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Burundi : " Je regarde mes enfants, j'ai peur qu'on vienne les tuer "

  Politique, #

Compte tenu de l'angoisse qui règne dans Bujumbura, la première déclaration publique de Pierre Nkurunziza, le président burundais, depuis l'échec de la tentative pour le renverser, est légèrement déconcertante. " Aujourd'hui, c'est dimanche et c'est un jour férié, tout le monde se trouve à la messe ", commence le chef de l'Etat devant la presse réunie au bureau de la présidence dans le centre de Bujumbura, avant de préciser la nature de sa préoccupation : une " attaque " des Chabab. Le groupe djihadiste somalien a diffusé il y a quelques jours, en effet, une vidéo promettant de s'en prendre à l'Ouganda et au Burundi, deux pays qui constituent le socle de l'Amisom, la mission de l'Union africaine en Somalie, qui fait la guerre aux insurgés islamistes.

Une menace chabab, cela doit être étudié avec tout le sérieux voulu, mais dans le contexte, le fait que Pierre Nkurunziza ne parle que de cette hypothétique attaque et d'aucune de celles qui ont eu lieu ces derniers jours dans sa capitale, n'est pas de nature à rassurer le Burundi.

Or, le Burundi a peur. Après trente-six heures d'incertitude, la tentative de putsch de mercredi a échoué. Les mutins, au nombre de quelques centaines, ne sont pas parvenus à prendre d'assaut la Radio-Télévision nationale du Burundi (RTNB), et ont abandonné le combat. Dix-sept d'entre eux, arrêtés, ont déjà été inculpés de " tentative de renversement des institutions ". Leur chef, le général Godefroid Niyombare, est introuvable. " Ils ont subi des traitements dégradants ", commente un des avocats du groupe, M e Fabien Segatwa.

" C'est un crime d'attaquer un hôpital "

L'effet de l'onde de choc du putsch au sein de l'armée est encore difficile à mesurer. Dans certains des camps insurgés, des dissensions sont apparues entre les soldats. Les loyalistes, en revanche, ont fait la preuve de leur solidité, renforcée par une chaîne de commandement parallèle.

Ils ont repoussé deux attaques successives contre la radio, menées par le général-major Cyrille Ndayirukiye, le numéro deux du putsch. Lorsque les mutins ont renoncé, il y avait plusieurs dizaines de morts dans le centre, selon une source diplomatique. Des blessés ont fui à travers la ville. Trois d'entre eux se sont réfugiés à Boumerec, un hôpital privé, dans un quartier proche du centre. Les policiers ont fait sortir tous les malades présents, y compris un homme qui venait d'être opéré d'une tumeur à l'abdomen, et a cru que ses derniers jours étaient venus, alors que les hommes en uniformes menaçaient de le tuer. " Ils ne connaissaient pas le visage de Cyrille. Ils cherchaient des hommes blessés pour les tuer ", souffle un témoin.

Les policiers ont ensuite investi l'hôpital. Dans la petite aile où se trouve la salle des urgences, trois putschistes étaient retranchés. L'un " devait avoir un pistolet ", affirme le témoin, présent sur les lieux, qui affirme, ainsi qu'une autre source, que l'un des militaires a " tiré, blessant un des policiers ". Ces derniers se sont retirés, sont allés chercher des renforts, et ont alors lancé un assaut sur l'hôpital, tandis que les patients étaient transportés en catastrophe vers d'autres établissements.

Le Boumerec, une structure toute récente, a ses murs criblés de balles. Un grand chaos règne dans une des ailes où ont eu lieu les derniers moments des trois putschistes, dont le sort est inconnu. " C'est une violation du droit humanitaire, c'est un crime d'attaquer un hôpital ", déclare, soufflé, un des administrateurs, qui dit devoir rester anonyme de peur des représailles.

Rumeurs et accusations

La peur. Voilà le maître mot de Bujumbura. Et c'est exactement, à ce stade, l'effet recherché par ceux qui, du côté du pouvoir, veulent que cessent à présent les manifestations contre un troisième mandat de M. Nkurunziza, par l'intimidation et l'effet de panique créés en attaquant toutes les radios privées et en les empêchant d'émettre.

Dans tous les quartiers, on vit chaque instant, habituellement, au rythme de leur flux permanent d'infirmations. Ce silence renforce la menace des exactions que dans les quartiers on redoute de voir se déchaîner contre la population. " J'ai peur, j'ai tellement peur, je regarde mes enfants, j'ai peur qu'on vienne les tuer ", explique cette mère de famille de Nyakabiga, en mentionnant, elle aussi, le passage de convois avec des policiers et des Imbonerakure (la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir) en civil qui ont circulé en tirant des rafales en l'air et criant : " On va vous lessiver ! " ( " Kubamesa ! "), rapportent plusieurs témoins en faisant le geste de passer une lame sous la gorge.

Sur l'avenue de la République encombrée de cendres, de pierres et de débris des barricades des dernières semaines, la manifestation du jour, samedi, est maigrelette. Les quartiers de la contestation sont sonnés. On ne donne plus de prénom, de peur de voir les responsables des manifestations arrêtés par la Documentation, les services de renseignement burundais.

Les rumeurs courent. Les accusations volent comme des pierres. Certains vont jusqu'à accuser les putschistes de faire partie d'une conspiration du pouvoir pour justifier l'écrasement de la contestation. Les militaires avaient conservé, dans les quartiers, une neutralité constante depuis le début des manifestations, arrivant même dans certains cas à des confrontations avec la police, farouchement antimanifestants. Vendredi, à Musaga, un policier armé d'une kalachnikov avait tiré malgré la présence de journalistes en direction du pick-up d'un colonel qui passait avec son escorte. Le dérapage avait été évité de justesse. Mais après le putsch, qui a opéré une forme de scission dans cette unité de l'armée péniblement préservée, les habitants des quartiers ne sont plus certains de leur confiance. " Il y en a certains, on les a connus sur les bancs de l'école, donc on a confiance, les autres, on ne sait pas ", murmure un homme qui part faire des courses pour stocker de la nourriture en vue des jours à venir, qui promettent d'être tendus.

" On a parlé aux militaires, ils nous ont dit que si on devait manifester aujourd'hui, il fallait le faire calmement ", explique un manifestant. Lundi, le collectif opposé à un troisième mandat du président appelle à une nouvelle journée de manifestations.


Source : www.lemonde.fr


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