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Théâtre - Gustave Akakpo : renaissance écossaise d'un auteur togolais

  Culture & Loisirs, #

 

Non, Avignon n'est pas " le plus grand théâtre du monde ". Face aux plus de 3 000 spectacles présentés cette année dans le Fringe - équivalent du Off, créé en 1947 en parallèle du festival international d'Édimbourg - les 1 336 spectacles qui ont investi en juillet 2015 les moindres recoins de la cité des Papes font pâle figure. Au sens propre comme au figuré : comme nous le disait Aline Gemayel, directrice de l'association Tamam, le metteur en scène et fondateur de la Compagnie du veilleur Matthieu Roy estime qu'" Avignon a toujours été très franco-français, aussi bien dans le In que dans le ". Et il est bien placé pour le dire. Après avoir présenté à la Manufacture - dans le Off, donc - La Conférence et Un doux reniement de Christian Pellet en 2012, son Même les chevaliers tombent dans l'oubli du Togolais Gustave Akakpo a été programmé dans le In en 2014. En la recréant cette année au Fringe sous le titre Skins and hoods - littéralement " Peaux et capuches ", pour éviter de rajouter un chevalier à tous ceux qui peuplent les légendes nationales - avec une distribution écossaise, Matthieu Roy espère donner à cette pièce une seconde vie. Plus étendue dans la durée et dans l'espace.

L'acteur Thierry Mabonga dans Même les chevaliers tombent dans l'oubli ("Skins and Hoods") à l'Institut francais d'Edimbourgh à l'occasion du Fringe Festival 2015. © Albie Clark

La jeunesse européenne en question

Sans le Fringe, le théâtre de Gustave Akakpo - auteur d'une quinzaine de pièces en français, dont Chiche l'Afrique qui l'a fait connaître en France en 2010 - aurait sans doute mis du temps avant d'être traduit en anglais. La Compagnie du veilleur fait donc davantage que de promouvoir à l'étranger un texte qu'elle a produit : elle fait entrer sur la scène britannique un auteur. Tantôt ancrée dans son Togo natal ou dans un contexte africain plus large, tantôt dans l'Europe et ses flux migratoires, l'écriture tragi-comique et pleine d'oralité de l'auteur togolais a, selon Matthieu Roy, " autant à dire à un public anglo-saxon qu'à un public français, surtout en ce qui concerne l'identité et le rapport aux origines que Gustave Akakpo interroge dans la plupart de ses pièces ". La présence du public à l'Institut français d'Écosse, qui avait déjà accueilli la Compagnie du veilleur en 2013 avec sa recréation en anglais de Prodiges® de Mariette Navarro, lui a donné raison. Reste à savoir si le jeune public anglo-saxon sera sensible à Skins and hoods. Histoire de deux enfants - un Noir et une Blanche - qui, pour échapper à leur identité, décident de changer de peau, Skins and hoods a en effet ouvert pour la Compagnie du veilleur le cycle " Visage(s) de notre jeunesse ", qui s'est poursuivi avec Martyr de Marius von Mayenburg et Days of nothing de Fabrice Melquiot. Mais " les compagnies proposant un travail exigeant pour la jeunesse étant assez rares dans le monde anglo-saxon, explique Matthieu Roy, nous avons préféré éviter de mettre en avant notre intérêt pour ce public dans le programme afin de mettre le plus de chances possibles de notre côté ". Pas d'inquiétude : la réussite de cette recréation devrait lui assurer le succès espéré.

L'acteur Moyo Akande dans Même les chevaliers tombent dans l'oubli ("Skins and Hoods") à l'Institut francais d'Edimbourgh à l'occasion du Fringe Festival 2015. © Albie Clark

Entre France et Écosse : le Togo

" De nombreux programmateurs sont venus voir notre spectacle à Édimbourg. Il y a des chances qu'il tourne davantage dans le monde anglo-saxon qu'en France, où après Avignon nous n'avons eu qu'assez peu de dates. Comme si le fait d'y montrer une création revenait à la montrer à la France entière... " Cette curiosité des professionnels britanniques est une des raisons qui a poussé Matthieu Roy à diriger son désir d'ouverture vers cette région du monde. La dimension très internationale du Fringe en est une autre, décisive. " Lorsqu'il y a cinq ans, j'ai profité de mes vacances pour découvrir ce festival, j'ai tout de suite été frappé par la variété des propositions, autant que par la faible présence française ", dit-il. En partie peut-être à cause de la grande différence de fonctionnement entre le milieu théâtral français clairement scindé entre public et privé et son cousin anglo-saxon, acquis depuis longtemps au modèle libéral. Skins and hoods se ressent de cette confrontation de la Compagnie du veilleur avec une économie et une culture autres. Le jeu, surtout, a beaucoup évolué. Il est plus physique, plus tendu. Choisis lors d'un casting organisé avec l'aide de la traductrice Katherine Mendelsohn, les comédiens écossais Moko Akande, Ashley Smith, Thierry Mabonga et Jennifer Black assurent avec talent la relève de la distribution franco-béninoise de la version française. Ils portent la langue très urbaine de Gustave Akakpo avec un phrasé quasi hip-hop et des corps en mouvement perpétuel. En dialogue subtil avec les belles vidéos de Nicolas Comte, qui, en clair-obscur, figurent des enfants curieux de l'apparence de leurs camarades aux métamorphoses successives.

L'actrice Ashley Smith dans Même les chevaliers tombent dans l'oubli ("Skins and Hoods") à l'Institut francais d'Edimbourgh à l'occasion du Fringe Festival 2015. © Albie Clark

Le spectacle a donc mué, autant que les protagonistes de Même les chevaliers tombent dans l'oubli. Matthieu Roy en est ravi, et estime avoir beaucoup appris auprès de ses comédiens " d'une grande efficacité, sans doute parce qu'ils sont habitués à travailler dans des conditions proches du théâtre privé français : seulement trois semaines de répétition et une de plateau avant les représentations ". De son côté, Matthieu Roy a partagé avec ses comédiens sa culture de la mise en scène. " Dans les pays anglo-saxons, les comédiens ont une place beaucoup plus importante que le metteur en scène. En France, c'est l'inverse. Pour moi aussi bien que pour eux, Skins and hood a donc été une belle leçon d'humilité. " Gustave Akakpo n'aurait pu mieux entrer en terres anglophones.

 

Même les chevaliers tombent dans l'oubli est une pièce encore visible en France, du 22 au 25 mars 2016, au Centre dramatique national de Sartrouville. Quant à la tournée de la version anglaise, elle est en construction.



Source : afrique.lepoint.fr


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