![]() |
Politique, # |
||
L'homme d'affaires José Veiga, surnommé " Monsieur Afrique " en raison de ses liens avec l'Afrique francophone, et notamment le Congo-Brazzaville, va devoir s'expliquer en prison. Arrêté par la police judiciaire portugaise le 3 février, il est soupçonné de corruption, de fraude et de blanchiment d'argent. Un de ses amis, Paulo Santana Lopes - frère d'un ancien premier ministre - et une avocate ont également été interpellés mais laissés en liberté. L'opération Rota Atlantica a mobilisé cent vingt enquêteurs, qui ont perquisitionné trente-cinq lieux, saisi 8 millions d'euros en coupures, et " tracé " des comptes bancaires, des voitures de luxe et des biens immobiliers aux noms d' entreprises off-shore.
La police s'interroge : comment José Veiga, homme d'affaires surtout connu comme agent de footballeurs, peut-il avoir déposé une avance de 10 millions d'euros pour l'achat d'une banque au Cap-Vert estimée à... 14 millions d'euros ? D'où vient cet argent quand on sait que M. Veiga est l'un des plus gros débiteurs du fisc portugais, et surveillé à ce titre ? Comment expliquer tous ses biens sur le sol portugais ? L'homme d'affaires aurait agi pour le compte d'un consortium luso-africain, détenu majoritairement par des Congolais, pour céder la Banque internationale du Cap-Vert (BICV), placée sous contrôle de Novo Banco. Cette Novo Banco ayant elle-même été créée après la faillite de la banque Espirito Santos pour recevoir les actifs du groupe financier démantelé et également dans l'œil de la justice pour... fraudes et corruption. Vieilles rancœurs et nationalité congolaiseJosé Veiga, 53 ans, soigne son apparence d'élégant golden boy latino élancé : costume gris de belle coupe et chemise immaculée sans cravate, allure décontractée et mine bronzée. Fils d'immigrés installés au Luxembourg, Veiga a eu une jeunesse difficile consacrée au lavage de voitures plutôt qu'aux études. Mais, passionné de football, il finit par croiser le chemin d'influents dirigeants sportifs et il devient agent de footballeurs de réputation internationale. A son actif, des transferts comme celui de Luis Figo en Espagne et des interventions pour Zinédine Zidane entre le Real Madrid et la Juventus de Turin. Trop gourmand ? Maladroit ? Veiga finit par se mettre à dos presque tout le monde du football. En 2013, il a été accusé - et condamné - pour fraude et corruption dans une affaire de transfert datant des années 2000. Mais il a été relaxé. C'est alors qu'il débute une carrière comme directeur de l'entreprise brésilienne Asperbras, installée depuis longtemps au Congo. C'est cette société qui a construit le parc industriel de Maloukou, près de Brazzaville, un projet de 450 millions d'euros voulu par le président Denis Sassou-Nguesso, dont Veiga serait un proche. Ou du moins proche de sa fille Claudia, conseillère en communication du président congolais.
Les biens saisis ou repérés lors des perquisitions de l'opération Rota Atlantica appartiendraient, selon la presse portugaise, à Gilbert Ondongo, ministre des finances de la République du Congo. Il semble aussi que ce soit à la demande de la justice française que l' enquête a été déclenchée au Portugal, peut-être en lien avec l'affaire dite des biens mal acquis. En janvier 2016, Denis Sassou-Nguesso a déposé plainte à Paris contre X pour escroquerie dans l'affaire des biens mal acquis qui l'oppose à l'ONG Transparency International. Depuis 2009, le chef de l'Etat congolais fait l'objet d'une enquête en France suite à la plainte déposée par l'ONG anti-corruption qui l'accuse de détournement à son profit des biens de la vente du pétrole dans son pays. C'est aussi, depuis 2009, sans doute un hasard si José Veiga vit six mois par an, tout comme son complice Paulo Santana Lopes, en République du Congo. Il est résident fiscal au Congo-Brazzavile depuis 2011 et a pris la nationalité congolaise. C'est ce qui lui vaut aujourd'hui la prison : les juges craignent un délit de fuite vers Brazzaville. " Monsieur Afrique " n'y aurait que des amis, alors qu'au Portugal ses déboires passés dans le monde du football auraient suscité beaucoup de rancœurs. José Veiga, dont on dit qu'il se comporte comme s'il était au-dessus des lois, a été rattrapé par la justice. Si l'affaire fait grand bruit dans les médias portugais, l'opinion publique, elle, a désormais intégré le fait que, poussée à l'extrême, la tradition lusitanienne - et méditerranéenne - de la cunha, le piston, la relation, l'entregent, s'appelle tout simplement corruption.
Marie-Line Darcy, contributrice Le Monde Afrique, à Lisbonne
| |||
PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE |
Pas d'article dans la liste.