tout ce qu’elles avaient concentré.

Une histoire de famille

Vient le moment de l’annoncer à leurs parents. « On leur a fait la surprise pour Noël, quand on a eu la couverture. D’abord ils n’y ont pas cru : “Arrêtez, vous nous faites marcher !” Et comme papa a toujours eu envie d’écrire un livre, il a dit : “Quoi ? Vous l’avez écrit avant moi ?” Quand il a vu le titre, il a commencé : “Alors, l’historique du Noir en France...” Là on a dû lui dire papa, c’est pas du tout ça. “Mais comment ça ?” Ce n’est pas un récit. C’est léger. “Mais alors, c’est quoi ?” C’est des blagues. “Comment ça, des blagues ?” Ils essayaient d’imaginer ce que c’était, mais vraiment ils n’y arrivaient pas... papa, c’est des petites blagues, ça concerne surtout nous, les enfants d’immigrés, qui avons vécu des situations à l’école, dans la rue, avec le monde extérieur, quoi. Au final, vraiment, il était très heureux, il disait : “Je vais avoir mon nom sur la couverture !” » Des parents rassurés sur la carrière de leur fille Espérance, eux qui considéraient que « la danse, c’est de la gymnastique, tu sautes, tu descends, et après tu fais quoi ? C’est quand que tu travailles ?»

 

Et tout ça, le combat contre la têtede-nègre, le « cocotta » sur l’arrière de la tête, le JT avec Harry Roselmack, l’utilisation du Tupperware, les tantines dans le métro qui font des blagues sur les gens en lingala, les cheveux qui tirent quand on les a tressés... « C’est des choses qu’on peut assumer parce qu’on est noires, dit Espérance. Mais si un Blanc avait écrit la même chose, ça serait taxé de racisme immédiatement. Il faut être de la communauté pour avoir une autodérision. » Mais en même temps tout le monde, peu importe sa couleur, peut s’identifier, parce qu’on se retrouve toujours à un moment ou à un autre de sa vie à avoir les mêmes interrogations : est-ce que je suis unique ou quoi ? Est-ce que tu es mieux intégré que moi ? Est-ce que tu t’en sors mieux que moi ? « Surtout, poursuit Félicité, on n’a pas voulu se positionner en victimes, le but c’est vraiment de tourner une situation dramatique en humour, c’est ça qui permet de reprendre le pouvoir. » OK. Et les enfants ? «Ils seront mélangés, dit Félicité. Moi, j’ai déjà un petit garçon de 2 ans et demi, qui s’appelle Sacha, qui est donc algérien, angolais et français. » Espérance : « Quand ça arrivera, ce sera avec un Français. » Elles se regardent en rigolant. « Ils seront nés de mères célèbres ! » l

 

« Comment savoir si vous êtes noir »par Félicité Kindoki et Espérance Miezi, aux éditions J’ai Lu, 6 €.

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Comment savoir si vous êtes noir

 

Le remplaçant ou ton professeur est noir

Étape 1 Tu rentres dans la classe, tu hallucines : tu as l’impression d’avoir un de tes tontons devant le tableau.

 

Étape 2 Tu es à la fois content et choqué (c’est tellement rare !).

 

Étape 3 Tous tes camarades rigolent (pour rien).

 

Étape 4 Les autres élèves font « Monsieur, on comprend rien quand vous parlez ! » Bah... si, toi tu comprends très bien ce qu’il dit mais tu vas quand même pas faire le traducteur.

 

Étape 5 Il est beaucoup plus sévère et exigeant avec toi qu’avec tous les autres : « Je vais convoquer ton m’père hein... »

 

La vie sous le toit de tes parents a un prix

De 0 à 10 ans Pour te motiver à être obéissant, tes parents te content, chaque année, la légende de leur vie : à ton âge, ils traversaient les champs pieds nus avec des bouts de tissus pour seuls habits, un sac plastique en guise de cartable, sans manger ni boire, et malgré tout ça, ils obéissaient à leurs parents et étaient toujours les premiers de la classe.

 

De 11 à 20 ans Après l’école, tu fais les courses, la vaisselle, la cuisine, le repassage, tu t’occupes de tes frères et soeurs...

 

De 21 ans à plus... Tu as enfin eu ta voiture, tes parents te prennent pour leur taxi particulier.

 

Tu n’as encore jamais eu de conversation sérieuse avec tes parents, tu ne sais d’ailleurs toujours pas comment leur expliquer les mots « anorexie » ou « dépression », ni comment aborder les thèmes de « la sexualité » ou de « l’homoparentalité ».

 

À 30 ans, tu as encore peur d’une bonne correction ou de recevoir un « cocotta » sur le crâne.

 

Certains passages sont-ils plus dérangeants que d’autres, dès lors qu’il ne s’agit plus seulement de glisser dessus ? « Oui, le professeur ou remplaçant noir, par exemple. »

 

Si vous êtes noir(e) : les avantages

Les gens te disent tout le temps : « Putain, t’as des dents blanches de ouf ! » Tu portes du 44 et tes cuisses sont musclées et sans cellulite. Tu peux changer de coupe (du court au long) sans attendre la repousse. Tu peux mentir sans rougir. Tu maîtrises l’humour contre la dépression.

 

Si vous êtes noir(e) : les inconvénients

Sur les photos de nuit on voit tout le monde, tes dents, mais pas toi. On te dit que tu as des mains en cuir. On te dit que tes cheveux sont comme de la moquette. Quand tu mets de l’écran total ou que tu te poses tranquillement pour bronzer, les passants te demandent ce que tu fais. Une petite blonde de 4 ans trouve que tu ressembles à un nounours avec ton « gros nez pâté et ton visage tout marron ».

 

Source: www.cosmopolitan.fr


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chloe
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