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Culture & Loisirs, # |
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L'histoire : Mwána vit à Genève. Avec sa très pieuse sœur Kosambela, ils ont quitté leur pays d'origine, le Bantouland, quelques années auparavant, pour la Suisse. Mwàna y a fait ses études, chez ses cousins blancs. Quand on fait sa connaissance, le jeune homme attend le bus sur les hauteurs de Lugano, où vit sa sœur, en scrutant une affiche où il est question de "moutons noirs". Il a perdu son emploi chez Nkamba African Beauty, où il était commercial ambulant pendant 5 ans. "La galère cogne fort à notre porte depuis quelques temps", s'inquiète-t-il, ne pouvant compter sur Ruedi, le garçon avec qui il vit, un helvète fils de famille et rouquin, peu enclin à travailler pour subvenir aux besoins du couple. Ses recherches d'emploi ne donnent rien, quand il décroche un stage dans une ONG engagée dans la lutte contre les discriminations raciales. Madame Bauer en est la présidente, affublée d'une secrétaire qui cherche à éviter l'euthanasie à son chien, et d'un fidèle ami Khalifa, petite troupe sympathique occupée à organiser une manifestation contre l'affiche du mouton noir... La faim, les humiliations... Mwàna tente de garder la tête haute dans les épreuves, mais l'arrivée de Monga Mingà, sa mère, venue en Suisse pour soigner un cancer en phase terminale, n'allège pas son fardeau... Un conte helvète à la mode africaine Mwàna est stratégiquement posté entre deux cultures. Ni juge ni victime, il pose son regard d'Africain sur la société suisse et ses contradictions : sa modération, ses paysages sublimes et ses trains (pas toujours aussi à l'heure qu'on le croit), sa fantaisie, et aussi son intolérance et sa rigidité. Devenu un peu helvète par la force des choses, il observe également d'un œil critique son Afrique natale, le poids de ses traditions, ses croyances (la fameuse "trinité bantoue" - Nzambé, Dieu, Elôlombi, Dieu des Esprits, et les bankólko, les ancêtres qui veillent sur la vie des hommes), et ses excès.
Avec ce double point de vue, aiguisé mais toujours empreint de bienveillance et d'optimisme, Max Lobe donne avec "La trinité Bantoue" un conte africain à la mode helvète, ou un conte suisse à la mode africaine, comme on voudra. Dans une langue unique, inventive, très imagée, chantée presque -on entend la musique des mots- le romancier fait la synthèse de ces deux cultures en apparence aux antipodes. Il croque avec une profondeur mêlée d'humour ces deux terres et les êtres qui les peuplent, questionne les problèmes de société auxquels ils sont confrontés, aborde avec pudeur les drames intimes qu'ils traversent. On se laisse emporter par cette fable moderne et intelligente, qui offre un éclairage neuf et singulier sur des questions mille fois ressassées.
La Trinité bantoue Max Lobe (Editions Zoé - 200 pages - 18,50 euros)
Extrait : Max Lobe est né à Douala en 1986. Arrivé en Suisse à l'âge de 18 ans, il étudie la communication et le journalisme à Lugano, puis les sciences politiques à Lausanne. Il vit aujourd'hui à Genève. Il a reçu en 2009 le prix littéraire de l'Université de Lausanne pour une nouvelle "Le baccalauréat. En 2011, il a publié "L'enfant du miracle (Editions des Sauvages) et a reçu le Prix du roman des Romands pour "39 rue de Berne", publié aux éditions Zoé en 2013. La trinité bantoue est son deuxième roman publié aux éditions Zoé.
Journaliste, responsable de la rubrique Livres de Culturebox
@LaurenceHouot
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