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Une Guyanaise en grève de la faim devant l'Assemblée nationale

  Société, #

Assise dans son fauteuil roulant, le regard tourné vers l'Assemblée nationale, Line Legrand tient une serviette sur sa tête pour se protéger du soleil. Affaiblie, mais toujours aussi déterminée, cette Guyanaise de 47 ans est en grève de la faim face au Palais Bourbon, depuis treize jours. Autour d'elle, un pack d'eau, des pancartes "pour expliquer (son) action", un bouquet de fleurs "laissé par un admirateur", et sa prothèse de jambe "qui (lui) permet d'être totalement autonome".

Line Legrand, "comme Line Renaud, mais sans les sous et la cabane au Canada" se définit comme "une grande gueule", "le poil à gratter qui dérange tous ces messieurs, dames les députés". La Guyanaise n'est pas là "pour faire tache sur la photo" mais pour "dénoncer les injustices et les discriminations qu'elle a subies", explique-t-elle, le regard épuisé.


De l'hôpital à la rue

Originaire de Cayenne, Line est arrivée en métropole le 4 octobre 2013. "Je devais subir une opération des yeux en urgence en Guyane, mais la machine médicale est tombée en panne, raconte cette femme au tempérament bien trempé. J'ai alors été envoyée à Paris pour être opérée". Sans famille en métropole, Line paie 32 euros par jours pour se loger. Suite à des complications, son séjour et ses soins à Paris se prolongent et tout son pécule y passe.

En décembre 2013, deux mois après son arrivée à Paris, Line voit sa vie basculer. A court d'argent, elle devient SDF, sans domicile fixe. Le froid, la rue, la solitude, cette femme qui n'a jamais cessé de travailler se retrouve sans rien.

"Et pourtant, j'en ai fait des métiers ! À 24 ans, j'ai monté une entreprise de bâtiment avec mon frère, on a même travaillé sur le pont de Mana. Puis j'ai exercé dans la maçonnerie et la boulangerie, raconte Line. Avant de quitter Cayenne, j'étais animatrice sportive et culturelle en milieu scolaire, je travaillais avec les missions locales et les écoles de Matoury."


L'amputation d'une jambe

Dans la rue, l'état de Line, diabétique depuis 1989, s'aggrave. Au bout de quelques mois, elle est amputée de la jambe droite. Aujourd'hui, son pied gauche est aussi nécrosé, "il va encore manquer une patte à ma monture si ça continue", déplore-t-elle en réussissant à tourner en dérision sa situation. "C'est ce système à la con qui m'a rendue handicapée".

"J'ai pourtant frappé à toutes les portes pour trouver une cahute ! Je suis SDF, ni clocharde, ni alcoolique, ni droguée. Mais même le 115 a refusé de me prendre sous prétexte qu'il n'y avait pas de place pour quelqu'un comme moi", raconte cette femme qui dénonce "des discriminations de la part de l'administration française". "Je suis venue de Guyane juste pour mes yeux et voyez comment je me retrouve", se désole-t-elle.


"Si j'avais su, je ne serais pas venue"

Pour autant, hors de question pour Line de retourner en Guyane maintenant. "Ici, j'ai perdu ma jambe et ma dignité. Je ne repartirai pas comme ça. Laissez-moi au moins retrouver ma dignité avant de rentrer, car je rentrerai. Je le sais".

"Messieurs les députés, je ne désire guère vos émulations, juste votre logement de fonction", écrit Line sur ses pancartes. Devant l'Assemblée, sous les regards méprisants de certains passants, la Guyanaise garde la tête haute. "Lors de la venue du président du Mexique la semaine dernière, ils m'ont même collé une haie d'honneur de gendarmes devant moi. Il en a fallu des fesses pour me cacher", s'amuse-t-elle.

Si Line a choisi l'Assemblée ce n'est pas un hasard. "Il y a les aides que je ne touche pas, le 115 qui me ferme la porte, les administrations qui ne font rien, tout me ramène à cette maison du peuple qui discute actuellement de l'accessibilité pour les handicapés", sourit-elle amèrement. "La prochaine étape, ce sera l'Elysée", promet Line qui demande un logement social pour poursuivre ses soins en métropole et "ensuite retrouver du travail".

"Je veux me faire entendre pour éviter que cela arrive à d'autres gens des Outre-mer, explique Line. Moi, si j'avais su, je ne serais pas venue. J'aurais préféré encore perdre mes yeux à Cayenne que mes jambes à Paris."


L'aide du député guyanais Gabriel Serville

Installée dans le quartier du Palais Bourbon depuis près d'un mois, Line s'est postée face à l'entrée du bâtiment il y treize jours en entamant sa grève de la faim. Désormais visible, elle n'a pas échappé au regard du député guyanais Gabriel Serville qui se bat pour débloquer sa situation.

En arrivant au palais ce mercredi, Gabriel Serville salue Line et lui adresse quelques mots en créole. "La situation de Mme Legrand me touche, car elle vient de Guyane comme moi, et car son cas n'est pas isolé, remarque Gabriel Serville qui veut "profiter de cette mauvaise histoire pour avoir une réflexion sur les problèmes que rencontrent les personnes qui sont dans cette situation."

Ce mercredi après-midi, grâce à l'intervention de Gabriel Serville, Line Legrand a reçu la visite de Ségolène Neuville, la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion.

Selon le député guyanais, Line devrait être accueillie dans un logement social d'ici au 27 juillet. "Il est aussi important qu'elle touche l'allocation aux adultes handicapés qu'elle n'a pas eue pendant deux ans, explique Gabriel Serville qui déplore "l'enchaînement de circonstances malheureuses rencontrées par cette femme. Si le plateau technique médical n'avait pas été défaillant en Guyane, elle n'aurait pas été dans cette situation".


Le mépris de trois policiers

Quelques minutes après le départ du député, trois policiers s'approchent de Line qui les ignore délibérément. L'un d'eux se met dans son dos et lui glisse quelques mots à l'oreille. Le policier tourne autour du fauteuil roulant de Line d'un air méprisant :
- "Vous la connaissez ?", interroge La1ère.fr en surprenant la scène.
-"Oui", répond le policier visiblement agacé par notre présence.
-"Nous sommes au courant de sa situation, mais on en a marre de la voir", poursuit son collègue en uniforme.
-"Elle dit qu'elle est en grève de la faim et elle boit de l'eau ? C'est n'importe quoi !", conclut avec dédain le policier.
Une épreuve de plus pour la Guyanaise qui ne se laisse pas impressionner.

À 8 000 kilomètres de là, l'un des frères de Line a appris récemment son combat, mais il ne dit rien. "Il sait que je suis jusqu'au-boutiste, mais pour le juste bout", confie Line avec son sens de la formule, avant de conclure "le ridicule ne tue pas, mais la lâcheté, oui."


Source : www.la1ere.fr


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florent
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