Devenez publicateur / Créez votre blog


 

" Necktie Youth ", portrait sans concession d'une jeunesse sud-africaine

  Culture & Loisirs, #

Tourné à force de détermination, sélectionné dans les plus prestigieux ateliers de festival que sont Final Cut Venise (Mostra de Venise) et Open Doors (Festival du Film de Locarno) d'où il repartait toujours avec les encouragements du jury (Mention spéciale à Locarno) mais sans financements, Necktie Youth est le premier long-métrage d'un réalisateur, Sibs Shongwe-La Mer, 24 ans, et d'un producteur, Elias Ribeiro, 32 ans.

Deux hommes doués dont le travail, l'audace et la fraîcheur vont aujourd'hui porter ses fruits.

Necktie Youth, c'est l'histoire en noir et blanc d'Emily, Jabz, September, Nikki, Tanya, Matty, Tali et Rashi. Des Sud-Africains noirs et des blancs, filles et garçons, homos et hétéros. Des jeunes de la banlieue chic de Johannesbourg qui se défoncent à longueur de journée à défaut d'avoir des projets d'avenir.

Contée par le réalisateur Sibs Shongwe-La Mer en personne, tel un journal intime désabusé, l'histoire se déroule en 2014 sur fond de musique rock au moment où une ado se suicide en direct sur Internet. Des images en Super 8 renvoient le spectateur à des jours meilleurs, colorés. A l'insouciance de l'enfance, et aux prémices d'une nouvelle nation arc-en-ciel.

Depuis les années 2000, l' Afrique du Sud s'est positionnée mondialement avec un Ours d'argent à Berlin ( U-Carmen eKayelitsha de Mark Donford-May, 2005) et un Oscar ( Tsotsi de Gavin Hood, 2006). Pourtant, son industrie, majoritairement constituée de films commerciaux, n'avait pas encore donné naissance à la finesse d'un cinéma d'auteur tel que Sibs Shongwe-La Mer nous propose.

Jeunesse dorée post-apartheid

Depuis l'entrée de la télévision dans les foyers, l' Afrique dans sa grande majorité est exposée à une occidentalisation (américanisation ?) redoutable auxquels les pays anglophones sont les premiers exposés.

Il suffit de se rendre dans les boîtes de nuit des capitales africaines pour voir à quel point les tenues vestimentaires des clips de MTV ont trouvé un relais, voire une revendication, auprès de la jeunesse en mal de modèles cool et fashion qui font rêver.

" L'Afrique 3.0 " telle que mise en scène par des magazines, des sites Internet et des projets audiovisuels des années 2010, est à cette image. Une Afrique moderne, connectée au monde, adaptant les codes traditionnels de la société par le prisme d'une occidentalisation revendiquée.

En somme, une Afrique plus facile d'accès pour ceux qui n'en ont pas les codes. L'Afrique du Sud avait alors, dans ce domaine, largement devancé le reste du continent. C'est là qu'intervient Necktie Youth, la pertinence de son propos et la sonnette d'alarme tirée par son auteur.

Sibs Shongwe-La Mer fait partie de cette jeunesse dorée post-apartheid, présentée dans Necktie Youth, qui a grandi dans les quartiers chics de Johannesburg et a été frappée des mêmes maux que les Kids de Larry Clark dans le New York des années 1990.

Une jeunesse percée, tatouée, et branchée qui, ne supportant pas les attentes familiales et sociétales - qu'est ce que la Rainbow Nation lorsqu'une ado demande à un autre s'il a déjà couché avec une Blanche ? Si un Noir se fâche lorsqu'un Blanc l'appelle " bro' " (frère) ? - se gâche à travers la consommation de drogue, de sexe, d' alcool, voire d'overdose ou de suicide.

Sibs Shongwe-La Mer porte avec finesse et humour un regard sur ce qui l'entoure. L'errance et les déviances des gens de son âge, leurs interrogations par rapport à l'avenir, la mort et la société. Par l'usage du noir et blanc et du Super 8 couleur, sa narration se déploie entre plusieurs personnages désaxés, qui nous mènent, dans l'ensemble, vers une seule et même constatation : l'occidentalisation à outrance n'est peut-être pas la solution.

Si grâce à son industrie cinématographique, l'Amérique a réussi à imposer sur tous les écrans du monde la coolitude de sa culture, l'Afrique du Sud dépeinte par La Mer en est le rejeton raté. Un rejeton qui adopte ses codes vestimentaires et langagiers tout en dissimulant un réel trouble d'identité.

Car l'africanité de ce pays devrait aller bien au-delà de son nom et de son implantation sur le continent africain. Dans la fierté plus que la honte. La revendication plus que l'assimilation. Et c'est ce que Sibs Shongwe-La Mer propose : quelque chose de différent.

Cela faisait quelques années donc (depuis Beauty d'Oliver Hermanus, 2011) que l'Afrique du Sud n'avait pas produit un film à l'image de sa société. Détaché de la violence physique mais dont la violence mentale n'en est que plus féroce. Un film dans lequel Noirs et Blancs, Occidentaux ou Africains, peuvent appréhender la complexité de leurs rapports.

Ou les codes cinématographiques et langagiers américains ont été ingérés mais où la complexité post-apartheid est enfin révélée. " Il n'y a eu qu'un seul Mandela ", regrettent dans le film les parents de Jabz en lisant dans la presse les affres du gouvernement Zuma. Un seul Mandela. Mais peut-être d'autres Necktie Youth.

Necktie Youth, de Sibs-Shongwe-La Mer - 2014 - 93 minutes.

Projection à la Berlinale vendredi 13 février à 21h30 (Zoo Palast 1).

Sortie sud-africaine prévue en 2016.

lemonde.fr


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
Thegoodlife
Partagé par : Thegoodlif...@Martinique
La grandeur d'un homme se reconnaît pas son travail
VOIR SON BLOG 56 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

56
Publications

11848
J'aime Facebook sur ses publications

177
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.