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Lonnie Holley: portrait d'un génial outsider

  Musique, #

"Je viens d'une famille nombreuse. Très nombreuse. Ma maman a donné naissance à 27 enfants. Je n'ai jamais eu ce que je désirais. J'ai eu ce dont les autres ne voulaient pas. Ce qu'ils abandonnaient. Et j'ai toujours essayé d'en tirer le meilleur." Canettes, plumes d'oiseaux...: dans sa loge, de drôles d'oeuvres de récupération pendouillent. Lonnie Holley, la soixantaine bien tassée, a le recyclage qui lui coule dans les veines. Les veines d'un Afro-Américain à la vie chaotique et à la condition longtemps précaire. Holley raconte avoir été abandonné par sa génitrice à la naissance, avoir vécu avec une alcoolique dans l'Ohio et été échangé contre un demi-litre de whisky à l'âge de quatre ans. Il dit avoir creusé des tombes, récolté du coton, bu trop de gin, été renversé par une voiture et déclaré en état de mort cérébrale. Il aurait eu le premier de ses quinze enfants à quinze piges, travaillé comme cuistot à Disney World et a, tout gamin, fait un séjour à la Alabama Industrial School for Negro Children, un établissement correctionnel pour jeunes gens violents... Le genre de destin à la Dickens qui fait pleurer dans les chaumières. La plupart ne s'en seraient jamais relevés.

"Quand j'avais sept ans, la personne qui m'a le plus aimé est décédée. Elle tenait un bar à whisky avec un juke-box qui tournait jusqu'aux petites heures du matin. Cette période de mon existence fut extrêmement cruelle. Après, j'ai été maltraité, battu. Et alors que j'essayais de m'enfuir, j'ai été envolé par cette bagnole. Je suis resté inconscient pendant trois mois et demi et j'ai fini à la Alabama School. Le pire endroit sur Terre. Ils ont essayé d'y tuer ma curiosité mais ça n'a pas marché. Ils m'ont attaché à un cèdre. Fouetté... Un mioche qui a vécu des choses pareilles, ça le conditionne toute sa vie." 

Né à Birmingham en 1950, Holley est devenu artiste et a fait de cette enfance dans la misère, de ce passé terriblement douloureux, le moteur d'une oeuvre à la fois étrange et fascinante. Une oeuvre fabriquée à l'aide d'objets usagés et ravagés récupérés sur les bords de routes et rivières. De détritus et de déchets qu'il a sortis de poubelles et de décharges mais qu'il appelle, lui, un matériau. Chaussures orphelines, pneus usés, vêtements troués, scooter fracassé... Il y a tout ça dans l'art de Lonnie Holley. Même une télé à moitié fondue dans un incendie qui a coûté la vie à un de ses neveux et une de ses nièces... Les premières créations de cet impensable bonhomme remontent à leur enterrement. On est en 1979. La famille est sans le sou. Il taille leur pierre tombale dans des pierres de sable et continue ensuite pendant des années pour les membres de sa communauté. Il en héritera le surnom de The Sand Man.

 

A change is gonna come

"Pour survivre, l'art de Lonnie doit être déguisé, expliquait dans l'hebdomadaire Nashville Scene Bill Arnett, qui collectionne ses oeuvres depuis le milieu des années 80. Il ne pourrait pas peindre ou dessiner un Noir pendu et autour des Blancs qui en rigolent." Déjà comme ça, l'oeuvre de Holley, comparée par certains au blues et au jazz, a dérangé. En 1997, son parc artistique d'un demi-hectare, peuplé de sculptures et d'assemblages recyclés, a été rasé pour une extension de l'aéroport de Birmingham. "Ils ont tout détruit au bulldozer: 18 ans de boulot et environ 30.000 de mes créations. On m'a donné de l'argent pour partir. Mais créer n'a jamais été pareil ailleurs." A l'époque, une partie de son travail a pourtant déjà été exposée au Smithsonian, à la Maison blanche.

"Ses réflexions, artistiques, sur les droits civiques, les questions de races, la pauvreté, sur toutes ces choses qui ont affecté sa communauté, et qu'il mettait à disposition du public, ne plaisaient pas aux autorités du coin. Ce miroir ne reflétait pas ce qu'elles voulaient voir, glisse Matt Arnett, tour manager de Lonnie et fils de Bill. Si cet endroit existait encore aujourd'hui, des touristes du monde entier le visiteraient. Les gens feraient des chaînes humaines pour le protéger. Mais certains ont fait en sorte que ça n'arrive jamais."

 

Matt a craqué au début des années 2000 pour une autre facette du buddy Holley. Tombé sous le charme de sa musique, il l'a glissée dans l'oreille de Lance Ledbetter, fondateur du label Dust-to-Digital, qui s'est empressé de l'envoyer en studio. Sur ses deux premiers albums, Just Before Music (2012) et Keeping a Record of It (2013), Lonnie Holley se lance dans des incantations à la Gil Scott-Heron sur des claviers expérimentaux, psychédéliques et afro futuristes. "Quand j'étais petit, je n'avais que ma musique, mes gémissements et rugissements. Elle vient du même endroit que mon art. Le recyclage est partout. Jusque dans nos pensées. On en garde certaines. Puis on les réutilise encore et encore. Et il y en a d'autres qu'on abandonne à jamais."

 

L'outsider à l'art environnemental a collaboré avec Bradford Cox (Deerhunter) et Cole Alexander (Black Lips) ou encore Avey Tare d'Animal Collective. ""A change is gonna come", annonçait Sam Cooke: je lutte pour ce changement. On doit apprendre à être reconnaissant envers la vie. Nous sommes responsables de tout ce qui pousse sur la planète. L'humanité doit se mettre au service de notre mère la Terre. Tout ce que je ferai avant de mourir, ce sera pour elle. Elle n'appartient pas à un individu. Elle nous appartient. C'est comme une course de relais: on se passe le témoin."

DEEP IN THE WOODS, DU 4 AU 6/09 À MASSEMBRE. AVEC LONNIE HOLLEY, STUFF., FLAVIEN BERGER, LA JUNGLE... SOLD OUT. WWW.DEEPINTHEWOODS.BE



Source : focus.levif.be


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