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Danse : Julie Dossavi, super-héroïne afro d'Avignon

  Culture & Loisirs, #

" Je peux encore le faire ". Face aux micros d'une conférence de presse invisible, Julie Dossavi ouvre La JuJu par cette réponse laconique. En sous-vêtements, une perruque afro vissée sur la tête, la danseuse franco-béninoise n'a guère besoin d'en dire plus. Son air de défi un peu hésitant suffit. Après un temps de retraite, le personnage de super-héroïne qu'elle s'est inventé s'apprête à reprendre de l'activité. " Son corps a changé. Il n'est plus aussi beau qu'avant. Plus aussi fort. Mais elle ne se résigne pas, elle veut aller de l'avant ", explique Julie Dossavi. Si elle parle peu, l'héroïne éponyme du spectacle a son histoire. Ses doutes et ses envies de faire encore quelque chose pour le monde. Un peu comme l'artiste, qui voit dans cette excentrique JuJu une sorte de double fictif.

Retour au Bénin natal

Une fois passé autour de son cou un objet noir non identifiable, entre collier et vêtement, la JuJu est prête. Derrière une table de mixage et un bureau encombré d'un cactus, d'une boule à facettes et de toutes sortes de gadgets bizarres, Yvan Talbot, fidèle collaborateur de Julie Dossavi, lui donne à sa manière le top départ. Il lance un morceau, et la JuJu s'anime. " C'est la musique qui lui donne ses super pouvoirs. La JuJu Music surtout, et les genres qui en sont issus : le High Life et l'afrobeat, nés pendant les Indépendances. " En majordome fiable et discret, le compositeur spécialisé dans les musiques traditionnelles d'Afrique de l'Ouest soutient l'héroïne dans ses efforts. Et lui offre une traversée des années 60 aux années 80.

À travers cette musique, La JuJu raconte aussi l'histoire d'un retour au pays. " Lorsque la directrice de la fondation Zinsou de Cotonou me fait commande d'un solo de vingt minutes pour le festival Dansons maintenant, je suis aussi ravie qu'émue. Ça fait alors vingt ans que je ne suis pas allée au Bénin. Le pays de mes parents. " Comme dans Grand-père n'aime pas le swing (2011), Julie Dossavie fait dans son solo un retour en arrière. Non par nostalgie, mais pour mieux regarder le présent en face et interroger le futur. Le sien, en tant que danseuse âgée d'une quarantaine d'années. Celui d'une Afrique encore en souffrance cinquante ans après les Indépendances et des relations Nord/Sud.

JuJu internationale

Mise au point autant que mise à nu, La JuJu est riche de toutes les expériences de Julie Dossavi. Et elles sont nombreuses. Avec sa sensualité athlétique et sa manière de métisser les danses sur lesquelles elle travaille, la chorégraphe rappelle sa carrière de sportive, abandonnée en cours de route pour la danse. Dans son écriture très personnelle, on peut aussi deviner les traces des grands chorégraphes avec qui elle a collaboré. Philippe Decouflé, Jean-François Duroure, Salia Sanou, Kader Attou...

Enfin, l'attention portée au costume - bien que minimaliste - dans la pièce et l'attitude comiquement poseuse de la JuJu évoque le voguing, que la danseuse a pratiqué un temps en boîtes de nuit. Née aux États-Unis dans les années 70 et arrivée en France il y a quelques années, cette danse urbaine aux mouvements saccadés est dans La Juju un ressort burlesque efficace et une manière d'actualiser les danses et musiques d'Afrique de l'Ouest des années 60 à 80. La JuJu ose les mélanges les plus improbables. C'est sa manière de s'affranchir de toute influence. De toute domination.

Match amoureux

" Tous mes spectacles sont autobiographiques. J'y parle des difficultés d'être noire, femme et artiste. Une triple marginalité qu'il s'agit de transformer en force, sans verser dans l'accusation ", explique Julie Dossavi. Si lorsque la musique cesse, les mimiques de la JuJu disent sa solitude et son désespoir, c'est en effet toujours avec un humour et une tendresse qui appellent au dialogue des cultures et des sexes. Loin de faire un éloge simpliste du métissage, le couple Julie Dossavi/Yvan Talbot décline l'entraide sans céder à un féminisme dichotomique.

Basé sur l'inversion de la hiérarchie homme-femme hélas traditionnelle, La JuJu dessine un espace amoureux singulier. Où l'homme s'occupe des cactus du salon tandis que la femme part sauver des vies. Mais où sans l'homme, les super pouvoirs de la femme sont inopérants. Si Julie Dossavi déclare son indépendance, c'est donc à travers une injonction subtile à repenser les rapports entre les sexes. Un propos nécessaire dans le milieu de la danse contemporaine, où les femmes originaires d'Afrique subsaharienne peinent plus encore que leurs confrères masculins à se faire une place.

La JuJu, jusqu'au 26 juillet au Théâtre Golovine, 1 bis, rue Sainte-Catherine à Avignon (84), à 14 h 30. Relâche le 24. www.theatre-golovine.com. Reste de la tournée sur www.cie-juliedossavi.com.



Source : afrique.lepoint.fr


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