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Romans - Mengestu, Clark, Deram : l'Ouganda, le Zimbabwe et Djibouti

  Société, #

 

Tous nos noms, de Dinaw Mengestu. Traduit de l'anglais par Michèle Albaret-Maatsched (Albin Michel, 336 p.). © Julien Chatelin

Dinaw Mengestu et les fantômes de l'Ouganda

 

Découvert par Les belles choses que porte le ciel, prix du Premier Roman étranger en 2007, Dinaw Mengestu, né en Éthiopie en 1978 et élevé aux États-Unis, où il vit toujours, mêlait dans ce premier livre saudade et humour pour raconter les frottements de classes sociales et de peau entre les immigrés africains et les Américains. Avec Tous nos noms, le troisième, il déploie et approfondit son talent à faire glisser les masques des identités toutes faites. Isaac, jeune Éthiopien, arrive mystérieusement de Kampala jusqu'à Laurel, bourgade du Midwest encore bien raciste. Helen, l'assistante sociale qui l'aide à s'y intégrer, en tombe folle amoureuse et découvre les difficultés de leur couple mixte dans l'Amérique profonde. Tous deux se dévoilent au lecteur dans l'alternance de leurs récits respectifs, celui d'Isaac venant répondre aux interrogations de Helen. Champ contre champ. " David pense que, pour m'en raconter si peu sur toi, tu as dû commettre une chose épouvantable avant de venir ici. Je ne lui ai jamais avoué que j'avais des doutes sur ton identité ", confie-t-elle à Isaac. Quelle histoire se cache en chacun de nous ? Celle d'Isaac porte en effet en elle la tragédie collective d'une génération qui a cru pouvoir changer le destin de l'Ouganda, sans, hélas, éviter les bains de sang. Elle est marquée par ce " frère " africain, rencontré à l'université et devenu leader révolutionnaire, et par la relation, bouleversante, de ces deux jeunes qui n'ont pas forcément la même vision de l'engagement. " Je n'avais aucune conviction vers laquelle me tourner, confie Isaac, aucun point d'ancrage auquel me raccrocher pour affirmer : Voilà pourquoi je suis ici, c'est pour ça que je suis prêt à me battre. " Mengestu se montre aussi fort pour éclairer un contexte historique peu connu des relations entre les États-Unis, l'Angleterre et les pays d'Afrique juste après les indépendances qu'à creuser, sur le plan intime et social, les sentiments unissant ces deux personnages. Dans l'ombre ineffaçable du troisième.

Les douze portes dans la maison du sergent Gordon, de George Makana Clark. Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Cécile Chartres et Elisabeth Samama (Anne Carrière, 350 p.). © Rorrie-Anne Clark

La claque Makana Clark

 

La Rhodésie, devenue le Zimbabwe pour sa partie sud, a traversé l'un des pires régimes coloniaux qui soient. George Makana Clark, qui y a grandi, donne la mesure de sa cruauté, mais son premier roman est aussi un chant d'amour. On y voit les femmes d'un village rasé par les missionnaires retourner chaque jour à la rivière, au péril de leur santé tant est dur le chemin depuis la réserve où elles ont été déplacées. Mais c'est là qu'elles se renforcent, dans l'imaginaire du pays porté par la nature. Voilà l'une des scènes qui ont marqué la jeunesse de Gordon, héros des Douze Portes, dont l'histoire nous est contée à rebours, celle d'un enfant blanc qui a du sang noir - ce qu'il faut cacher en cette fin des années 50 -, et de son initiation au pays de son aïeule xhosa, qui savait " lire dans le sang ". Gordon a grandi au coeur des histoires du peuple shona qui se transmettent intactes et le portent comme elles portent ce livre à la construction complexe, aux phrases parfois inextricables, si visuellement insoutenables qu'on est contraint d'arrêter la lecture, avant de la reprendre et d'y rencontrer une force poétique de plus en plus envoûtante. L'auteur a sa terre dans le sang, il y plonge sa plume pour en faire partager le pire et le meilleur. Sans compromis.

Djibouti, de Pierre Deram (Buchet Chastel, 114 p.). © Héloise Jouanard

Deram, dernière nuit à Djibouti

 

Pourquoi Djibouti ? Pierre Deram, 26 ans, polytechnicien, y a partagé le quotidien d'un régiment de l'armée de terre. " Pays de malheur ", dit le capitaine, " pays sublime ", corrige son héros, le lieutenant Markus. Ce livre narre ses adieux à la ville, rue de l'Éthiopie, là où " l'ivrognerie et la tension sexuelle étaient partout palpables ", jusqu'au bout de cette dernière nuit qu'il traverse en se remémorant les histoires rapportées par les militaires : homosexualité façon légionnaire, " le treillis à mi-cuisse, le cul pollué de foutre " ; fellations qu'à travers un grillage de jeunes Tchadiennes font aux soldats. " Toute cette jeunesse perdue "... De bar en bar, Markus croise une femme de colonel en deuil, Thérèse, qui boit à la mort de son chien, début d'une scène hallucinante. Et celle du " combat de têtes ", où les hommes aiment se faire mal et sentir d'où ça vient, donne des pages à couper le souffle de brutalité. " Pourquoi tu es venu ici, que cherchais-tu ? " demande le capitaine au lieutenant. " Le soleil, je crois. " Soleil noir comme la mélancolie qui le ronge et se dissout dans ce décor où " la beauté jouxte la violence ". Si le tout début de ce premier roman fait redouter les clichés, l'écriture ardente de Deram s'impose vite, ses éclats révélant un vrai tempérament d'écrivain.



Source : afrique.lepoint.fr


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