Si les organisateurs de la COP21 avaient écouté le plus sérieux des comiques africains, ils n'auraient pas oublié la question essentielle du poulet braisé. Entretien exclusif.

D'habitude, Dycosh est un comique d'origine congolaise qui produit des vidéos désopilantes sur Internet. Mais le jour où le Monde Afrique l'a rencontré, c'est sous les traits de l'un des personnages qu'il a créés qu'il est apparu : Elie Kitengue, un " sapeur " candidat à la présidentielle. Et cela tombait bien. Car, à l'heure de la COP21, cette conférence géante à Paris où le monde entier affirme détenir des solutions pour l'Afrique, il était temps qu'un Africain s'exprime enfin sérieusement à propos du continent. Un Africain éminent, maîtrisant ses dossiers, qu'il n'est pas difficile d'imaginer bientôt sur un trône, gouvernant à la fois l'audiovisuel français et son pays d' Afrique centrale.

L'Afrique se retrouve au cœur des négociations de la COP21. Qu'en attendez- vous ?

Elie Kitengue ne cherche pas l'information, c'est l'information qui vient à lui. Je ne regarde pas la télévision. Nous, les Congolais, n'avons pas attendu le réchauffement climatique pour être chaleureux. Car la chaleur est en nous. Je compte tout de même faire entendre la voix de nos frères africains. La COP21, ce sont des sornettes. On devrait appeler ce rendez-vous Escroc21. Des présidents qui se réunissent pour la chaleur, quelle chaleur ? Venez en République démocratique du Congo (RDC), il y fait chaud et tu peux même faire cuire ton dindon en plein air. C'est écologique, ça, d'ailleurs. Les chefs d'Etat occidentaux devraient plutôt se soucier du risque de pénurie de poulet braisé.

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Ce risque-là ne figure pas à l'agenda de la COP21. Est-il aussi menaçant que vous le dites ?

Ici, à Paris, on a coupé les autoroutes et renforcé la sécurité pour que Barack Obama et Angela Merkel puissent se rendre à la COP21. Ce que je comprends bien. Mais le vrai problème, c'est cette histoire de poulet. Et je compte bien leur en parler, tant il constitue la principale source d'inquiétude pour nos Etats. Comment le monde peut-il tourner si le poulet braisé n'est plus servi dans nos plats, sans allocos [bananes plantains frites], sans attieké [semoule de manioc] ? Cela risque de déstabiliser considérablement l'Afrique. Les gens vont se battre. C'est pour cela que j'ai lancé ma coopérative où j'élève mes poulets. Car je suis certain, d'après les informations dont je dispose, qu'un jour il n'y aura plus de poulet. Je deviendrais ainsi l'homme fort du pays. Tout le monde viendra se fournir chez moi. Autant vous dire que j'aurai beaucoup de francs CFA dans la poche.

Ce problème n'est-il pas anecdotique au regard des changements de Constitution que mijotent certains présidents africains souhaitant rester au pouvoir ?

Je ne crois pas au titre de président. Les présidents élus au suffrage universel, là, c'est pour faire plaisir à la France. Même si moi, je sais que le peuple me veut pour le diriger. Et je crois à l'appel du peuple, aux richesses souterraines de l'Afrique, à l'argent, en mon Dieu qui a mis une bénédiction sur moi. Donc je vous le dis, Madame, je vais me présenter à la présidentielle. Bon. Pour revenir à votre question, pour moi, la seule explication, c'est la sorcellerie ! Car ce n'est pas possible d'avoir les mêmes présidents pendant plus de trente ans. Même quand ils décèdent, ils gardent leur poste. Cependant, je reste convaincu, Madame du Monde Afrique, que le vrai problème, c'est cette histoire de poulet ! Si nous n'en avons plus, l'Afrique va sombrer. Les pays du Nord doivent le comprendre.

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Les 150 chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Paris pour la COP21 ont-ils respecté les règles de la sapologie que vous avez établies ?

Les présidents occidentaux devraient s'inspirer des présidents africains. La mode, ce n'est pas Paris ! C'est Abidjan, c'est Kinshasa, c'est Dakar. La vraie mode est chez nous. Quand nos chefs d'Etat vont à Paris pour la COP21, ce n'est pas pour parler de climat ou de politique. La COP21, c'est un podium, c'est un défilé de sapeurs. Et nos présidents ne savent que défiler. Quand il s'agit de mode, ils sont présents. Mais quand c'est pour respecter la Constitution... il n'y a plus personne.

Vos discours ont du succès sur les réseaux sociaux. Vous êtes actuellement l'Africain francophone le plus en vogue d'Internet. Vos vidéos dépassent souvent le million de vues. Comment préparez-vous vos interventions ?

Avant toute chose, je demande à mon épouse S.E. Dame Kitengue si elle a pensé à moi. Elle me fait du foufou [couscous de manioc typique d'Afrique centrale] avec du poisson frit. Ensuite, je prie le seigneur avec le pasteur Ngoulou qui vient à la maison. Nous échangeons des louanges et je le paie souvent cher. Ah ! les pasteurs... Puis je prépare ma sape en soignant l'équilibre des couleurs, selon la tradition de la sapologie dont je suis un grand maître. Enfin, je me lance, sans me poser de questions, car je suis alors animé par les esprits de la sapologie.

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Que pensez-vous du recrutement de l'artiste Dycosh par Canal+ ?

Nous étions là, tranquilles, et puis le groupe Vivendi est venu toquer à notre porte. Je crois qu'ils ont vu le potentiel, la lumière, la vérité, dans ce petit ! Ils m'ont demandé s'ils pouvaient recruter Dycosh. Je crois que le Saint-Esprit était ce jour sur lui. J'ai consulté les esprits, qui m'ont dit de laisser partir le petit Dycosh. Alors on a signé pour lui avec Vivendi sur le concept " Barbershop " : une série de moins de cinq minutes actuellement diffusée sur Internet. C'est l'histoire d'un couple qui ouvre un salon de coiffure à Château-d'Eau, le quartier parisien de la beauté africaine. Ils vont le produire, utiliser le petit pour qu'il puisse envoyer de l'argent au village. On est fier de Dycosh. Canal+, c'est désormais Vincent Bolloré. Je le connais, moi, Vincent. C'est un ami qui me nargue parfois sur son yacht. Mais je lui dis toujours : " Attends ! Quand je vais venir avec le mien, ça sera Titanic ". Grâce à Dycosh, le Congo va régner sur l'Internet et s'emparer de Canal+.