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Mokobé : "Le problème n'est pas le choc des cultures, c'est la lutte des classes !"

  Société, #

Invité au Forum Ile-de-France de Libération, le rappeur Mokobé s'est fermement opposé à certains propos tenus par Alain Finkielkraut. Lorsque le philosophe parle, l'artiste joue avec ses écouteurs. L'intellectuel lit pendant que l'artiste s'adresse à son auditoire exalté. Explications d'un enfant des quartiers de Vitry.

En guise de conclusion à la conférence, tu as encouragé Alain Finkielkraut à " rester à la maison ". Qu'entendais-tu par-là ?

J'ai simplement voulu ironiser sur le fait qu'il restait ancré dans ses certitudes, que personne ne le ferait bouger sur ses positions. Pas forcément parce qu'on a tort, mais juste parce qu'il pense avoir toujours raison. Si tu viens à un débat, en partant du principe qu'il ne sert à rien de débattre, autant ne pas se déplacer. Je l'ai bousculé. C'est un jeu et il le sait très bien, lui-même est un provocateur. On s'est serré la main après la conférence. Il m'a souri, et m'a dit : " bien joué ". Tout le monde s'attendait à ce que nos positions soient radicalement opposées, que ça " clashe " entre nous. Ça n'a pas loupé. J'ai du respect pour l'intellectuel qu'il est, mais à aucun moment il ne s'est adressé à moi. Pas une fois, il ne m'a regardé ou n'a cité mon nom. C'est comme si je n'existais pas, que je ne valais pas la peine d'être écouté. C'était l'occasion de me faire entendre.

 

On te sent frustré par la teneur du débat... Penses-tu qu'il y a eu amalgame entre cultures, immigration, intégration et même délinquance ?

Je regrette vraiment la tournure qu'a pris la discussion. Avec tout le respect que je lui dois, Finkielkraut a tout de suite engrainé sur les conflits religieux, les tensions ethniques. Il s'est amusé à dresser des successions de faits divers comme étant des phénomènes de société. Quant à la délinquance, elle est autant dans les cités qu'à l'Elysée. Que je sache, ce ne sont pas mes concerts qui sont financés par Kadhafi.

Tu préconises une immigration intégrée, plutôt qu'assimilée ?

En vérité, je n'aime aucun de ces deux termes. Intégration, assimilation... Il y a quelque chose de culpabilisant là-dedans. " L'adaptation ", c'est un concept qui me plaît bien. Quand un immigré vient en France, il parle français, essaye de se faire comprendre. Il participe à la vie sociale. Il s'adapte, dans le respect de son pays d'accueil, mais sans renier sa terre natale.

 

Pour toi, ledit " choc des cultures " n'existe pas ?

Je pense que c'est un faux débat. Moi j'ai vécu dans les quartiers populaires de Vitry. Quand on a commencé à raper avec le 113, on a fait des concerts pour les Français, les Portugais et les Arabes. Le terme de communauté n'était pas insultant. On peut être français, et rester attaché à ses traditions. Quand un immigré paye ses impôts en France, travaille en France et contribue à la vie en société de la France, alors il est français. Point barre. Le problème n'est pas l'existence d'un choc des cultures, c'est la subsistance d'une lutte des classes ! On s'en fout qu'untel mange halal, ou qu'unetelle soit voilée... Ce qui est dramatique, c'est qu'ils soient ghettoïsés dans des quartiers pauvres.

C'est vite oublier les fameux " territoires perdus de la République "...

Ça dépend de ce qu'on remet en cause. L'éducation ou l'immigration ? Je ne veux pas dénoncer des cas isolés. Pourquoi parler de " choc ", alors qu'on peut parler de " rencontre " des cultures ? Les différences sont une richesse.

 

C'est ton rôle de rappeur de le rappeler ?

J'espère qu'on nous voit comme des chroniqueurs sociaux. Si c'est le cas, alors ma venue au Forum a du sens. Les rappeurs sont là pour donner la parole à ceux qu'on fait taire. On est des porte-voix.

Tu sous-entends qu'il existe une culture de dominants, et une culture de dominés...

Il y a une culture d'insoumis, pas de dominés. Mais le rap n'est clairement pas entré dans la culture " acceptable ". Quand tu vois qu'on est les plus gros vendeurs de disques, et qu'on est absent médiatiquement, il y a de quoi se poser des tas de questions.

Comment penses-tu que ta musique ait pu contribuer à la réussite du mélange ?

Comme me l'a dit le ministre malien quand il m'a décoré en 2009 (l'ancien ministre de la culture malienne, Mohamed El Moctar, lui a remis la médaille de Chevalier de l'Ordre National du Mali, NDLR), ma musique a su faire le pont entre deux communautés. C'est aussi simple que ça.

 

Quand tu dis en début de conférence que " l'Afrique est la terre-mère ", ça suscite des réactions plutôt virulentes...

Je savais que j'allais provoquer. Mais ce n'est pas comme si je disais des conneries. L'Afrique est le berceau de l'humanité. Que je sache, les chercheurs n'ont pas trouvé Lucy à Paname. Personne ne peut nier les faits. D'ailleurs, c'est la seule fois que Finkielkraut ne m'a pas donné tort. Mais quand j'entends des bêtises comme : " le mélange et le métissage sont problématiques ", ça me révolte. Il y a de quoi faire des chansons là-dessus. Moi je joue devant des chtis, devant des banlieusards, de toutes les couleurs et de toutes les confessions. Ils ne chantent qu'un seul refrain, tous ensemble et en même temps. La France black, blanc, beur, elle signifiait quelque chose. Ces mêmes mecs qui critiquent le métissage aujourd'hui, étaient les premiers à descendre sur les Champs Elysées en 98.

 

Les références africanisantes dans tes albums (Mon Afrique, et Africa Forever sortis chez Sony Music), ont-elles pu participer à ton succès ? La jeune communauté africaine de France a pu se sentir concernée...

Peut-être sur Mon Afrique, parce que j'ai voulu casser les clichés médiatiques sur ce continent triste et pauvre. Ça parle à certains jeunes de quartiers populaires. Mais les featurings avec Youssou n'Dour ou Salif Keita sont des hommages rendus. Je ne m'attendais même pas à ce que ces artistes si chers à mes parents acceptent mes sollicitations. Mon prochain disque ne sera pas une suite d 'Africa Forever. Je n'essaie pas de tirer sur une corde sensible. J'étais fier de mes collaborations, tout comme je suis fier de mes origines. Ça ne veut pas dire que je renie la France, ou que je ne m'adresse qu'à une seule partie de la population française. La preuve, avec le 113, on a vendu trois millions de disques...

 



Source : www.liberation.fr


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