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Quand Vanessa s'en mêle : le Brexit vu par une Antillaise installée à Londres

  Politique, #

Silence total dans les transports. On croirait qu'un attentat où une catastrophe naturelle s'est abattu sur ma ville d'adoption. Arrivée au boulot, mes collègues sont en larmes. Oscar, 22 ans, bénévole le jour d'avant pour inciter ses concitoyens a voter "Remain" me dit avec gravité que son pays, comme il l'a toujours connu n'existe plus. Ma collègue, qui a un fils de 18 ans, se désole qu'il ne puisse jamais bénéficier de la liberté et des privilèges dont elle ou ses fils aînés ont joui. Plus d'Erasmus, plus de possibilités de facilement travailler dans 27 autres pays d'Europe.

 

Le Royaume-Uni ne l'est plus du tout. Une division se fait sentir et pour la première fois, je me sens étrangère dans un pays que j'ai fait mien. Les votes pour quitter l'Union Européenne contrairement a ce que les médias propagent ne sont pas qu'une question d'immigration mais plus une question de nostalgie de l'impérialisme britannique. Les britanniques estiment que s'ils ne contrôlent pas l'Europe, ne sont pas les leaders, ils préfèrent ne pas en faire partie. Ils estiment que leur souveraineté nationale ne devrait être en aucun cas mise a mal par des administratifs, non élus à Bruxelles. Beaucoup pensent honnêtement que sans leur pays, l'Europe échouera, qu'il y aura des guerres et qu'ils ont plus à offrir qu'à recevoir. Mais comme moi, beaucoup ne s'imaginait pas qu'il sortirait vraiment de l'Europe. Même ceux qui on voté "leave". Ils pensaient que ce serait quelque chose dont ils se vanteraient a l'apéro entre amis pour se positionner comme rebelle. Peu d'entre eux envisageaient les réelles conséquences de leurs votes. Beaucoup ici, le regrette.

Londres est une ville à part. Si bien qu'on pense être dans une bulle qui reflète l'intégralité du pays. A mon restaurant, le chef est letton, la serveuse italienne, les barmans français. Je suis Antillaise. J'ai quitté mon île pour m'ouvrir au monde et goûter aux plaisirs du trans-culturalisme. La capacité de m'enrichir au contact de toutes ses personnes et de les enrichir en retour. De vivre une vie ou les us et coutumes s'entremêlent et où l'identité est multidimensionnelle. Pour moi être à Londres, c'est goûter au monde. Un échantillon de l'Europe toute entière et quitter cette ville me briserait le cœur. Il y a une expression qui dit que quiconque est fatigué de Londres, est fatigué de vivre.

J'y crois fortement, Londres est addictive. Certains de mes amis sont prêts à laisser tomber leur nationalité et demander la citoyenneté britannique, d'autres pour la plupart britanniques eux-mêmes s'interrogent sur la pertinence de rester dans leur propre pays qui selon eux s'appauvrira en sortant de l'Europe. Ils évoquent Berlin, Barcelone mais nous savons tous la même chose : Londres ne sera plus la même sans ses épiceries polonaises où l'on trouve les meilleurs saucisses, sans son fromage français, son vin italien, ses raviolis lituaniennes et ce sentiment de voyager sans bouger lorsque dans la même rame de métro une cacophonie de langues mêlées s'élève.

Beaucoup d'Antillais comme moi se sont installés ici. La mère patrie nous a montré peu d'amour. Les promesses républicaines françaises qui nous ont été rabâchées sous les tropiques sans réelles pertinences et provoquant souvent une double absence, et pour certains des troubles identitaires, ont été réparées par un pays où la différence est célébrée, où la singularité culturelle est un atout et où être Antillaise n'est pas attaché à des clichés doudouistes ou tout simplement racistes. Londres nous a libéré, nous a montré que ce plafond de glace qui nous empêchait de poursuivre notre ascension professionnelle que nous désirions et méritions en France pouvait être brisé. Elle nous a montré que nous pouvions exceller sans complexes, se mélanger et échanger sans craintes. C'est pour ça que je suis triste. Mes neveux et cousins encore aux Antilles auxquels je vantais les avantages de cette ville et que j'invitais à rejoindre pour leur études n'auront pas la chance que j'ai eu. Ils ne pourront certainement pas y venir construire leur avenir comme j'ai pu le faire.

Une porte de plus s'est peut-être fermée pour eux et ce qui m'attriste le plus c'est que Londres comme je l'ai connu ces 11 dernières années, qui s'est relevée après la crise financière et les attentats terroristes ne sera plus jamais la même. Mais j'ai confiance dans le peuple Anglais et bizarrement, j'ai le sentiment qu'ils s'arrangeront pour faire de ces évènements, une opportunité. Pour l'instant je ne bouge pas. Londres m'a toujours étonné et j'attends de voir à quel point malgré ce coup dans l'aile, elle rebondira. A suivre...



Source : Mediaphore


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