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Roman du retour au pays natal, version sud-africaine

  Société, #

 

Difficile de raconter le nouveau roman de la Sud-africaine Zoë Wicomb. Octobre est un récit lyrique de rétrospection, de plongée dans les tréfonds et les complexités des âmes humaines, sur fond d'une Histoire dramatique de domination, de racisme institutionnalisé et de combats pour la liberté. Sa narration est construite autour de trois thèmes : retour au pays natal, déracinement et secrets de famille. Ce livre se veut passerelle entre les deux continents, l'Afrique et l'Europe, où se noue et se dénoue l'action dans un processus de va-et-vient constant, riche en dialogues et en conflits.

Théoricienne et romancière

Ce processus fonde l'écriture de Wicomb qui est métisse et dont le vécu sud-africain diffère profondément de celui des Blancs et des Noirs. La schizophrénie métisse est le véritable sujet de la fiction de cette romancière sud-africaine. Celle-ci a gagné la reconnaissance internationale dès 1987, avec la publication de son premier recueil de nouvelles " You can't get lost in Cape Town " (Une Clairière dans le bush, Le Serpent à plumes, 2000), qui lui avait valu des critiques très élogieuses dont les louanges de Toni Morrison et de Coetzee, tous les deux réputés pour la sévérité de leurs jugements sur leurs confrères contemporains.

 

Née il y a une soixantaine d'années dans le Namaqualand (anciennement Province occidentale du Cap), Zoë Wicomb vit en Ecosse depuis les années 1970. Théoricienne de la littérature postcoloniale qu'elle enseigne dans une université écossaise, elle a aussi écrit deux grands romans sur ce thème ( David's story, 2000 et Playing in the Light, 2006) qui jettent des éclairages inattendus et sans conformisme aucun sur l'héritage de l'apartheid et la question de l'identité raciale. Des questions sur lesquelles l'auteure revient dans son nouveau roman, à travers le regard d'un personnage métis, quasi-autobiographique, tiraillé entre ses deux pays (Ecosse et Afrique du Sud), deux identités (femme et fille) et deux mythologies (métissage et apartheid).

Secrets de famille

La protagoniste du roman Mercia Murray est Sud-africaine et professeur de littérature à Glasgow où elle vit depuis vingt-cinq ans. Le roman raconte la crise de la cinquantaine que traverse l'héroïne, une crise existentielle doublée de sa séparation d'avec Craig, son partenaire de deux décennies. La narration s'ouvre sur cette crise de séparation (" Mercia Murray est une femme de 52 ans qui vient d'être quittée... "). En partie pour soigner son cœur brisé, mais surtout en réaction à une lettre qu'elle vient de recevoir de son frère malade en Afrique du sud, Mercia retourne à Kliprand, dans le Cap occidental où elle a grandi et où vit encore sa famille.

 

On est au mois d'octobre. C'est l'automne en Ecosse et le printemps en Afrique du sud. Or pour Mercia la revenante la promesse du renouveau n'est pas au rendez-vous. Elle va d'espoirs en déconvenues et découvre le déclin de sa famille devenue une famille dysfonctionnelle. Elle peine à établir la communication avec Jake, son frère alcoolique et agonisant d'une cirrhose de foie, alors que sa jeune épouse se confond en remontrances contre son mari qui a renoncé depuis belle lurette à faire ses devoirs envers sa femme et son fils. Si en tant que féministe et femme abandonnée, Mercia se sent en empathie avec sa belle-sœur, elle ne parviendra jamais à gagner sa confiance. C'est tout juste si celle-ci accepte de lui confier Nicky son fils de trois ans pendant qu'elle vaque aux affaires de la ferme.

Ce retour au chevet de sa famille malade est aussi un prétexte pour la protagoniste de replonger dans son histoire familiale et nationale où se trouve la clef de la dégradation des Murray. A travers ses dialogues pour l'essentiel " confrontationnels " avec son frère, elle parvient à appréhender les ombres qui continuent de planer sur sa famille, notamment celle de son père autoritaire et cruel. Elle comprend que la sévérité excessive de Nicolas Murray n'était pas étrangère à la révolte de son fils Jake qui a très tôt rejeté l'idéal masculin imposé par son père et a sombré dans l'alcoolisme. D'autres secrets de famille font surface permettant à Mercia de mieux comprendre les défaillances de son frère et de le considérer avec une plus grande empathie et compréhension.

Octobre est un roman d'une forte densité d'analyse psychologique et émotionnelle. C'est aussi un grand roman postcolonial où la réintégration du sujet colonisé à son pays natal passe aussi bien par le retour physique que par l'acceptation de ses propres défaites et leur dépassement.

Octobre, par Zoë Wicomb. Traduit de l'anglais par Edith Soonckindt. Paris, Editions Mercure de France, 2015. 290 pages. 23 euros.

 

Source : www.rfi.fr


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