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Société, # |
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Marielle et Audrey sont blessées. La première parce que sa maladie est stigmatisante, la deuxième parce qu'elle n'a jamais connu son père. Malgré tout, dopées par l'amour et le soutien de leurs proches, les deux adolescentes ne manquent pas d'ambition. Dans son école, Marielle détonne. Au milieu des enfants à la peau ébène, elle est la seule albinos. " Au début, ça a été compliqué, un peu dur... On se moquait de moi, on me disait que je suis différente. Des fois, on me fuyait. Ça me blessait ", se souvient l'adolescente de 14 ans dans le salon de sa maison, dans un quartier populaire de Kinshasa. Ses professeurs ont expliqué aux élèves qu'elle était comme eux, malgré sa maladie génétique qui prive sa peau, ses cheveux et ses yeux de mélanine, protection essentielle contre le soleil. " Ça a pris un peu de temps, mais après ils m'ont trouvée cool, et je n'ai plus eu de problème ! " Fière d'être albinos Dans les rues de la capitale de la République démocratique du Congo, c'est une autre histoire. En la voyant passer, des enfants la désignent du doigt en criant : "", le terme lingala utilisé pour dire " albinos ", mais qui est parfois utilisé comme une insulte ou une moquerie. Marielle n'y prête pas attention. " Je suis fière de ce que je suis : ma peau est très belle. "
Alors que, stigmatisées, des femmes albinos se plaignent de ne pas pouvoir se marier, Marielle renchérit qu'elle trouvera facilement un époux parce que son épiderme ivoire est un atout : " Des garçons m'encouragent à bien garder ma peau. " Une peau qu'il faut protéger pour éviter le cancer, première cause de mortalité des albinos. Mais si les parents de Marielle se sont sacrifiés pour lui payer des lunettes, ils n'ont pas les moyens d'acheter des crèmes solaires : un simple tube peut coûter 50 dollars, une fortune pour la majorité des Congolais, qui se démènent chaque jour pour survivre. Alors pas le choix : Marielle pare les rayons du soleil avec un parapluie et des manches longues. Elle ne se laisse pas démonter pour autant, et s'accroche à son rêve : devenir magistrate en France, où elle pense que sa peau ne sera pas une barrière, contrairement à son pays, où elle n'a " jamais vu " un albinos à un poste à responsabilité. " Je veux être magistrate sur les droits de l'homme. J'ai choisi ce métier après une émission à la télé sur les viols dans l'Est ", instable depuis deux décennies et où des dizaines de groupes armés sont encore actifs. Mais où que la vie la mène, elle n'oubliera pas les albinos congolais. Elle envisage de revenir pour " les sensibiliser, leur dire de ne pas se négliger, et leur apporter des crèmes solaires et des lunettes de soleil ". Au quotidien, Audrey s'inspire des femmes de sa vie : sa grand-mère, chez qui elle habite, et surtout sa mère, son " modèle ", qui trime lors de missions de neuf mois ou un an pour assurer ses besoins. Elle se sent également fortifiée par sa tante et marraine Mianda, qui la conseille, lui répète que l'école vient avant tout. " Plus tard, j'espère moi aussi être un modèle pour les autres : c'est important de les pousser à se battre pour qu'un jour ils puissent devenir comme toi. Ou même meilleurs. "
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