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" La renaissance rwandaise : j'y suis allé, j'ai vu, j'y crois "

  Société, #

La génération de mes grands-parents a vécu sous le joug colonial. L'idée même d'une Afrique libre et prospère lui était inconcevable.

La génération de mes parents, née quelques années avant la vague des indépendances, a connu l'espoir issu de la " libération " des peuples du continent. Elle était optimiste : le temps de l'Afrique était arrivé. Et pourtant, la réalité a été tout autre. Elle a connu la désillusion née de l'assassinat de leaders prometteurs, la corruption de plusieurs mouvements de libération parvenus au pouvoir, la multiplication des conflits de tous ordres sur le continent et, surtout, l'échec des dirigeants à améliorer la vie de leurs populations. Cette génération sait qu'elle disparaîtra sans voir l'Afrique émerger.

 

Notre mémoire, nous jeunes Africains, est imprégnée de ces promesses déçues et de ces échecs répétés. Nous grandissons avec l'idée que jamais nous n'y arriverons : certains d'entre nous se résignent, tournent le dos à l'Afrique, et choisissent le chemin d'un exil sans retour ; d'autres, cyniques, voient dans les failles de nos société s des opportunités d'enrichissement ; d'autres encore s'enferment dans une stigmatisation obsessionnelle d'un Occident accusé d'être responsable de tous nos maux ; une partie de la diaspora éduquée s'enivre de délires afro-optimistes ; quelques-uns optent quant à eux pour un espoir de principe, nécessairement artificiel. La majorité, cependant, s'éteint à petit feu, dans l'indifférence générale.

Musée des faillites africaines

Je m'étais longtemps assigné un devoir d'espoir. Au fond de moi, j'étais rongé par le découragement, la frustration, l'angoisse. Mais je finissais par me rappeler à l'ordre : il faut bien y croire... parce qu'il faut y croire.

Et puis je me suis intéressé au parcours du Rwanda depuis la fin du génocide, en 1994. Ce pays petit, sans ressources, enclavé, mal connu, aurait dû rejoindre les tréfonds du musée des faillites africaines. Pourtant, contre toute attente, et vu de loin, le " pays des mille collines " semblait avoir émergé du chaos et marcher résolument sur la route du progrès. Intrigué par la renaissance rwandaise, j'y suis allé, j'ai vu, j'y crois.

Les statistiques du pays sont connues, elles sont éloquentes. Mais elles capturent mal la véritable valeur du Rwanda. Le parcours de ce pays est inédit pour deux raisons.

 

D'abord, pour la première fois depuis les indépendances, un pays africain a construit un Etat qui est la propriété du peuple, et pas celle des classes dirigeantes. Dans ce pays d'Afrique subsaharienne, en effet, l'Etat sert efficacement, et de manière identique, tous ses citoyens. Les classements le confirment : la corruption est combattue avec la dernière énergie (le sénateur Tito Rutaremara, membre de la Commission de la bonne gouvernance, que j'ai récemment rencontré à Kigali, m'informait qu'elle avait " totalement disparu de la classe politique ", tandis que John Mirenge, le directeur général de RwandAir, m'apprenait que les dirigeants des entreprises publiques sont encore plus étroitement surveillés que les politiques) ; la sécurité publique est assurée - ce qui n'est pas le cas de nombreux pays africains ; les " contrats de performance " garantissent l'efficacité de l'administration ; et le système de Sécurité sociale du pays est déjà l'un des plus performants du continent.

Ensuite, pour la première fois depuis les indépendances, un pays africain est en train de construire une authentique nation. C'est un combat nécessairement difficile, surtout pour un pays dont l' histoire récente est aussi tragique, mais les dirigeants du pays sont résolus à faire émerger une communauté de destin qui transcende irrémédiablement tous les particularismes. L'idée, énoncée dans l'article 5 du préambule de la Constitution rwandaise, est juste : l'unité nationale est un préalable indispensable au développement.

Maturité

Enfin, la renaissance du Rwanda doit en grande partie au leadership remarquable du président Kagamé. Mais son principal succès, rarement souligné, est d'avoir réussi une révolution culturelle : hier spectateur de son destin, le peuple rwandais est aujourd'hui sûr de lui, confiant, exigeant. La maturité de ce peuple est donc la meilleure assurance de la préservation et de la continuité des institutions.

Pour autant, les défis sont encore nombreux pour le pays : la qualité de l'éducation doit être significativement améliorée pour se hisser au niveau des standards mondiaux ; la taille du secteur privé est encore modeste - la création de la zone franche, aux abords de Kigali, est une des initiatives qui vise à accroître l'activité - face à un besoin d'emplois croissant ; l'œuvre d'unification du peuple est toujours à consolider.

 

Mais il est résolu à les relever. Et donc l'espoir, pour une fois, est justifié : l'espoir de voir un des nôtres y arriver, et l'espoir de voir les autres s'en inspirer.

C'est pour cette raison que ce pays d'Afrique de l'Est, petit par la taille mais immense par le symbole, est important pour le continent. Car il incarne une idée et une promesse : l'idée que notre destin est entre nos mains ; et la promesse d'un possible réveil africain.

Yann Gwet est entrepreneur et essayiste camerounais.



Source : Le Monde.fr


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