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Minorités: la fiction française délave les couleurs

  Culture & Loisirs, #

Les fictions sont encore loin de refléter la diversité. Les acteurs de couleur y sont sous-représentés ou caricaturés. Pour un Omar Sy ou un Jamel Debbouze, combien d'invisibles? Enquête.

Parfois, Jade Phan-Gia en a marre qu'on lui demande de prendre l'accent chinois dans les castings. " Je le fais hyper mal ! Le français est ma langue maternelle et je ne parle pas vietnamien ", soupire la jeune femme, Française d'origine vietnamienne. Quand elle tente l'exercice, elle a l'impression d'être Nicolas Canteloup, se vautrant dans sa pseudo-imitation de Jean-Vincent Placé. Qu'importe qu'elle parle français comme une blonde normande. Quand Jade bosse sur des doublages, elle n'est castée... que pour des rôles avec accent ! C'est ainsi. Du fait de ses traits typés, de ses origines, la jeune femme est cantonnée aux " rôles d'Asiatiques ", serveuse dans un restaurant ou prostituée. " Ou alors experte en art martial ! " Certes, il y a eu des exceptions. Ce rôle au cinéma dans " l'Exercice de l'Etat ", de Pierre Schoeller. " La secrétaire devait être une beurette, mais ils m'ont finalement choisie. " Un autre dans un téléfilm : " Là, c'était prévu pour une grande rousse ! C'était rafraîchissant de sortir de la case "minorité"... " Livreur de sushis, patron de restaurant, mafieux des triades...

Les choses évoluent mais c'est lent, très lent

Frédéric Chau, que nous avions rencontré avant le succès de " Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? ", confiait aussi sa lassitude devant le maigre éventail des rôles proposés. Du coup, l'acteur révélé par le Jamel Comedy Club, a décidé d'écrire lui-même un film. Comme Fabrice Eboué, Thomas Ngijol et bien d'autres. Bien sûr, il y aura un avant et un après Omar Sy qui, depuis " Intouchables ", est le seul acteur noir bankable. " Il peut faire bouger les mentalités ", dit Marisa Commandeur, qui, lorsqu'elle était actrice, s'est elle aussi heurtée au mur invisible séparant les Français qui ne sont pas de souche des autres. Désormais reconvertie comme agent, elle tente, dans les castings, de proposer des physiques et des accents différents : " Les choses évoluent. Mais c'est lent, très lent. "

Alors que la série télévisée américaine " 24 Heures chrono " a imposé David Palmer en président noir bien avant l'élection de Barack Obama, que " Glee " et sa chorale de lycéens mettent en avant une blonde, une brune, une Black, une Latino, une Asiatique, la fiction française, elle, reste encore désespérément " unicolore ".

 

En France, on parle beaucoup de la différence mais nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux (Mémona Hintermann)

Mémona Hintermann, ex-grand reporter à France 3, qui vient d'être nommée à la commission diversité du CSA, est très sévère : " En France, on parle beaucoup de la différence, mais nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux, s'agace-t-elle. On a la télé qu'on mérite. Notre société, crispée sur les questions identitaires, refuse de voir son vrai visage. Alors on refile le sujet comme une patate chaude au CSA qui doit jouer les gendarmes... sauf que nous n'avons même pas de bâton. Il nous manque les outils juridiques pour sanctionner les contrevenants. Et on n'ose même pas appeler un chat un chat, puisque les statistiques ethniques sont interdites. "

Une fiction française très unicolore.

Anne Crémieux, universitaire spécialiste des séries américaines, est surprise du fossé qui existe entre la France et les Etats Unis : " Pourquoi une telle gêne ? Sans doute à cause de notre passé colonial, avec lequel on n'a pas fait la paix. " Le réalisateur Tran Anh Hung, célébré pour " l'Odeur de la papaye verte ", se souvient ainsi d'un scénario qu'il avait écrit sur une famille vietnamienne installée en France : il n'a jamais trouvé preneur. " La vision du Vietnam et des Vietnamiens est restée bloquée à la période de la guerre. Filmer des Vietnamiens au Vietnam, oui. Mais en France, non : ils ne réveillent aucun imaginaire fictionnel. "

Les chaines veulent des noms, et comme les acteurs typés ont moins l'occasion de faire leurs preuves, on ressort l'éternelle excuse: on aimerait tellement avec un Noir/ Asiatique/ Arabe, mais personne ne convenait

Pour se donner bonne conscience, les chaînes ont certes commencé à saupoudrer d'un peu de " couleurs " leurs téléfilms et séries. Mais les diffuseurs ont leur mot à dire sur les castings : " Ils donnent leur accord pour quelques seconds rôles. Mais s'ils ont déjà choisi un Noir, ils considèrent que la case "minorité" est prise, et l'on sait qu'il n'y aura pas de Maghrébin ni d'Asiatique en plus au casting ", dit crûment un professionnel. Marisa Commandeur explique que, depuis deux-trois ans, les " briefings de personnages " distribués pour les castings stipulent l'origine raciale recherchée : caucasienne, asiatique, maghrébine, black. Comme cela se fait dans les pays anglo-saxons. " Cela peut choquer certains, mais est-ce qu'il ne vaut pas mieux dire les choses ? J'aimerais bien que mes acteurs non "blancs" se fassent recruter pour leur talent, sans qu'on regarde leurs origines... " Les chaînes veulent des noms, et comme les acteurs typés ont moins l'occasion de faire leurs preuves, on ressort l'éternelle excuse : on aimerait tellement avoir un Noir/Asiatique/Arabe, mais personne ne convenait ! C'est ainsi que TF1 a réadapté sa série médicale " Interventions ", avec Anthony Delon, qui commence ce lundi à 20h55. Initialement, le héros de la série, intitulée " Docteur Belaoui ", était d'origine maghrébine, musulman, issu des " quartiers difficiles ", bref, un pur produit de la méritocratie républicaine. Un Dr House beur, voilà qui aurait eu de la classe ! In fine, la chaîne a préféré tabler sur la notoriété d'Anthony Delon. L'histoire a été réécrite. Le médecin se prénomme désormais Romain Lucas et, savoureuse ironie, c'est désormais un ex-enfant de la Ddass, " hanté par les fêlures de son enfance " ...

Le public aurait-il forcément boudé un médecin arabe moins connu ? L'Audimat est parfois moins conservateur que les chaînes. Comme en témoigne l'audience de l'increvable " Plus belle la vie ", où l'on croise aussi bien un avocat appelé Malik qu'une commissaire noire. Ou encore les succès inattendus de comédies communautaires comme " Il reste du jambon ? ", d'Anne Depetrini, ou les films du tandem Eboué-Ngijol (" Case départ " ...). " Il y a un marché que les producteurs ont longtemps ignoré, croyant à tort que cela n'intéresserait personne " , dit Marisa Commandeur. Bien sûr, la génération du Jamel Comedy Club, les Ngijol, Eboué, Chau, Amelle Chahbi, a émergé. Mais elle a dû d'abord se faire un nom sur les planches, comme humoriste de stand-up. " Aux Etats-Unis aussi, les Noirs faisaient les minstrel shows. Ils faisaient d'abord rire avant qu'on pense à eux pour des rôles dramatiques ", dit Anne Crémieux.

Les histoires de noirs, ça n'intéresse personne.

Un Rachid Bouchareb ou un Abdellatif Kechiche ont beaucoup contribué à faire bouger les lignes. " Ils écrivent, produisent leurs films eux-mêmes. C'est cela qui fait leur force, dit Marisa Commandeur. Ce sont eux qui ont fait émerger toute une génération d'acteurs d'origine maghrébine. Roschdy Zem peut désormais jouer un Paul ou un Samuel sans que cela fasse tiquer personne. " Selon elle, le salut viendra de la nouvelle génération de réalisateurs ou de scénaristes. Cette année, au Festival de la Fiction TV de La Rochelle, c'est " Danbé, la tête haute ", un téléfilm de Bourlem Guerdjou, qui a été primé. Il raconte l'histoire d'Aya, petite fille devenue championne de boxe : tous les acteurs de l'histoire, noirs, sont inconnus. Comme dans la formidable " Bande de filles ", de Céline Sciamma, sorti récemment au cinéma. En 2008, la productrice du film " Aide-toi le ciel t'aidera " (François Dupeyron) s'était vu fermer bien des portes au prétexte que " les histoires de Noirs, ça n'intéresse personne ". Une timide évolution ? " Beaucoup d'actrices asiatiques ont émigré pour avoir plus de boulot. Moi non. Mécaniquement, je raflerai la mise dans quelque temps sur mon créneau, plaisante Jade Phan-Gia. Vu le temps que ça met, ce sera pour des rôles de grand-mère, mais bon... "

Aux Etats-Unis, mieux vaut être black que latino...

Aux USA, les Afro-Américains sont la minorité la mieux représentée sur les écrans. Ils sont médecins, avocats, PDG. Ou même présidents. Les Latinos et les Asiatiques, eux, restent encore quasi ignorés au regard de leur population. Avec une distorsion étonnante : " Les Noirs sont surreprésentés dans les catégories sociales supérieures. Un peu comme si la télé présentait le melting-pot américain rêvé ", analyse Anne Crémieux. A la fin des années 1960, Bill Cosby révolutionne la télé avec son " Cosby Show ", une des premières séries " noires ", représentant une famille de bourgeois noirs. Le succès est phénoménal. " Même si, aujourd'hui, Bill Cosby est critiqué pour avoir joué l'alibi "Oncle Tom" en endossant le rôle du gentil Noir qui donne bonne conscience aux Blancs. Comme l'a été Sidney Poitier ", poursuit Anne Crémieux. La télé prospère sur ce filon. A Hollywood, les acteurs noirs sont bankables, oscarisables et oscarisés (comme Denzel Washington). Accueilli avec bienveillance, notre Omar Sy national a séduit Hollywood, décrochant des rôles dans " X-Men " ou la suite de " Jurassic Park ". Le film " Intouchables " a en revanche... été accusé de racisme. " Ils n'ont pas la même grille de lecture que nous. En France, il a été vu comme une comédie sur le handicap, aux Etats Unis, comme une histoire entre un Noir et un Blanc. Et le Noir qui danse et qui guérit rappelle ce qu'ils nomment "le Noir magique" qui, comme dans "la Ligne verte", soigne le Blanc. Bref, un cliché raciste ", décrypte Anne Crémieux. Même incompréhension pour " Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? " qui peine à trouver un distributeur américain à cause de ses vannes raciales, inaudibles outre-Atlantique.


Les Etats-Unis, pourtant, ne sont pas non plus avares de clichés ! Lucy Liu s'était ainsi plainte de ne recevoir que des scénarios stéréotypés. Quant à ses homologues masculins... ils n'existent pas. " C'est très étrange, si l'on fait exception du kung-fu, l'homme asiatique est totalement privé de virilité dans la fiction. En général, il est cantonné à des rôles de geek ", déplore Marisa Commandeur. Les chaînes promettent cependant du nouveau. A l'automne 201 4, ABC lance par exemple " Cristela ", la saga d'une famille latino, et, tout début 2015, " Fresh Off The Boat ", adapté du livre autobiographique du chef sino-américain Eddie Huang. Il y raconte son enfance à Orlando, celle d'un gamin d'origine chinoise qui ne rêve que d'une chose : faire du base-ball comme ses copains blancs. Chouette, car en plus, ça a l'air drôle. DB

C'est complètement faux !
Premièrement, il y a peut-être moins de comédiens de couleur que de blancs. Une série tourné aux Antilles comprendra davantage de gens de couleur, naturellement.
Si on est attentif, on remarque qu'au contraire, il y a eu a un moment donné une discrimination positive. Chaque série ou film se devait de coller un black, un heur, un asiatique, voire les trois. C'est systématique.
Et puis, souvent, des comédiens d'origine sont adulés davantage pour leur couleurs que pour leur talent. Ex : Omar Sy, qui est bien gentil, mais bon... Ou encore Jamel et quelques-uns sortis de son Jamel club. Alors discrimination, certainement pas...

Racisme de gauche classique focalisé sur les questions de couleurs de peau.
Les premiers groupes d'origine étrangère en France , toutes générations confondues, restent les portugais, les italiens, les espagnols. Compte tenu du fait qu'il sot en général arrivé avant les migrants plus colorés, c'est la qualité et la quantité de leurs représentants dans le monde du cinéma qui devrait constituer la seule vraie question importante et significative......
Combien de portugais ?

Regardant du bout de l'œil quelque série américano-française, on ne peut que se dire que ces personnages n'ont aucun rapport avec la réalité. Ces femmes fliques aux longs cheveux blonds encombrants, en talons aiguilles, sexy, aux ongles aussi faits que cassants, ces noirs élégantissimes et 100 % irréalistes (et même, hélas, habillés comme des blancs !), et ces autres blondes d'1,80 m, dirigeant des équipes de policiers babas-cools, alors qu'on sait très bien que ni noirs ni femmes ne dirigent (presque) personne... Pourquoi pas un Cheyenne ?
Tout ça prouve qu'on ne peut régir le monde avec des statistiques multipliées par de bonnes intentions. Que l'Obs me pardonne : funeste habitude plutôt "de gauche", née d'une discrimination positive lancée par... Nixon !

je suis surprise de l'analyse faite sur les comédiens de couleurs, mais, sommes nous encore autorisés à les nommer ainsi??
je me faisais la réflexion inverse en regardant nos séries télévisées, il semble que de nombreuses séries ont leur comédien noir, magrébin ,asiatique voire homo
si ceux ci sont bons, pas de problème mais parfois ce n'est pas toujours le cas, aussi, si c'est pour respecter un quota, il serait mieux malgré tout d'en rester au casting précédent.


cessons que faire croire que nous sommes égaux, nous sommes tous des individus différents, et c'est aussi cette différence qui fait la richesse de nos échanges!!

teleobs.nouvelobs.com


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