Ils prouvent
que la colonisation, je le répète, déshumanise l'homme même le plus civilisé;
que l'action coloniale, l'entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l'homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l'entreprend;
que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête.
C'est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu'il importait de signaler.
Pour nous, le choix est fait.
Nous sommes de ceux qui refusent d'oublier. Nous sommes de ceux qui refusent l'amnésie même comme méthode.
Il ne s'agit ni d'intégrisme, ni de fondamentalisme, encore moins de puéril nombrilisme.
Oui, nous constitutions bien une communauté, mais une communauté d'un type bien particulier, reconnaissable à ceci qu'elle est, qu'elle a été, en tout cas qu'elle s'est constituée en communauté : d'abord, une communauté d'oppression subie, une communauté d'exclusion imposée, une communauté de discrimination profonde.
Bien entendu, et c'est à son honneur, en communauté aussi de résistance continue, de lutte opiniâtre pour la liberté et d'indomptable espérance.
Autrement dit, la Négritude a été une révolte contre ce que j'appellerai le réductionnisme européen.
Je veux parler de ce système de pensée ou plutôt de l'instinctive tendance d'une civilisation éminente et prestigieuse à abuser de son prestige même pour faire le vide autour d'elle en ramenant abusivement la notion d'universel à ses propres dimensions, autrement dit, à penser l'universel à partir de ses seuls postulats et à travers ses catégories propres.
