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Rokhaya Diallo : La France est une mère-patrie qui ne reconnaît pas une partie de ses enfants

  Société, #

Après avoir fondé Les Indivisibles, association de lutte contre les préjugés ethno-raciaux, Rokhaya Diallo est devenue journaliste (RTL, Canal+...) et réalisatrice ( Les marches de la liberté, Les réseaux de la haine).

Elle a créé et présenté le magazine Egaux mais pas trop. Membre de l'ENAR (European Network Against Racism), mouvement antiraciste européen, elle a également publié Racisme mode d'emploi (2011), Comment parler du racisme aux enfants (2013). C'est une militante en veille sur l'ensemble de ces questions.

Quels sont vos espoirs et vos craintes après la vague d'attentats qui a frappé la France ?
Je pense évidemment aux victimes et à leurs familles dans l'épreuve qu'elles endurent. Pour le reste, j'avais des craintes sur le fait qu'on place une partie de la population sur le banc des accusés. Ça a commencé avec Nicolas Sarkozy dans un entretien sur RTL qui a distingué " l'islam en France " de " l'islam de France ".

 

Très honnêtement, j'ai le sentiment qu'on refuse de comprendre que le problème qui s'est produit aujourd'hui est un problème français. Ce sont des gens qui sont nés en France. Ils ont grandi en France. Ils ne revendiquent pas des valeurs ni un islam qui leur ont été transmis par leurs familles. Cet islam est au contraire la production de notre modernité et d'éléments qui circulent sur Internet. C'est la France qui a permis l'avénement de ces drames, à force de déni et de politique de l'autruche. Il y a dix ans, une partie de la jeunesse s'est soulevée dans les quartiers populaires et pas seulement à Clichy-sous-Bois, mais dans toute la France, pour protester contre la relégation et l'injustice sociale, les violences policières etc. Les policiers qui sont à l'origine de la mort de Zyed Benna et de Bouna Traore (le 27 octobre 2005) n'ont pas été sanctionnés. Et ça, c'est le meilleur moyen d'installer du ressentiment chez une partie de la population.

 

Il n'est pas question de trouver des excuses ou des justifications à ce qui s'est produit la semaine dernière, mais on est obligé de s'interroger sur la manière dont notre pays produit des gens désespérés au point de ne voir leur salut que dans la production de massacre. Notre pays est malade : la France est une mère-patrie qui ne reconnaît pas une partie de ses enfants.

 

Dans ces cas là, quand on n'a pas l'attention de ses parents, on va se chercher d'autres parents... Et parfois ces parents, ce sont des extrémistes qui encouragent des actes abominables. C'est ce qui s'est produit.

 

Quelles mesures devrait on-prendre pour lutter contre ces extrémismes ?
D'abord cesser d'être dans le déni. La France s'est toujours vendue comme un pays qui vit en harmonie avec ses minorités. Mais je suis désolée, il y a eu une marche pour l'égalité en 1983 : il ne s'est rien passé après. Il y a eu des émeutes aux début des années 90 : il ne s'est rien passé après. Puis des révoltes en 2005, en 2007, en 2009... Toujours rien.

 

Il n'y a pas eu de réponse politique à toutes ces expressions de colère, de rage parfois, qui ont été manifestées par les habitants des quartiers populaires. De façon concrète, je pense qu'il faut vraiment adopter aujourd'hui une vraie politique d'égalité. La crise économique creuse les inégalités entre les citoyens. François Hollande a été élu sur un programme de gauche mais il ne montre aucun signe d'intérêt pour les populations les plus fragiles, or la pauvreté est l'un des terreaux de ce type de comportement. Tant qu'il y aura des inégalités criantes, l'existence de discriminations économiques et politiques, on donnera des arguments pour séduire les personnes les plus instables psychologiquenemt, les plus fragiles et les plus enragées.

 

En 2011, lorsqu'un cocktail molotov avait été lancé sur les bureaux de Charlie Hebdo, vous aviez signé l'appel " Pour la défense de la liberté d'expression, contre le soutien à charlie hebdo ! ", pourquoi ?
Quand j'ai signé cet appel en 2011, je m'étais exprimée avec des mots et j'avais fait un usage simple de ma liberté d'expression. Les journalistes de Charlie Hebdo sont morts parce qu'ils ont usé de leur liberté d'expression. C'est faire injure à leur mémoire de me reprocher de faire usage de la mienne.

Je suis assez étonnée de cette chasse aux sorcières qui commence à s'organiser contre ceux qui ont été critiques à l'égard de Charlie Hebdo, cela m'inquiète. On vit dans un pays démocratique, les débats ne doivent pas être censurés.

 

 

 

telerama.fr


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