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Guinée - Littérature : "Conakry, capitale mondiale du livre en 2017"

  Culture & Loisirs, #

Dans le monde de la littérature de son pays, le nom de Sansy Kaba Diakité résonne régulièrement, car en plus d'être le directeur de la maison d'édition l'Harmattan Guinée, il est aussi l'initiateur des 72 Heures du livre, une rencontre annuelle entre les professionnels et les amateurs du livre du continent, en vue de célébrer la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur. La nomination de la capitale guinéenne comme "Capitale mondiale du livre" en 2017 fait d'elle la première capitale d'Afrique francophone à se voir délivrer ce label par l'Unesco. À l'échelle continentale, seules les villes de Port Harcourt, au Nigeria, et d'Alexandrie, en Égypte, se sont vues décernées ce titre respectivement, en 2002, puis en 2014. De quoi inspirer Sansy Kaba Diakité.

Le Point Afrique : Qu'est-ce qui a permis à Conakry d'être la nouvelle "Capitale mondiale du livre" ?

Sansy Kaba Diakité : C'est grâce à la qualité de notre dossier et de notre programme. Ce dernier tient compte de l'implication de plusieurs acteurs pour la promotion du livre et de la lecture. Depuis sept ans, tous les professionnels du livre, tous les acteurs - dont plusieurs maisons d'édition, des libraires et des bibliothécaires - se réunissent ensemble pour organiser un événement dénommé Les 72 Heures du livre. Plusieurs associations sont aussi partenaires. Toutes les institutions d'enseignement supérieur ainsi que certains établissements scolaires se démènent pour monter chaque année cette manifestation. De fait, nous avons attendu et choisi 2017 parce que nous savions notre dossier solide. Pour la première édition [Les 72 Heures du livre, NDLR], en 2008, nous avions eu 1 000 visiteurs. En 2015, ils étaient 50 000. Les Guinéens ont une soif de lecture. Nous avons fait plusieurs études et établi plusieurs constats à la suite de rencontres avec des personnes intéressées, mais aussi des auteurs. Tout cela nous a conduits à faire un dossier. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un appel à candidatures comme pour l'organisation des Jeux olympiques et de la Coupe du monde de football. Une fois que l'appel est fait, chaque pays doit expliquer les projets de son dossier durant toute cette année. Il faut savoir qu'il s'agit d'un mandat allant du 23 avril 2017 jusqu'au 22 avril 2018. Pour expliquer les initiatives envisagées pour cette occasion, il fallait établir un budget, dire en quoi cela aura un impact sur la littérature et la lecture en Guinée. Conakry a gagné car notre dossier a été meilleur. Beaucoup me disent qu'en Guinée il y a beaucoup de difficultés dans le domaine de la lecture. Oui, c'est vrai ! Et justement, c'est une opportunité pour créer des points de lecture, des médiathèques, adopter une véritable politique du livre dans le pays, se doter d'une véritable bibliothèque nationale, attirer de grands auteurs chez nous et montrer au monde entier que la Guinée a une vraie littérature qui a existé et qui continue à exister. Faut-il rappeler que la Guinée est quand même le pays de Camara Laye qui a écrit L'Enfant noir, de Thierno Monénembo qui a reçu le prix Renaudot en 2008, de Djibril Tamsir Niane qui a écrit Soundiata ou l'épopée mandingue. Quand vous prenez tous ces Guinéens qui ont fait des choses exceptionnelles il y a longtemps, et qu'aujourd'hui des talents se mettent en place et se réveillent, cela ne peut être que du positif. Notre pays a été longtemps isolé pendant la Première République, la Seconde était aux mains des militaires. À présent la Guinée est de retour sur le plan international. Cette nomination est le fruit de notre travail. Ce nouveau statut de Conakry pourra faire rêver la jeunesse guinéenne et africaine. Dans les années à venir, Conakry deviendra une véritable plateforme du livre, car nos projets s'inscrivent sur du long terme.

L'écrivain Camara Laye, auteur de "L'enfant noir". © DR



En Guinée, le taux d'alphabétisation est de 43 %, alors que dans certains pays de la sous-région, notamment le Mali, le Sénégal ou encore la Côte-Ivoire, il avoisine les 60 %. Comment le pays peut-il augmenter ce chiffre ?

Avec Conakry "Capitale mondiale du livre" en 2017, une occasion se présente. Aujourd'hui, beaucoup ne sont pas alphabétisés parce qu'il n'y a pas d'espaces de lecture dans les quartiers et les communes. L'école n'est pas obligatoire, il faut l'imposer. Selon moi, 2017 est une réelle chance pour faire de véritables réformes et nous sommes en train de convaincre le ministère en charge du système éducatif et celui de la Culture. Si nous sommes accompagnés par les ministères concernés, nous changerons les choses en Guinée. L'un de nos objectifs, justement, c'est de rendre l'école obligatoire d'ici à 2017, que le gouvernement prenne des résolutions de manière à ce que, jusqu'à 16 ans, l'ensemble des enfants qui sont à même d'aller à l'école y aillent. Pour les adultes, il faut faire de l'alphabétisation dans des maisons des jeunes, faire de l'accompagnement auprès des femmes, dans les marchés par exemple. Nous sommes en train de faire de la sensibilisation pour que le taux d'alphabétisation augmente.

 

L'écrivain Djibril Tamsir Niane, auteur de Soundiata ou l'épopée mandingue.. © DR

Qu'est-ce qui explique ce manque de médiathèques, de bibliothèques et d'espaces dédiés à la littérature et à la lecture ?

C'est faute d'une politique nationale du livre. Dans le cadre de notre dossier, il y a des outils à la disposition du ministre de la Culture qui, dans le cadre d'un projet de loi, pourra les soumettre à l'Assemblée afin qu'ils soient adoptés par l'ensemble des députés. Comme je vous le disais, notre pays a été longtemps fermé. Pendant des années, l'Assemblée nationale n'a pas fonctionné. Aujourd'hui, le travail peut être fait. Les conventions de Florence et de Nairobi [Accord des Nations unies pour l'importation d'objets de caractère éducatif, culturel ou scientifique, NDLR] n'étaient pas ratifiées en Guinée parce que nous n'avions pas d'Assemblée nationale légitime. Maintenant, nous en avons une, le ministère est en train de faire un travail remarquable pour que ces outils puissent exister d'ici la fin de l'année 2015, pour qu'ils soient effectifs en 2016, afin de bien préparer 2017. Le ministre a organisé une retraite avec les professionnels du livre et des cadres du ministère en charge du livre et de la politique publique dans ce domaine pour commencer à consulter, à élaborer ce document. Donc, c'est l'absence d'instruments permettant la création d'espaces d'épanouissement pour les Guinéens qui explique ce déficit. Dans nos pays, la culture est malheureusement le parent pauvre. Les budgets ne sont pas importants. Cela dit, avec le label "Conakry, Capitale mondiale du livre", beaucoup de choses devraient changer. Même les entreprises privées vont accepter de s'investir dans la création de ces points de lecture, dans les communes, les quartiers et dans les régions.

 

L'écrivain Thierno Monenembo, prix Renaudot 2008. © DR

La Guinée est un pays multiculturel. Quelle place aura la littérature en langue nationale dans l'objectif de 2017 ?

Une belle place ! Il faut savoir que la Guinée est riche de ses ethnies, de ses différents alphabets : n'ko, l'ajami, le pular et le toma, entre autres. Toutes ces ethnies ont développé leur propre système d'écriture et d'expression. Souvent, je dis aux uns et aux autres que certaines personnes assimilées à des analphabètes ne le sont pas, puisqu'ils sont alphabétisés, non pas en français, mais dans leur langue maternelle. Ils l'écrivent, se comprennent et font beaucoup de choses. Seulement, il faut mettre ces outils en valeur et les diffuser. Par exemple, pour l'alphabet n'ko, le fondateur Souleymane Kanté a fait plusieurs ouvrages, mais ils ne sont pas connus. Aujourd'hui, nous faisons un travail qui est de les faire en version bilingue, français/n'ko, pour permettre à ceux qui sont alphabétisés en français de lire ce genre d'ouvrage. La littérature du Fouta est extraordinaire mais les gens ne lisent pas l'alphabet peulh. Beaucoup de Guinéens sont alphabétisés en arabe, parce que beaucoup de nos parents lisent et écrivent couramment en arabe. Nous allons donner une véritable place à ces différentes façons de s'exprimer. L'objectif, pour cette année, est de former des professionnels aux métiers du livre, à l'animation et à l'écriture.

 

Que peut espérer la Guinée à la suite de la désignation de sa capitale comme lieu incontournable du livre à l'échelle planétaire ?

La Guinée va recevoir des auteurs, des spécialistes et des professionnels du livre du monde entier. Nous allons faire en sorte que la politique nationale du livre soit effective dans notre pays. Il y a des impacts réels sur nos populations. En 2017, il y aura Les 72 Heures du livre et l'organisation d'une foire internationale - prévue dans le dossier -, beaucoup de formations, d'émissions littéraires, beaucoup de journalistes viendront visiter ce petit pays qui a été longtemps isolé. Je pense que tout cela change l'image de notre pays. Donc 2017 changera la donne. Ce pays mérite qu'on le voie sous une autre facette. Pour nous, les professionnels du livre et moi, en tant qu'instigateur de la candidature de Conakry comme "Capitale mondiale du livre", sommes engagés dans un vrai combat pour le retour de la Guinée sur la scène internationale.



Source : afrique.lepoint.fr


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Loudmila
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