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Je suis Caribéenne, pas africaine, ni caucasienne, ni indienne, ni syrienne

  Société, #

 

Bonjour à tous,

C'est complètement perplexe après le visionnage d'une vidéo nommée " Qu'est-ce-que les Antillais ? " que je vous écris ce soir. Durant ce visionnage, sont remontés à la surface des problèmes que je savais existants mais pas aussi ancrés dans les mentalités encore en 2015. Il faut dire que cette journée du dimanche 6 septembre a été riche en connerie, car j'ai également lu un article d'une africaine demandant aux afro-américains de cesser leur appropriation culturelle des signes yoruba, du dashiki etc et j'en passe. J'ai dû également vous parler d'une de mes nouvelles activités autour de l'attaché de foulard qui suscite parfois des questions assez particulières sur la légitimité de mon collectif dans ce secteur parce qu'apparemment, l'attaché de foulard n'est fait qu'en Afrique, enfin bref, le sujet n'est pas là.

Je suis caribéenne, qu'est-ce-qu'un caribéen ?

Un caribéen pour moi est issu du métissage de plusieurs peuples.

 

Non pas du métissage actuel, qui est présenté comme salvateur, mainstream, beau etc, du métissage de la douleur. Pourquoi selon moi le peuple antillais est issu du métissage de la douleur, car ces peuples se sont retrouvés sur ces îles à cause d'une histoire douloureuse.

Venant en aux faits. Pour ceux qui ne savent pas, les arawaks ont été le premier peuple à vivre sur les terres guadeloupéennes et martiniquaises. (Je ne parle que de ce que je connais). C'était un peuple qui se nourrissait essentiellement de fruits, assez pacifiste, jusqu'au jour où, les Caraïbes qui possédaient déjà plusieurs îles environnantes ont décidé de se pointer et de chasser ou tuer les arawaks. Dans le processus de la loi du plus fort, " super " Christophe Colomb a découvert les Indes occidentales (d'où le terme West Indies en anglais), et a décidé de mettre en esclavage les caraïbes. (Pour ceux qui ne le savent pas, il reste encore des caraïbes à l'heure actuelle à l'île de la Dominique). Les Caraïbes étant trop faibles, on décide d'envoyer les parias de la population française pour cultiver la terre dans les îles.

 

 

OUI LES PREMIERS DEPORTES FURENT BLANCS !

Par la suite, on a découvert ce superbe moyen de faire de l'argent sur le dos d'un peuple d'une couleur différente. De toutes façons, les noirs étaient prêts à tout pour avoir des pacotilles, bijoux et autres, c'est pas grave si j'envoie au casse pipe le peuple ennemi d'à côté.

 

OUI LES PREMIERS VENDEURS D'ESCLAVES NOIRS ETAIENT NOIRS EUX-MEME !

Jusqu'en 1848 (il n'y a pas si longtemps que ça), les noirs étaient réduits en esclavage sur les îles de la Caraïbe. En 1854, les noirs ayant déjà assez soufferts de l'esclavage se rebellaient un peu trop donc les riches français et anglais décidèrent de séduire les pauvres indiens habitant près des comptoirs commerciaux de la Compagnie anglaise des Indes commerciales en leur disant

 

" Venez aux Antilles, vous ferez dorer du sucre au soleil ".

Donc le 24 décembre 18 54(MAJ grâce à un commentaire, d'ailleurs merci pour la rectification:) ), un bateau nommé l'Aurélie accosta les cotes guadeloupéennes avec les premiers indiens aux Antilles. Par la suite, les syriens et libanais sont venus aux Antilles (je n'ai pas encore étudié la question du pourquoi, sûrement des guerres mais je m'y penche actuellement).

Voyez donc, européens pauvres, africains déportés, indiens pauvres et déportés, syriens et libanais fuyant les guerres, voilà le métissage de la Caraïbe et plus particulièrement des îles françaises de la Caraïbe. Comment souhaitez-vous que l'on se pense uniquement africain alors que nous sommes issus de tant de mélanges et de mixité ?

En mai dernier, le CM98 a lancé un site internet permettant de retrouver le nom des premiers esclaves portant notre nom. J'ai tapé le mien et je ne l'ai pas trouvé. Vous voulez savoir pourquoi ? Mon ancêtre est un bourguignon, petit rebelle d'une famille bourgeoise qui a été envoyé à la Martinique pour arrêter de faire honte à la famille. Idem pour le nom de ma mère, mon aïeul était un breton blond aux yeux bleus, venu en Guadeloupe pour faire des affaires et tombé amoureux de cette caraïbe qu'était mon arrière arrière grand-mère. Certains de mes cousins ont pour aïeul une indienne de Pondichery. Donc oui notre couleur claire n'est pas uniquement issue de viols durant l'esclavage et notre couleur noire n'est pas uniquement due à l'Afrique. Nous en sommes là pour ceux qui n'ont pas encore compris la complexité des peuples caribéens.

Pour autant, je ne suis pas européenne, je ne suis pas africaine, je ne suis pas indienne, je ne suis pas libanaise, mes racines sont la Caraïbe.

Alors certes, mon histoire commence tard mais ELLE EXISTE.

Je viens d'un peuple qui a une culture qui lui est propre et qui n'a rien à envier à quiconque. Oui j'entends des sonorités tribales dans mes morceaux de menndé mais j'entends et je danse également la valse quand je danse du woulé (menndé et woulé sont deux rythmes du gwoka, danse traditionnelle de la Guadeloupe). Oui, je ne fais pas de soca ou jump up comme mes voisins de la Caraïbe mais le zouk est une musique qui m'appartient et qui a été créée par l'âme de mon pays. Quand je vois une tenue traditionnelle, certes ce n'est pas du wax mais ma robe à corps démontre ma culture mélangée de la tête aux pieds . Du jupon aux broderies anglaises, des couleurs chatoyantes rappelant mes racines africaines, de la forme de la robe inspirée par la cour de Louis XIV à la coiffe en madras rappelant mes racines indiennes, je suis Caribéenne. Oui mon pays a également une mode, des techniques d'attaché de foulard, une musique et en somme une CULTURE qui n'est pas une copie de celle de l'Afrique ou celle de l'Europe. Là voilà mon identité, notre identité !

C'est ignorer l'histoire du peuple antillais que de le cantonner uniquement au zouk, au père absent, à la fainéantise et autres clichés.

C'est ignorer l'histoire du peuple antillais que de lui dire qu'il n'a pas de légitimité sur des cultures, techniques ou discussions qui semblent être possible que pour les africains.

C'est ignorer l'histoire du peuple antillais et du peuple noir déporté lui-même que de lui dire qu'il n'a pas de légitimité quand il porte des signes yoruba ou qu'il ne connaît pas sa tribu d'origine.

C'est ignorer l'histoire du peuple antillais que de le traiter de non-noir, de peuple qui renie ses racines africaines.

Nous connaissons notre histoire, nous savons que nos ancêtres ont été déportés depuis l'Afrique mais nous ne sommes pas un peuple UNIQUEMENT issu de l'Afrique. Nous sommes plus. Nous sommes issus d'une mixité. Une mixité de la douleur. Nous vivons avec, nous avons notre propre identité. Nous sommes antillais.

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Source : noemisanse.wordpress.com


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Clara
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