![]() |
Mode & Beauté, # |
||
Derrière les remarques faites récemment par la presse people sur les chevelures de plusieurs stars noires se cache une question identitaire profonde: celle des pressions infligées aux noirs, spécialement les femmes, pour adopter une coiffure plutôt qu'une autre. Avec l'engouement de certains médias pour les cheveux frisés et crépus, j'avais naïvement cru révolu le temps des commentaires racistes sur le sujet, laissant penser que les cheveux des noirs n'étaient pas des cheveux aussi dignes que les autres. Ces dernières semaines, la presse people s'est évertuée à me prouver que j'avais tort. Le 10 avril, Voici a ainsi publié un numéro dans lequel Omar Sy, coiffé d'un afro, "frisait le ridicule". Avec tout le ton prétendument "impertinent" qu'on lui connaît, le magazine qualifie tantôt la coiffure de la star d' Intouchables de "terrifiante", tantôt "de coupe à la grimace qui devrait faire rire les nenfants" (à défaut de "terrifier" les petites têtes blondes, j'imagine). A la télé, la rédaction a même hérité du "Prix du racisme", décerné par Audrey Pulvar et Roselyne Bachelot dans l'émission Le Grand 8. Mais Voici n'est malheureusement pas le seul magazine à s'être illustré par de tels propos. Une semaine plus tôt, Public comparait l'afro de Solange Knowles, auquel la soeur de Beyoncé nous a pourtant habitués, à un dessous de bras. Quant à North West, fille métisse de Kanye West et de Kim Kardashian, le blog PerleAntilles rapportait que Public, toujours, l'avait qualifiée d 'héritière malheureuse des gènes capillaires de son père. Ces propos ont provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le hashtag #Twitpicyourafro a été lancé par une internaute afro-américaine, Ebony Jones, en réponse au mépris des rédactions de Public et Voici.
"Le racisme prend souvent l'apparence d'une simple blague lancée par des gens qui ont de "bonnes intentions" mais qui font pourtant preuve d'un manque de jugement, réagit Ebony Jones. Le problème n'est pas de savoir si le racisme était intentionnel ou pas, le problème, c'est d'écrire des choses aussi inappropriées dans un pays qui doit déjà faire face à des problématiques d'ordre racial et identitaire. C'était plus qu'irresponsable: ça s'adressait à la majorité en avilissant et en dévalorisant une minorité pour ce qu'elle est. C'est tout l'intérêt du hashtag Twitter #Twitpicyourafro: montrer que nous avons le droit d'être tels que nous sommes, sans critiques." Les femmes, premières victimes du racisme capillaireMême si les hommes souffrent aussi de discriminations capillaires, ce sont généralement les femmes qui en sont victimes, ciblées par la pression patriarcale qui voudrait qu'une femme fasse tout ce qui est en son possible pour être séduisante. Or, en France, être séduisante, c'est être aussi imberbe qu'une petite fille, être mince, mais c'est aussi avoir les cheveux lisses. Tout juste intronisée à la tête des Inrockuptibles en 2012, Audrey Pulvar avait ainsi fait les frais de l'ignorance d'internautes amusés, parfois choqués, de la voir sans son brushing. Avec ces discours humiliants, tout est fait pour que les femmes refusent catégoriquement de porter leurs cheveux au naturel, ayant déjà profondément intériorisé qu'ils étaient "horribles", "pas féminins", "indignes d'une vie professionnelle" et "peu séduisants". Beaucoup d'entre elles se donnent ainsi du mal pour correspondre à l'idée que la société environnante se fait d'une belle femme. Renée Greusard, journaliste pour Rue89, a raconté en quoi consiste l'épreuve du défrisage chimique en ces termes:
En 2009 déjà, le comédien et réalisateur Chris Rock dénonçait dans son docu-comédie Good Hair l'influence des standards de beauté blancs et leurs conséquences sur les femmes noires.
| |||
PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE |
Pas d'article dans la liste.