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Après avoir aidé les mouvements de libération durant la période de décolonisation, l'ex-URSS avait maintenu des liens très étroits avec les pays frères au nom de la lutte anti-impérialiste. Pendant la guerre froide, l'Afrique a été divisée entre les pays soutenus par Washington et ceux soutenus par Moscou. Mais avec l'effondrement de l'Union soviétique, et les difficultés économiques de la Russie en renaissance, Moscou avait stoppé sa coopération. Plus de fournitures d'armes, plus de bourses pour les étudiants, plus de coopérants russes en Afrique. Ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard que la Russie a commencé à s'intéresser à nouveau à l'Afrique. En 2009, le président Medvedev effectue une tournée en Afrique qui le mène en Egypte, au Nigeria, en Namibie et en Angola. C'est le retour de la Russie en Afrique. A cette occasion, il annule 20 des 25 milliards de dollars de dette de l'Afrique à l'égard de l'ex-URSS. Une précédente visite de Vladimir Poutine au Maroc et en Afrique du Sud, en 2006, avait indiqué le début de regain d'intérêt de Moscou pour le continent noir. Mais la Russie n'envisage plus les relations avec l'Afrique comme à l'époque de l'Union soviétique. Le continent est à explorer pour ses richesses, pour le bénéfice des entreprises russes. D'ailleurs, lors de sa tournée, Dmitri Medvedev est accompagné de 400 hommes d'affaires, comprenant les dirigeants des plus grandes entreprise russes : Gazprom, Lukoil ou encore Rosatom. Les entreprises russes dans les mines africaines Au Mozambique, Rosneft a signé avec la société nationale d'hydrocarbures un mémorandum d'entente sur la prospection et l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz. Rosneft s'implanterait ainsi pour la première fois dans cette région. Jusqu'alors, le groupe ne s'intéressait qu'aux projets pétroliers en Algérie. En Angola, les entreprises russes sont présentes dans les secteurs du gaz avec Gazprom, de l'uranium avec notamment Rosatom, dans le diamant avec Alrosa qui a établi une joint-venture avec Endiama, et une filiale de Rostec est présente dans la construction de centrale hydraulique. La compagnie Renova est présente en Namibie dans le secteur de l'uranium. On la retrouve aussi en Afrique du Sud où elle a investi 350 millions de dollars dans l'exploitation d'une mine de manganèse, et 250 millions de dollars dans la modernisation d'une usine de ferro-alliage. Le groupe sidérurgique Mechel est également présent. Mais on a surtout noté le récent accord intergouvernemental signé en septembre dernier, qui prévoit que le géant russe de l'énergie nucléaire, Rosatom, fournisse à la République sud-africaine jusqu'à huit réacteurs nucléaires : un projet de 40 à 50 milliards de dollars. L'Afrique du Sud et la Russie entendent avoir des relations plus étroites. D'après l'ex-représentant spécial de Vladimir Poutine pour l'Afrique, Mikhail Margelov, Pretoria ne souhaite pas seulement importer des produits russes de haute technologie, mais également les produire conjointement avec la Russie. Aujourd'hui, la Russie occupe le 12 e rang en termes de projets d'investissements en Afrique du Sud, et le 5 e rang en volume d'investissements. En Afrique de l'Ouest, les richesses minières de la Guinée attirent les entreprises russes. Le premier producteur mondial d'aluminium, Rusal, a l'intention d'exploiter le plus important gisement de bauxites du monde, le projet " Dian-Dian ", avec des réserves prouvée de 564 millions de tonnes, et de construire une usine d'alumine. Un projet pharaonique dont l'investissement pour la première phase sera de plus de 220 millions de dollars, dont une part importante ira au développement des infrastructures routières, ferroviaires et portuaires. La société de l'oligarque Oleg Deripaska est pourtant controversée en Guinée, après qu'elle a procédé lors d'une grève au lock-out de l'usine d'aluminium de Friguia et au licenciement de ses 1 000 salariés, sans compter les sous-traitants. Rusal est également présent au Nigeria. Dans le secteur de l'or, Severstal explore la mine d'or de Lefa en Guinée et Nordgold vient de racheter Goldrush Burkina. L'entreprise Silverstal est implantée au Liberia. Rosatom, Gazprom et Severstal ont également des intérêts économiques au Mali. La Russie est aussi présente dans la prospection pétrolière en Côte d'Ivoire et au Ghana. Pour les entreprises russes, dont le pays est lui-même très grand producteur de matières premières, il s'agit de consolider leur position dans la compétition internationale pour les ressources naturelles. En fait, la Russie bénéficie de la volonté des Etats africains de moderniser les équipements achetés à l'Union soviétique par le passé. Les vieux chars T55 et T62, rustiques, sont toujours très appréciés mais ils doivent être réparés et modernisés. Même chose pour les chasseurs Soukhoï et les hélicoptères MI8 et LI24. L'Angola a signé en 2013 un contrat de plus d'un milliard de dollars pour différents équipements, dont des avions de chasse Soukhoï SU-30 et des hélicoptères MI35 et MI17. Un important contrat de 740 millions de dollars portant aussi sur des avions de chasse, mais également sur des chars T90S a été signé avec l'Ouganda. Et pour la première fois depuis quinze ans, la Russie et la Namibie ont signé un contrat prévoyant notamment la livraison de missiles antichars Kornet-E, d'armes d'infanterie, de mortiers, de véhicules et de munitions. Le Ghana a également conclu un important contrat (66 millions de dollars) avec la Russie pour la livraison d'hélicoptères MI17. La Russie vend aussi des armes au Mali. A la suite d'une commande datant de septembre 2012, Moscou a livré à Bamako pour 12 millions de dollars de fusils d'assaut, de mitrailleuses et de munitions. Mais des discussions sont maintenant en cours pour des hélicoptères, des avions-cargos, des avions de combat et des véhicules blindés. L'Afrique du Sud est un cas différent. Le pays possède sa propre industrie militaire, et voudrait développer la coopération industrielle, la recherche et la production avec les entreprises russes. D'après Rosoboronexport, cela concerne également la conception de nouveaux types d'armements, au sein des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), dans le domaine des munitions pour l'aviation. Des discussions entre les deux partenaires ont eu lieu dans ce sens. Moscou ne néglige donc pas les salons organisés dans ce secteur par l'Afrique du Sud, comme le récent salon Africa Aerospace and Defence 2014 qui s'est tenu à Pretoria. Plusieurs groupes russes étaient présents notamment dans le secteur des armes de haute précision, de la défense anti-aérienne, et des hélicoptères. Un centre de maintenance des hélicoptères et de formation des pilotes et techniciens a été créé en Afrique du Sud qui couvre toute la région au sud du Sahara. Un enthousiasme retombé Un an après cet entretien, force est de constater que la Russie ne s'est pas engagée dans cette voie. Sa priorité n'est pas l'Afrique, mais l'étranger proche, c'est-à-dire les pays de l'ex-Union soviétique, de l'Asie, et du Moyen-Orient. Mikhail Margelov a d'ailleurs quitté ses fonctions fin septembre 2014, et c'est le vice-ministre des Affaires étrangères, représentant spécial auprès du président pour le Moyen-Orient, Mikhail Bogdanov, qui prend désormais en charge également l'Afrique. L'embargo, une chance pour certains pays africains La Russie est un gros acheteur pour le Maroc en fruits et légumes et en produits halieutiques : 60% de ses exportations d'agrumes sont destinées à ce pays. D'après les statistiques de 2013-2014, la Russie a augmenté de 40% ses importations agricoles du Maroc. Les produits agroalimentaires constituent 97% de la valeur totale des exportations marocaines à destination de ce pays, deuxième marché de destination des produits agroalimentaires, avec une part de 6,3% après l'Union européenne (62,7%). Ces statistiques ne prennent pas en compte les derniers mois de 2014, période où le Maroc aura bénéficié de la fermeture des frontières russes aux produits alimentaires européens. Maurice est un autre pays qui bénéficie de l'embargo. L'agence russe chargée des importations de poisson a octroyé le 12 novembre dernier des licences pour le commerce du poisson à destination de la Russie à 21 entreprises de l'île. Des discussions sont en cours avec le Sénégal pour augmenter les quotas de pêche accordés aux navires russes et pour exporter le poisson vers la Russie sans passer par l'Europe. La Russie a également annoncé durant l'été qu'elle allait importer du poisson et des fruits de mer du Mozambique. Une coopération atone En dehors des grands groupes, les autres entreprises russes n'osent pas s'aventurer sur le continent noir, qui manque de sécurité, de stabilité politique et de garantie juridique pour faire des affaires sans mauvaise surprise. Et ce n'est pas l'Etat qui donne l'exemple. D'après les derniers chiffres de l'agence pour la Communauté des Etats indépendants (CEI), il ne reste que neuf centres scientifiques et culturels russes en Afrique : deux en Egypte, un au Maroc, un en Tunisie, un en Afrique du Sud, un en Zambie, un en Tanzanie, un en Ethiopie, et un seul en Afrique francophone, au Congo-Brazzaville ( voir plus bas). En ce qui concerne le développement économique et social, la Russie estime que son renoncement à 20 milliards de dettes est une contribution non négligeable à la lutte contre la pauvreté. Moscou incite également les grands groupes implantés sur le continent à apporter leur obole comme le fait actuellement Rusal en Guinée. Elle a fourni au pays un équipement d'une valeur de 35 000 dollars qui permet d'obtenir le sérum des malades guéris pour l'utiliser dans le traitement des patients atteints de fièvre Ebola. La Russie a aussi livré à Conakry un hôpital de campagne avec 150 tonnes d'équipements et de médicaments. La tête de pont de la Russie en Afrique est clairement l'Afrique du Sud. Ce pays, comme la Russie, est membre des Brics, une coalition de pays dont Moscou essaie de se servir pour faire avancer sa cause, notamment depuis que les Etats-Unis et l'Union européenne lui ont imposé des sanctions en raison de sa politique vis-à-vis de l'Ukraine. De plus, le président sud-africain Jacob Zuma ne s'aligne pas sur les positions occidentales, et fait tout pour ne pas contrarier Pékin et Moscou. Enfin, l'Afrique du Sud est un pays au potentiel économique important et aux ressources minières très intéressantes pour les entreprises russes. rfi.fr | |||
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