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Un lien entre produits défrisants et fibromes utérins ? Pas si simple

  Business, #

 

Vous avez peut-être déjà vu ces boîtes au supermarché. Elles se ressemblent toutes. Dessus, des femmes noires, le cheveu lisse, souriantes, toutes dents blanches offertes. Parfois, les boîtes sont plus colorées et ce sont carrément des petites filles qui s'y affichent.

 

Du produit défrisant pour enfant

Ce sont des produits défrisants pour cheveux crépus. Les marques les plus connues sont Activilong ou Dark and Lovely (en français, noire et charmante).

Quand ma coiffeuse (elle s'occupe de mes fines locks), au cours d'une discussion, m'a dit que ces produits étaient responsables de fibromes utérins chez les femmes, j'ai voulu en avoir le cœur net.

D'autant qu'elle n'était pas la seule à raconter cette histoire. Partout sur les blogs et sites consacrés aux cheveux crépus ou défrisés, on la retrouve. Ici, par exemple, la blogueuse de Crépue sans contrainte s'inquiète :

 

" J'ai trouvé cet article à cette adresse. Il présente une étude réalisée aux Etats-Unis sur le lien entre utilisation de produits défrisants et fibromes utérins. Inquiétant, non ? "

Effectivement, en janvier 2012, une étude menée sur 24 000 femmes par des chercheurs en épidémiologie de Boston est parue dans le American Journal of Epidemiology. Elle établissait une corrélation entre usage de ces produits et fibromes. On pouvait même lire :

 

" Ces résultats soulèvent l'hypothèse selon laquelle les produits défrisants augmentent les risques de léiomyomes utérins. "

Corrélation, mais pas causalité

Reste à savoir si cette étude est fiable. Joint au téléphone, Antoine Petit, dermatologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris, réagit :

 

" L'étude montre une très faible corrélation entre l'usage de ces produits et la présence de fibromes chez les femmes. Mais elle ne va pas plus loin. [...] Et il faut faire attention : une étude de corrélation, ça n'est pas une étude de causalité. "

Un autre élément appelle à la prudence. En novembre 2012, soit dix mois après la parution de la première étude, la même équipe de chercheurs de Boston publie une autre étude cette fois intitulée :

 

" Ascendances africaines et risques génétiques de léiomyomes utérins. "

En gros, la question suivante est posée : et si l'origine des fibromes était plutôt génétique ? Dans l'étude, on lit :

 

" Les taux de léiomyomes sont deux à trois fois plus fréquents chez les femmes afro-américaines que chez les Américaines de descendance européenne. "

Un débat compliqué à trancher

Antoine Petit raconte qu'il a toujours été observé que les femmes noires présentaient plus de fibromes que les autres, et l'origine de cette différence est un mystère. Il nuance :

 

" On peut aussi se demander si ce n'est pas le contraire. Si les femmes blanches n'en n'ont pas moins. Les personnes de souches européennes sont apparues plus tard, on peut imaginer qu'elles aient développé des armes contre les fibromes. "

Se pose donc la question de savoir si cette plus grande présence de fibromes chez les femmes d'origine africaine est d'origine génétique ou environnementale (ce qu'on mange, boit, ou, comme le sous-entendait la première étude, ce qu'on met dans ses cheveux).

Pour Antoine Petit, qui a épluché les deux études, il est compliqué de trancher le débat sans risquer de se tromper. Les deux études sont sérieuses et aucune n'affirme avec certitude que l'une des deux hypothèses formulées est plus fiable que l'autre.

" Que des recherches soient lancées "

Pourtant, la première des deux études a bien plus fait parler d'elle. Antoine Petit :

 

" Mon interprétation sur le succès de cette hypothèse, c'est qu'il est toujours politiquement plus correct d'accentuer l'argument environnemental que celui du génétique. On ne veut pas accréditer la notion de race. Notion d'autant plus absurde qu' il y a plus de diversité génétique sur le continent africain qu'entre un Asiatique et un Européen, par exemple. "

Intuitivement, Antoine Petit pense plus probable que la cause des fibromes soit à chercher du côté génétique. Et pour être plus clair, il déclare :

 

" On ne peut pas affirmer à l'heure actuelle que les produits défrisants favorisent ou causent des fibromes chez les femmes noires. "

Isabelle Mananga est présidente de l'association Label Beauté Noire, qui milite en faveur de produits cosmétiques de qualité pour les populations multiculturelles. Elle entend les arguments et les nuances d'Antoine Petit, mais n'accepte pas qu'il puisse y avoir un doute sur ce sujet :

 

" Nous voulons que des recherches soient lancées, chez nous, en Europe, pour voir vraiment ce que ça représente. [...]

Les gens veulent des informations sur ces sujets. On reçoit tout le temps des lettres de personnes inquiètes. "

" Ça m'a brulé le crâne "

Ce n'est pas parce que rien n'a été prouvé sur les fibromes que ces produits sont tout à fait inoffensifs. Toutes les femmes qui en ont déjà utilisé (ça a été mon cas) peuvent raconter les inquiétudes qu'elles ont ressenties. Une fois appliqué, le produit ne sent pas bon. Une forte odeur de souffre s'en dégage.

Il faut un certain temps de pose pour que le cheveu soit bien lisse, mais plus on attend, plus c'est désagréable. D'abord ça picote, et puis, si on attend vraiment trop, ça brûle carrément. On peut assez facilement se retrouver avec des plaques rouges sur le crâne. On trouve d'ailleurs moult témoignages à ce sujet sur les forums. Ici, par exemple Sassilia :

 

" J'ai l'impression que j'ai passé un briquet sur toute ma chevelure et j'ai eu trop mal au crâne. Ça m'a fait plein de plaques qui saignaient.

Ça m'a brulé le crâne, et maintenant j'ai des croutes et plein de pellicules. La coiffeuse me dit que c'est normal, tellement j'en ai pleuré, c'est horrible ! ! ! "

" Le principe, c'est de faire fondre le cheveu "

Une fois le produit rincé, certes les cheveux sont lisses, mais il se cassent très facilement. Quand on les peigne, on en retrouve plein dans sa brosse. Et une fois les racines repoussées, il faut remettre du produit. Bref, c'est pénible.

Camille Fitoussi, dermatologue, explique la base :

 

" Les cheveux crépus, ce sont comme des petits ressorts, pour les rendre raides comme des baguettes, on est obligé d'en casser la structure. "

Tandis que Christine Lafforgue, dermophamacologue, spécialiste de ces produits, explique :

 

" Le principe, c'est de faire fondre le cheveu pour lui donner cet aspect lisse. On utilise des produits très alcalins, assez agressifs.[...] En gros, vous abîmez chimiquement le cheveu, vous le brûlez derrière. Ensuite, il y a un adoucissant dans le produit qui tente de réparer les dégâts. "

Même principe actif que la crème dépilatoire

Christine Lafforgue dit qu'elle ne cherche ni à défendre ces produits, ni à les conspuer. Le problème vient la plupart du temps d'un usage déraisonnable. Les femmes qui se défrisent les cheveux utilisent souvent les défrisants plus que ce qui est recommandé. Avec des temps de pose trop longs. Certaines en mettent même à des bébés (ce qui est une très mauvaise idée).

Mais, explique la dermophamacologue, utilisés raisonnablement, les défrisants ne sont pas plus dangereux que d'autres produits où l'on trouve d'ailleurs le même principe actif :

 

" Lissage, défrisants, crème dépilatoire ou permanente, ils contiennent tous de l'acide thioglycolique, c'est lui qui donne cette odeur de souffre. [...] C'est pour ça que si vous laissez un défrisant poser trop longtemps, vous vous faites une épilation. "

Le mépris des naturelles, les " Nappys "

Autre inconvénient : on trouve dans ces produits un peu de formol, ce qui n'est jamais génial à inhaler. En outre, ils sont d'un PH très différent de celui de la peau :

 

" Le PH de la peau tourne autour de 5, le PH de ces produits est plutôt à 12. C'est pas de la soude mais tout de même, ça ne rigole pas. "

Enfin, explique la dermopharmacologue, le plus gros problème est que l'action est irréversible. Une fois le cheveu défrisé, on ne peut pas revenir en arrière. Il l'est à jamais, en plus d'être très cassant.

Pour toutes ces raisons énoncées, chez les femmes qui ont récupéré leur cheveu au naturel, en coupant leurs cheveux défrisés et récupéré leurs racines - on les appelle les " Nappys " (contraction des mots anglais " natural " et " happy ") - existe parfois un mépris de celles qui se défrisent.

Si j'ai choisi de revenir au naturel, je me garderai bien de porter un tel jugement. Ces femmes ne font comme (presque) tout le monde que se conformer aux canons de beauté en vigueur et chacun fait ce qu'il veut avec ses cheveux, mais on peut regretter qu'il n'y ait pas plus d'informations autour de cet usage.

Un vœu au conseil de Paris

En octobre 2012, Ian Brossat, président du groupe communiste/Parti de Gauche au conseil de Paris ; a d'ailleurs porté un vœu qui a été accepté. Il demandait :

 

 

 

 

    " une campagne d'information et de sensibilisation en vue de rendre publics la composition des défrisants chimiques et les conséquences pour la santé de leur utilisation régulière " ;

    " Qu'une attention toute particulière soit portée, dans le cadre de la diffusion de la campagne d'information et de sensibilisation, aux pré-adolescent-e-s et adolescent-e-s scolarisé-e-s dans les établissements primaires et secondaires de la capitale. "

Les femmes appliquent ces défrisants pour la plupart, chez elles, entre elles. J'ai par exemple de jolis souvenirs de poses de produits avec ma cousine, ma sœur ou ma mère. On parlait et on riait, l'une de nous au milieu des autres, les cheveux attrapés dans le produit. C'était chouette mais quand j'y repense, je me dis toujours que ce n'était pas très sûr.

Isabelle Mananga veut justement que ses produits sortent du cadre domestique :

 

" Il faut une approche professionnelle avec les coiffeurs. La coiffure, c'est un métier. Comme sur les cheveux caucasiens, il faut que les professionnels soient capables d'appliquer ces produits. Il faut que les gens aient à faire à des professionnels diplômés. "



Source : rue89.nouvelobs.com


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