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Congo : "Nous pouvons obtenir le départ de Sassou-Nguesso"

  Politique, #

Après l'élection présidentielle du 20 mars, qui a officiellement été remportée par le président-dictateur Denis Sassou Nguesso à 60%, le Congo-Brazzaville est à nouveau plongé dans une grave crise politique. Organisant des opérations ville-morte, l'opposition dénonce des iniquités manifestes, des militants sont arrêtés et les organisations de défense des droits de l'homme tirent la sonnette d'alarme. Pour l'opposant historique Benjamin Toungamani, installé en France, il n'y a plus d'autres solutions qu'un soulèvement populaire.

Denis Sassou Nguesso revendique 60% des votes au premier de l'élection du 20 mars. À l'instar de beaucoup de membres de l'opposition, vous dites que ce résultat est " impossible ". Pourquoi ?

L'Union européenne, l'opposition congolaise elle-même et bien d'autres observateurs ont dénoncé les mauvaises conditions d'organisation du scrutin. Les listes électorales ont été élaborées par le pouvoir seul, et présentent de nombreuses irrégularités. La commission électorale est loin d'être indépendante car elle n'est formée que de personnalités acquises au pouivoir. Le système judiciaire, la force publique sont aux mains du dictateur. Il est donc impossible dans ces conditions de remporter une quelconque élection contre Sassou Nguesso. Cette analyse est applicable aux élections présidentielles de 2002, de 2009 et au référendum de 2015 dont le but était le changement de la constitution afin de briguer un pouvoir à vie. Le 20 mars dernier, le pouvoir congolais, alors qu'il avait empêché ses adversaires de battre campagne, ne s'est pas contenté de prendre en otage la commission électorale, il lui a fallu en plus isoler le Congo du reste du monde pendant 4 jours en coupant les télécommunications. Que voulait-il donc cacher ? Pour avoir 60% du vote au premier tour, il faut être majoritaire à Brazzaville et à Pointe-Noire qui représentent les trois quarts de la population congolaise. Or le tyran y est fortement impopulaire à cause de la grande misère des habitants. Sassou Nguesso n'a que quelques poches de voix de votes à caractère ethno-politique dans les quartiers nord de Brazzaville et de l'intérieur. Ce chiffre de 60% est donc manifestement fantaisiste.

 

Effectivement, même les télécommunications ont été coupées pendant le scrutin...

Les télécommunications et Internet ont été coupés pendant quatre jours avant, pendant et après l'élection ! Des journalistes du journal Le Monde et de l'AFP, qui ne faisaient que leur travail, ont été molestés et leur matériel volé. Plusieurs autres correspondants n'ont pas été accrédités. C'était la consigne " Silence on triche ". Depuis la proclamation des résultats qui a nécessité près de 6 jours au Congo contre 2 jours pour une élection présidentielle au Benin plus peuplé, il règne à Brazzaville et dans tout le pays une atmosphère martiale. Les principaux appareils de répression sont en action. Tous ceux qui contestent les résultats du Roi Sassou sont systématiquement traqués ou arrêtés. Toutes les organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé ce manque de transparence criard. Amnesty International, qui voulait envoyer un observateur, a été refoulée à la frontière. Le quai d'Orsay français a évoqué " un contexte préoccupant, en raison notamment de la coupure des communications ". Toujours est il qu'aujourd'hui, en dehors du président Biya du Cameroun et président Dos Santos de l'Angola, aucun État n'a reconnu ce résultat électoral. Ni la France, ni les États-Unis, ni même les pays proches dans l'Union africaine. L'Union européenne ayant déjà donné son appréciation sur la non transparence du scrutin.

 

L'opposition a provoqué des grèves et des opérations ville-morte le 29 mars. Quels scenarii pour sortir de la crise ?

L'opération ville morte a été une réussite. Tout le pays a donné une réponse au chiffre extravagant de la Commission électorale de Sassou. L'opposition avait décidé de mettre en place sa propre commission technique. Pour celle-ci, le président putatif actuel, avec environ 8% des suffrages, ne passait même pas le premier tour. Voilà son réel poids électoral. Il avait à peine dépassé les 15% lors des élections transparentes de 1992. Nous sommes en présence d'un face à face entre le pouvoir et les populations très largement acquises au changement comme lors de la conférence nationale de 1991. D'un côté, la volonté populaire et, de l'autre, l'armée qui n'hésite pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Dans l'état actuel, il y a un grand risque que le Congo se transforme en un nouveau Burundi où la situation a dégénéré après un scrutin injuste. Les prisons commencent à être pleines de jeunes manifestants et d'opposants politiques. Toutes les conditions sont réunies pour des confrontations plus musclées et un bain de sang.

 

Pourquoi ?

Sassou-Nguesso a fait sortir les forces armées pour contrôler la population. Or, ce sont principalement les jeunes qui manifestent dans la rue. La moitié de la population congolaise a moins de 20 ans. La grande majorité de ces jeunes n'ont pas d'avenir. Ils n'ont pas profité du boom pétrolier. La plupart sont au chômage, environ 70%. Le système scolaire est déficient et à terre.
Ces jeunes ne baisseront pas les bras. Ils n'ont rien à perdre et tout à gagner. On se dirige vers un soulèvement sous la forme d'une insurrection populaire. Ma préoccupation est d'éviter le bain de sang. A mon avis, il faudra que l'armée intervienne du côté du peuple et de l'opposition et, surtout, qu'elle baisse les armes. Pour le moment, la classe politique de l'opposition et les populations doivent continuer à harceler les pouvoirs par tous les moyens, par des grèves, des opérations de villes mortes et autres contestations populaires. Je pense que nous pouvons obtenir le départ de Sassou Nguesso de cette façon. Mais la participation des militaires reste indispensable. C'est donc un appel que je lance à la frange de l'armée congolaise restée républicaine. Les militaires doivent prendre leur responsabilité comme en 1991, lors de la conférence nationale.

 

Le candidat qui serait arrivé troisième à l'élection avec 14% des votes est issu de l'armée justement : le général Jean-Marie Michel Mokoko. Où se trouve-t-il actuellement ?

Il est en sécurité. C'est tout ce que je peux vous dire. A mon avis, il faut que l'opposition suscite l'adhésion d'une masse critique de militants pour créer une crise ouverte. Il faut immobiliser le pays et le rendre ingouvernable pour chasser le dictateur. Mais si nous n'avons pas une partie de l'armée, nous n'y arriverons pas. A l'heure actuelle, le général Mokoko est celui qui peut faire basculer cette partie de l'armée. Le général Mokoko a prouvé sa popularité lors de la campagne.

 

Le général Mokoko a un statut de réconciliateur au Congo. Il bénéficie d'une côte de confiance largement supérieure aux autres candidats, même chez ceux qui ne votent pas pour lui. Pourquoi ?

Il est un homme du Nord, comme Sassou-Nguesso, mais capable de susciter l'adhésion des populations du Sud, ce qui est très rare dans le contexte ethno-politique congolais. Il a joué un rôle important lors de la Conférence nationale en 1991 après la première dictature de Sassou-Nguesso (1979-91). Puis, il a la réputation d'être tout simplement honnête. Il ne s'est pas enrichi injustement. Il est digne de notre confiance. Ce qui me rassure aussi est qu'il a un projet que je partage. Il propose par exemple une transition après le départ du président Sassou-Nguesso avant d'organiser à nouveau des élections. Il faut en effet une période de transition pour régler les problèmes fondamentaux, comme la gestion des biens mal acquis de la classe politique au pouvoir. Il faudrait mener à termes les procès des terribles crimes de sang du régime de Sassou-Nguesso (au pouvoir depuis 1997 suite à un coup d'Etat), notamment " l'affaire du Beach " en 1999-2000, où des centaines des jeunes Congolais ont disparu. Une des grandes peurs de Sassou-Nguesso est de perdre le pouvoir pour la simple raison qu'il se retrouvera alors devant la Cour pénale internationale.

 

Pensez-vous avoir le soutien de l'Union européenne ou d'autres acteurs internationaux de poids ?

C'est justement mon rôle au sein de l'opposition " de l'extérieur ", Comme dit le proverbe, il ne faut pas intervenir après l'orage. Nous comptons en effet sur la pression de l'Union européenne, des États-Unis et de tous. Nous faisons des démarches dans ce sens.
La manière flagrante et arrogante avec laquelle Sassou a opéré ce coup d'État électoral est une provocation pour l'ensemble de l'humanité. Le problème n'est pas que congolais. Le monde des droits de l'homme doit dire aujourd'hui que nous sommes tous Congolais. La France n'en fait pas assez. François Hollande nous avait déçus quand il avait déclaré le 21 octobre 2015 qu'il ne voyait pas d'inconvénients à ce que le président Sassou-Nguesso organise un référendum pour consulter son peuple. Il savait bien que le but de Sassou était de changer la constitution du pays. Un changement qui lui a permis d'accéder à un mandat présidentiel supplémentaire...

 

La France soutient-elle ce régime corrompu ?

La société civile française continue à être du côté du peuple congolais. Beaucoup d'associations continuent de militer en ce sens. Mais au niveau du gouvernement et de l'Élysée, il y a trop de tiédeur, pour ne pas dire trop de silence. Seul un laconique communiqué du parti socialiste a dénoncé l'opacité des élections. Les autres partis sont silencieux... sauf le Front national. Nous sommes un peu étonnés que seul ce parti, parmi les forces politiques françaises, monte concrètement au créneau pour soutenir la lutte du peuple congolais. Cela peut surprendre, mais un fait.
Quand François Hollande a été élu, il a dit qu'il s'opposerait à la Françafrique. Petit à petit, il y revient pourtant... A titre d'exemple, le fait de ne rien dire contre le dictateur est une façon de le soutenir. La jeunesse congolaise et franco-congolaise avait espoir en Hollande et elle est déçue.
Cela dit, je répète qu'il est rassurant que la France ne reconnaisse pas officiellement les résultats électoraux, même si c'est insuffisant.

 

L'Église catholique et plusieurs communautés protestantes jouent un rôle important au Congo, notamment dans les secteurs éducatif et sanitaire. Quelle est votre attitude à l'égard de ces Églises ?

Je crois en la théologie de la libération. L'Église ne peut rester en dehors de la lutte politique. Quand une société est déstabilisée, l'Église reste souvent présente auprès des populations, dont les plus pauvres. Je pense que l'Église catholique doit prendre sa part de responsabilité et dénoncer encore davantage les injustices. Sassou-Nguesso s'est rendu à Rome. Il cherche à faire reconstruire des églises endommagées. Croit-il pouvoir acheter le silence de l'Église ? En tout cas, il a peur que l'Église n'entre dans la bataille. Selon moi, la libération du Congo regarde tous les citoyens. La libération de l'homme, c'est fondamental pour qu'il puisse continuer à croire. L'Église construit des écoles, par exemple. C'est bien. Mais on peut se demander si c'est vraiment le rôle premier des Églises, ou de la société civile en général, de construire des écoles. C'est à l'État d'exercer les fonctions régaliennes. Je note que plusieurs ecclésiastiques ont pris fait et cause pour le changement au Congo, dont Mgr Portella, l'abbé Yanguissa et d'autes. Nous les encourageons à continuer ainsi.



Source : Lavie


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