Devenez publicateur / Créez votre blog


 

Des vies de migrants en Algérie : s'installer

  Société, #

" Tu as trouvé ? " Aïcha, penchée sur une bassine dans laquelle elle nettoie une marmite, secoue la tête négativement. Cette Ivoirienne de 31 ans est à la recherche d'un appartement à louer. " Quand j'ai du temps, je vais dans les agences immobilières. Ils disent qu'ils vont m'appeler, mais ils ne m'appellent pas. Certains me disent même : on ne loue pas aux Noirs. "

En attendant, Aïcha reste donc vivre dans la " carcasse " où elle s'est installée avec son mari et sa fille. Un bâtiment inachevé, sans toit, avec un seul robinet d'eau courante et une cuvette de toilette pour une trentaine d'habitants. Chaque petite chambre y coûte 8 000 dinars par mois (environ 70 euros).

 

Dans 16 m 2, Aïcha a installé un frigo, des plaques de cuisson, une petite table et un bloc de tiroirs en plastique. Elle vit, cuisine, dort et reçoit dans cette pièce dotée d'une seule fenêtre qui donne sur un couloir. " Ces conditions de vie, je ne les avais pas imaginées, soupire-t-elle. Si tu convertis le montant du loyer en francs CFA, tu peux avoir une bonne maison dans mon pays. Tu pars de chez toi pour avoir une vie meilleure, mais quand tu arrives en Algérie, c'est la désillusion. "

" C'est un ghetto ici "

Des marches à ciel ouvert mènent à l'étage. Du linge sèche sur une corde, des bassines colorées sont empilées le long du muret, des enfants jouent bruyamment, s'attirant les cris des adultes. Bayar, 29 ans, est assis sur un tabouret en plastique devant la porte de sa chambre dont il est sorti pour fumer une cigarette. Bayar partage la pièce avec trois autres jeunes Camerounais. Les matelas sont disposés en forme de U. Une télévision est posée contre le quatrième mur.

" C'est un ghetto ici, s'emporte Rostand, son voisin. Les toilettes ne sont pas praticables. Le bailleur, ce n'est pas son problème. Pour lui, tu payes ou tu t'en vas. Et il sait bien qu'on ne partira pas. " En Algérie, un propriétaire demande à son locataire un an de loyers d'avance. Une somme impossible à débourser pour Aïcha et ses voisins, contraints d'accepter des biens que personne d'autre ne voudrait louer.

A sept kilomètres du centre-ville d'Oran, dans la localité d'Aïn Beïda, des dizaines d'habitants louent leurs garages à des migrants. Ici, le prix oscille entre 13 000 et 15 000 dinars par mois pour une pièce sans fenêtre, avec une seule arrivée d'eau. Awa vit au bout d'une petite ruelle, dans le garage d'une villa. Des vêtements sont accrochés à un clou sur le mur. Un morceau de miroir est posé sur une étagère en plastique à côté de produits de beauté.

Septembre 2015. Awa, 27 ans, camerounaise, vit dans un garage sans salle de bains à Ain Beïda, quartier populaire situé en périphérie d'Oran. Son propriétaire lui loue cet espace sans fenêtre 13 000 dinars par mois (90 euros). Crédits : Bachir Belhadj pour "Le Monde"

" J'ai mis de la moquette sur le sol, parce que ce n'était pas propre, explique la jeune femme de 27 ans, qui n'a pour seule source de lumière qu'une ouverture de 50 centimètres au-dessus de la porte métallique du garage. " Ici, poursuit-elle, je dois payer seulement trois mois d'avance et le propriétaire accepte les visites. Il faut juste que je le prévienne. "

Quatre murs de briques et un toit de tôle

Trois coups sont frappés à la porte, un signal qui permet de reconnaître l'arrivée d'un autre migrant. " Sans ça, je n'ouvre pas. Il y a trop de risques ", explique Awa. Une autre jeune femme, foulard blanc enroulé autour des cheveux et un bébé dans les bras, entre. Rose est une amie, une compatriote d'Awa. Elle est venue se réfugier chez elle quand son propriétaire l'a mise dehors, du jour au lendemain, parce qu'elle n'avait pas l'argent du loyer.

Depuis, elle a trouvé moins cher : quatre murs de briques et une plaque de tôle en guise de toit dans un bidonville, à 5 km de là. " Il y a beaucoup d'insécurité, les voisins ne me laissent pas étendre mon linge dehors au soleil, et cet été, j'ai fait un malaise à cause de la chaleur. Ce n'est pas facile, mais on tient le coup ", raconte-t-elle. Rose paye 9 000 dinars par mois de loyer. Une somme qui lui permet d'être à l'abri avec son mari et sa fille.

Septembre 2015. A Oran, la majorité des migrants vit à la périphérie de la ville. Les loyers sont moins chers dans les quartiers précaires comme Coca, Aïn Beïda ou les Amandiers, souvent décriés pour leur insécurité. Crédits : Bachir Belhadj pour "Le Monde"

Irène, elle, a quitté Aïn Beïda après avoir vécu plusieurs années dans un garage avec son compagnon. Elle s'est installée dans le centre-ville d'Oran, dans un vieil immeuble construit pendant la colonisation française. Une cour intérieure, des escaliers en colimaçon. Le bâtiment est abîmé, humide, plein de fuites d'eau, mais la Camerounaise de 36 ans estime que sa situation s'est améliorée : " Ici, mon propriétaire ne débarque pas sans prévenir. " Dans ce nouveau logement, Irène a installé des photos d'elle encadrées, rangé ses vêtements dans une armoire. Elle y héberge désormais deux mineurs qui viennent d'arriver en Algérie. Elle sourit : " On continue d'être solidaire. "

Lire demain Des vies de migrants en Algérie (3/7) : travailler



Source : www.lemonde.fr


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
eva
Partagé par : eva@Martinique
VOIR SON BLOG 48 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

48
Publications

20752
J'aime Facebook sur ses publications

334
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.