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Société, # |
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Après les Français, les Américains, les Japonais, les Espagnols, les Allemands, les Européens dans le cadre de l'opération Atalanta, et enfin l'Otan, c'est au tour des Chinois de débarquer dans la Corne de l'Afrique, avec fourbis et armes, après une absence de 500 ans. Un symbole fort ! [ La marine chinoise déploie donc ses grandes ailes, et montre son statut de puissance militaire en s'installant à Djibouti, au nez et à la barbe des Américains et des Japonais. Le gouvernement chinois, premier détenteur de la dette extérieure de Djibouti, ne peut rien se voir refuser. Environ 45% des 112% du PNB de la dette de la République de Djibouti est constituée de prêts chinois, garantis par des concessions, consentis pour la plupart au cours de ces cinq dernières années. Le président américain Obama, qui avait été informé bien en amont des intentions chinoises par les autorités djiboutiennes, n'a fixé au président Guelleh lors de leur rencontre à la Maison Blanche en mai 2014, qu'une seule ligne rouge à ne pas franchir : l'ouverture de base russe sur le territoire djiboutien.
Pourquoi les Chinois viennent-ils à Djibouti ? En outre, cette annonce de l'arrivée de forces militaires chinoises dans la région vise à combler le retard technologique des Chinois dans la construction de porte-avions. Le seul porte-avions battant pavillon chinois le Liaoning (ex- Varyag), acheté d'occasion à l'armée ukrainienne en 1998, n'est pas encore vraiment opérationnel en dépit de grands travaux de rénovation. Les Chinois ne disposent pas pour l'heure de la maîtrise technique fort complexe de la construction de porte-avions, selon l'avis de nombreux experts ils ne parviendront pas à construire de porte-avions made in china avant les quatre ou cinq prochaines années. C'est le talon d'Achille de leur marine ! Ne pouvant déplacer à leur guise leur flotte aérienne, la Chine contourne le problème en positionnant une partie de sa marine et une importante base aérienne à Djibouti. Enfin, il faut voir l'arrivée des Chinois à Djibouti comme un pied de nez adressé aux Américains et à leur stratégie du pivot en Asie de l'Est. Développée par Obama pour réduire l'influence chinoise en Asie, elle repose sur une projection militaire américaine accrue en Asie, rendue possible par le retrait progressif d'Irak et d'Afghanistan des forces américaines. Cette nouvelle politique américaine vise à rassurer les nations asiatiques en renforçant les alliances militaires existantes, en développant de nouvelles relations en lien avec une implication plus importante dans les organisations multilatérales. Un peu comme un serpent qui se mord la queue, en se positionnant sur le Bad-el-Mandeb avec un important dispositif militaire, la Chine signifie clairement aux Américains et aux Japonais qu'elle est une nation sur laquelle il faut dorénavant compter, et qu'à l'instars des autres forces étrangères installées sur ce corridor maritime, elle contrôle également le verrou du Bad-el Mandeb. Match nul donc ! Comment des forces qui s'épient les unes les autres pourront-elles travailler ensemble à sécuriser la sous-région ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé à Shanghaï Abdallah Abdillahi Miguil, ambassadeur de Djibouti en Chine : " Il est dans l'ADN de Djibouti d'être un îlot de paix dans une région qui est malheureusement la plus tourmentée du continent africain et de la péninsule arabique. Nous n'avons qu'un produit à exporter ici, c'est la paix. Aussi, si nous pouvons d'une manière ou d'une autre contribuer en permettant que le positionnement de bases militaires sur notre territoire, améliore le renforcement et la sécurisation des biens et des personnes, il est de notre devoir d'y répondre. Tous ces pays qui disposent de bases militaires sur notre territoire, concourent au même objectif : promouvoir la paix. Ces bases n'ont pas pour vocation d'attaquer d'autres pays à partir de Djibouti, mais de lutter contre la piraterie, à préserver la circulation du trafic maritime de la deuxième route de commerce du monde et enfin à stabiliser la région. C'est notre modeste contribution à la préservation de la sécurité internationale ". Les forces armées japonaises et chinoises pourront surmonter leur différend sur les îles Senkaku/Diaoyu et travailler main dans la main sur le territoire djiboutien, si elles poursuivent leurs contacts comme elles ont su le faire dans le cadre du groupe Shared Awareness and Deconfliction (SHADE), mis en place afin de lutter contre la piraterie. C'est une plateforme d'échanges informels qui permet de coordonner les activités et les opérations de sécurisation des convois maritimes. Elle regroupe tous les différents commandements d'opérations navales, à l'exception de l'Iran. En sont membres l'OTAN, les USA, les Européens à travers l'opération Atalanta, les Russes, les Chinois, les Indiens, les Coréens et les Japonais. Rien n'est impossible finalement et Djibouti dans cette formidable partie d'échec, il faut le reconnaître, sait tirer son épingle du jeu, volens nolens ... Les retombées économiques attendues De nombreux observateurs, notamment le FMI et la Banque mondiale, ont été les premiers à mettre en garde les autorités sur le risque à accepter autant de financements à des taux non concessionnels, avec le risque latent de voir Djibouti dans l'incapacité de pouvoir les rembourser. Ces institutions devraient-être rassurées, puisque le montant des redevances attendues permettront de garantir le remboursement des sommes dues. Les autorités djiboutiennes n'ont pas communiqué à ce jour les termes de l'accord ni le montant de l'allocation que devrait recevoir Djibouti pour les facilités accordées. On peut imaginer qu'il ne sera pas en deçà de la somme dont s'acquitte les forces américaines, à savoir 68 millions de dollars annuels, auxquelles s'ajoutent les nombreuses aides et dons sans contreparties du gouvernement américain en faveur des secteurs sociaux prioritaires. Concernant cette question sur le montant des redevances attendues, le gouvernement devrait communiquer cette information essentielle dans les meilleurs délais, elle concerne la population djiboutienne au premier chef. Djibouti doit s'attendre - et donc se préparer en conséquence - à une ruée vers l'or sur ses côtes... Tous les hommes d'affaires chinois que nous avons rencontrés tout au long de notre périple en Chine le concèdent : ils sont sur les starting block, prêts à débarquer dans la foulée des bottes des forces militaires chinoises pour investir à Djibouti. Hormis le projet de Touchroad, tous les projets chinois qui sont développés à Djibouti, sont financés par des prêts d'État contractés auprès du gouvernement chinois. He Liehui, PDG de Touchroad, est le premier et le seul investisseur privé chinois sur le territoire djiboutien à avoir engagé ses deniers personnels. D'autres en nombre arrivent, rassurés par la présence de GI's chinois, dont notamment Song Zigao, PDG de New Energie Science and Technologie Co Ltd, que nous avons rencontré dans la ville portuaire de Ningbo, en Chine. " Je me suis rendu à Djibouti déjà une première fois pour tâter le terrain : cela fait trois ans que je veux y investir sous la forme d'une joint venture avec un partenaire djiboutien dans le domaine du solaire. Je dois reconnaître que l'annonce par la presse chinoise de l'arrivée de nos forces nationales à Djibouti, a été le déclencheur... Le marché chinois commence à saturer, je veux m'ouvrir sur l'extérieur. Je compte injecter un milliard de $US à Djibouti dans les cinq prochaines années, dont 200 millions de $US dès la première année, à la clé cela sera 350 emplois directs et immédiat. Je compte construire une importante unité de production de panneaux solaires photovoltaïques à Obock ". La balle est dans le camp du gouvernement. Ismaïl Omar Guelleh a aujourd'hui, mieux que quiconque, toutes les cartes en main pour faire de Djibouti dans les six années à venir le Singapour de l'Afrique. Il lui appartient de mettre le pays sur les rails, en ordre de bataille, mais pour cela il lui faudra se résigner bon gré mal gré, à procéder a un grand ménage de printemps en changeant en profondeur son gouvernement, et plus encore, la méthode de gouvernance, et en mettant enfin les hommes qu'il faut, là où il faut ; la présidence de la République n'a pas vocation à cumuler toutes les fonctions régaliennes. Le conducteur de la locomotive que les Djiboutiens choisiront dans un an doit être un candidat motivé pour le job, prêt à mouiller sa chemise et à se remettre en question lorsqu'il le faut, et qui devra s'engager à assurer une meilleure répartition des richesses. Mahdi A., envoyé spécial à Ningbo, Chine.
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