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Rokhaya Diallo : " À la télévision, j'ai l'impression d'être un élément perturbateur "

  Culture & Loisirs, #

Rokhaya Diallo : J'étais déjà engagée dans la lutte altermondialiste et féministe avec ATTAC et Mix-Cités. La décision de créer Les Indivisibles est venue à cause du contexte politique. En 2004, il y a eu les débats sur le voile à l'école. Franchement, cela m'a choquée. Je ne comprenais pas. Je regardais la télévision et j'avais l'impression d'être envahie par des filles voilées. Tout le monde en parlait, sauf les premières concernées. Cela avait pris un espace incroyable dans les médias alors qu'il n'y avait, en France, qu'une centaine de cas conflictuels. Après il y a eu les révoltes en 2005 et le traitement médiatique m'a outrée. Encore une fois, c'était les experts blancs qui venaient parler de la banlieue alors qu'ils ne traversaient jamais le périphérique. Alors qu'on nous avait rebattu les oreilles sur la laïcité, Nicolas Sarkozy avait appelé des responsables musulmans à émettre une fatwa pour faire cesser les révoltes ! Tout cela m'a fait dire qu'il fallait vraiment qu' on reprenne la main sur l'expression médiatique.

Les prises de position des Indivisibles concernant l'islam ont été à plusieurs reprises des motifs de polémiques, en quoi différez-vous des associations antiracistes classiques ?

Comment définissez-vous le racisme systémique ?

 

Rokhaya Diallo : Le racisme ne relève pas d'une question morale et individuelle. Ainsi, comme l'esclavage était immoral, il a fallu à une époque montrer que les Africains étaient inférieurs : on a alors produit toute une pensée religieuse et pseudoscientifique qui a accompagné la mission civilisatrice de la colonisation. Cela fait partie de l'Histoire de la République et imprègne encore la mentalité politique française. Mes parents avaient le statut d'indigènes ; en l'espace d'une génération, faire le saut et déclarer " Je suis française ", c'est extrêmement choquant pour certains ! Il existe un mécanisme qui fait que, systématiquement, dans les sphères du pouvoir il n'y a que des hommes blancs. Même dans des milieux plutôt de gauche et antiracistes comme l'université et les médias, on ne parvient à ne recruter que des Blancs. Si on ne fait rien pour casser cette dynamique, rien ne changera !

Comment, dès lors, combattre ce racisme systémique ?

Selon vous, quel rôle peuvent jouer les réseaux sociaux dans la revendication antiraciste ?

Jeune, femme, noire, musulmane et issue de la colonisation, n'avez-vous pas l'impression de cristalliser tous les stigmates ?

 

Rokhaya Diallo : Je crée un inconfort parce que, quand on est issue d'une minorité et qu'on apparait à la télévision, on doit servir à colorer la photo de famille. J'ai l'impression d'être un élément perturbateur. Les gens qui me rencontrent sur les plateaux de télévision me perçoivent comme quelqu'un d'ingrat : " Elle est là avec nous, on lui fait une place, de quoi se plaint-elle ? " On perçoit mon discours comme étant très radical, mais c'est la composition des plateaux qui donne l'impression que je suis la seule à penser ce que je dis en France. Invitée à " C à vous ", je me suis rendu compte après coup que pendant toute l'interview il était écrit : " Qui est Rokhaya Diallo ? ". Surprenant, non ?

Au quotidien, quel est votre rapport à la spiritualité ?

Établissez-vous une distinction entre afro-féminisme et féminisme islamique ?

 

Rokhaya Diallo : Ce sont des féminismes qui ont les mêmes ressorts. Il s'agit de s'affranchir de la vision univoque du féminisme majoritaire qui a tendance à penser que les luttes sont exactement les mêmes pour toutes les femmes. Dans l'afro-féminisme, on veut faire reconnaître certains traits ou caractéristiques physiologiques comme beaux. Il a en commun avec le féminisme islamique le fait de puiser dans des références culturelles propres. Les militantes musulmanes vont chercher dans le Coran des sources d'avancement pour le droit des femmes. Je me sens proche de toutes ces femmes. Je ne saurais trop me définir, je suis un peu à la croisée des chemins.

 

Première parution de cet article dans Salamnews, n° 56, février-mars 2016.



Source : SaphirNews.com | Quotidien musulman d'actualité


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