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Société, # |
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Pousser la porte de cette modeste maison située à quelques pas du légendaire stade Maracanã, c'est un peu comme entrer dans la tour de Babel. Chez Caritas, un centre d'accueil aux migrants, on passe de l'anglais au lingala et du portugais au français sans transition. Ce matin, une quarantaine d'Africains venus essentiellement de la République démocratique du Congo assistent à un cours de portugais encadré par Luiz Eduardo, 21 ans : "arroz, ça veut dire le riz", articule le jeune homme. Toute la salle reprend en choeur. Harouna, Claudine, deux migrants africains emblématiquesHarouna, 25 ans, dont la discrétion tranche avec le brouhaha général, vient tout juste d'arriver. Il porte un éternel sourire comme pour cacher son histoire sordide. Ce peul musulman pourchassé par les milices de Centrafrique, les anti-bakalas, a fui vers le Cameroun après avoir assisté au massacre chez lui, en pleine nuit, de ses deux cousins et de son frère. Il trouvera son salut au Cameroun dans un bateau de marchandises qui l'emmènera vers sa terre d'avenir, le Brésil. Il survit caché cinq jours sans boire ni manger. Dénoncé à son arrivée par l'équipage à la police fédérale, il échappe à l'expulsion. Sa demande d'asile est en cours et il a tout de suite été pris en charge par les autorités et les associations brésiliennes. "Il y a de plus en plus de migrants au Brésil car une fois que vous entrez dans le pays et que vous faites votre demande d'asile, vous avez les mêmes droits que tout Brésilien. Contrairement aux États-Unis où on vous met en prison le temps de recevoir votre statut de réfugié ou encore à l'Allemagne qui ne vous donne pas accès au marché du travail", explique Duval Fernandes, démographe, professeur d'université et auteur d'une étude sur l'immigration africaine au Brésil. Des Noirs qui viennent se mêler à d'autres NoirsL'Afrique est à la fois si loin et si proche des Brésiliens. Malgré une culture empreinte de marques africaines comme le plat national, la feijoada, et la samba des afro-descendants, peu de Brésiliens ont des contacts avec des Africains et l'Afrique. Et cette immigration récente ne pose pas de problème comme en Europe car elle est beaucoup moins visible : "Ce sont d'autres Noirs qui viennent se mêler aux nombreux Noirs que compte déjà le Brésil", commente Duval. En effet, le pays est deuxième au monde avec la plus grande population noire derrière le Nigeria, puisque le Brésil, champion du monde de l'esclavage, a déporté près de 4 millions d'Africains en trois siècles. Il faut descendre vers le sud pour voir une population essentiellement blanche : "C'est ici que les Sénégalais s'installent. Ils sont une main-d'oeuvre très recherchée car la majorité d'entre eux sont musulmans. Une grande partie des abattoirs des villes du sud exportent la viande vers des pays musulmans et pratiquent le sacrifice halal", explique-t-il. "Dans cette région peuplée majoritairement de Brésiliens d'origine italienne et allemande, on a constaté quelques cas de discrimination. En fait, les Africains qui arrivent ici pensent qu'ils sont dans une démocratie raciale alors que c'est faux." Malgré l'image d'un pays métissé où Noirs et Blancs vivraient en harmonie, le Brésil reste profondément raciste et les Noirs occupent jusqu'à présent les postes subalternes. Avec Lula, le Brésil s'est ouvert à l'AfriqueSi les chiffres de l'immigration au Brésil sont encore faibles puisque on recense moins de 1 % d'immigrés toutes origines confondues contre 10 à 15 % en Europe, c'est la croissance de l'immigration africaine qui attire l'attention. Ils sont passés de 1 054 en 2000 à 31 866 en 2012 selon les chiffres de la police fédérale. L'Afrique a découvert le Brésil par Lula qui, dès son élection, a multiplié les visites sur le continent avec la volonté de développer une coopération sud-sud et non seulement nord-sud. Cette volonté s'est concrétisée en 2010 par la signature d'un accord de coopération. C'est à partir de cette date que l'immigration s'est envolée, boostée également par une croissance à deux chiffres et des événements tels que la Coupe du monde et les JO. Cinq ans plus tard, le pays est à la limite de la récession, mais il est tout de même perçu par les étrangers en meilleure santé économique que l'Europe. Beaucoup d'Africains sont restés après la Coupe du mondePlusieurs Ghanéens ne sont jamais repartis après avoir obtenu un visa de touriste pour assister à la Coupe du monde.
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