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Pourquoi les Africains boudent-ils un documentaire sur les violences en RDC ?

  Société, #

Des mères violées par leur fils, gâchette sur la tempe, des fillettes de quelques mois abusées par des miliciens. Ce sont, entre autres, toutes ces vies déchirées que le docteur Denis Mukwege, gynécologue et militant des droits de l'homme, répare au Kivu, dans l'est du Congo démocratique. Cet engagement lui a valu plusieurs distinctions dont le prix Sakharov en 2014 et le prix des droits de l'homme des Nations unies en 2008.

Le réalisateur belge Thierry Michel a consacré un documentaire poignant au gynécologue : L'Homme qui répare les femmes-La Colère d'Hippocrate. Legouvernement congolais vient d'en interdire la projection. Pourquoi refuser aux Congolais de voir les viols et atrocités commis dans l'est du Congo ? Parce que le film " porterait atteinte à l'honneur de l'armée " congolaise ? La vraie question à se poser est de savoir si ce film trouvera son public au Congo. Sans doute.

En Suisse, il y a quelques semaines, j'ai pu revoir ce documentaire dans le cadre d'un festival de cinémas d' Afrique. La projection a eu lieu dans une salle conçue pour n'accueillir qu'une cinquantaine de personnes. Il y en avait pourtant plus du double. Et parmi la foule, deux hommes seulement ! Mais là où ma surprise fut grande, c'est qu'il n'y avait que trois Africains noirs, dont une dame venue exclusivement pour la promotion de ses produits Wax, et moi.

 

Les Africains brillent par leur absence

Pourquoi les Africains brillent-ils par leur absence lors de festivals labélisés africains ou de telles séances cinématographiques révélant une part sombre, certes, mais irréfutable de la réalité de l'Afrique ?

Le cinéma ou même la littérature sont-ils des arts trop élitistes pour les Africains ? Je ne saurais répondre par un simple oui ou non à cette question. Ce dont je me souviens, en revanche, c'est que dans mon enfance à Douala dans les années 1990, les caravanes cinémas avaient le vent en poupe, les salles vidéo étaient toujours pleines de jeunes friands de cinémas (quoique indiens, américains ou chinois). Je crois plutôt que le cinéma à faibles coûts a quelque chose de populaire au Cameroun et en Afrique en général.

Peut-on arguer du prix à payer pour une séance ciné ? La projection du documentaire coûtait 8 euros. Est-ce donc si cher pour décourager les Africains pourtant bien nombreux à Lausanne ou Genève ? Est-ce donc si cher en comparaison avec les sommes dépensées pour la fête et la sape dans les clubs labélisés africains ?

Je crois que la réponse à la question de l'absence des Noirs à ce type de projection en Occident se trouve dans la honte. Nous avons honte de voir qu'un documentaire, qui plus est tourné par un Blanc, nous renvoie une image terrible d'une partie de notre cher continent. Nous avons honte des images de nos femmes et mères violées. Nous avons honte des images de nos enfants-soldats. Nous avons honte des images de nos bidonvilles. Nous avons honte des images de nos fillettes excisées, de notre " pauvreté ".

 

Regarder la réalité en face

Combien de fois ai-je entendu dans la bouche de mes camarades de la diaspora africaine que tous ces documentaires sur l'Afrique, réalisés par des Blancs, étaient condescendants, dépréciatifs et mensongers ? Plus malhonnête, on ne peut pas !

Je n'ai pas honte de mon Cameroun natal. Je n'ai pas honte de l'Afrique et de ses problèmes. Je n'ai même pas honte de mes feuilles de bananier ! Je pense faire partie de la génération qui assume le Cameroun (et l'Afrique) avec ses bons et ses mauvais côtés. La génération qui assume sa part de responsabilité et qui croit à l'action par le bas.

Que le gouvernement congolais interdise L'Homme qui répare les femmes est une vilenie qui n'étonne pas outre mesure. Mais que les Africains de la diaspora boudent ce film laisse songeur. Louanger la surchauffe économique du continent est une chose que de nombreux économistes " spécialistes Afrique " font déjà avec brio. Ne devons-nous pas également regarder en face ce qui ne va pas ?

Max Lobe, né à Douala en 1986, est un écrivain d'origine camerounaise installé en Suisse. Il a notamment publié L'Enfant du miracle (éd. des Sauvages, 2011), 39, rue de Berne (éd. Zoé, 2013) et La Trinité bantoue (éd. Zoé, 2014).



Source : www.lemonde.fr


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