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Manger pour vivre

  Société

Loin de moi l'idée saugrenue de vous entrainer dans une énumération qui risquerait, au mieux de vous endormir, au pire de vous faire ronfler comme des sonneurs... non, j'ai besoin de toute votre attention car le sujet est grave, très grave et déontologiquement parlant, le cuisinier que je suis se sent plus que concerné par le problème...

voyez vous, là où je travaille, 1000 élèves passent devant moi chaque midi... j'oublie volontairement de vous parler des 500 et des poussières qui peuplent le snack et de la centaine et un peu plus qui joue avec les nouilles à la cantine de la maternelle... ça fait du monde, j'en conviens et ça représente beaucoup de mise en place, de sueur, de stress durant la production du matin... c'est de bonne guerre et quoi qu'on en dise, ça fait partie du métier... je l'ai choisi et je ne m'en plains pas, bien au contraire... je dois reconnaître également que je suis bien entouré et le peu de cuistots avec lesquels je bosse connaissent leur sujet, croyez moi... contrairement aux idées reçues, les cuisiniers de collectivité émanent pour une grande majorité, de la cuisine dite traditionnelle... pour la plupart, ils ont bossé dans de grands et de petits restaurants, des hôtels voire dans l'armée... après 25 ou 30 ans de métier, beaucoup décident un jour de poser leur valise, leur bagage pour offrir leur expérience dans la collectivité... j'aime pas trop ce terme car je trouve qu'il prend un sens péjoratif dans la bouche de certains... à cause de cette collectivité qui fait peur, les a priori sur la cuisine qu'on y fabrique vont bon train et nombre de gens s'imaginent que parce que c'est fait en grande quantité, c'est forcément de la merde...contrairement à ce que l'on pourrait croire, dans le self où mangent les 1600 rejetons que mes collègues et moi-même nourrissons, les cuisines restent à échelle humaine... c'est grand mais sans plus, d'ailleurs tout est grand, tout est gros et tout est lourd mais sans plus mais ça va, on est musclé... lol... alors je ne voudrai pas jouer les minimaliste mais face à une cuisine centrale où l'on produit quotidiennement 50 000 repas, y'a pas photo... on ne joue pas dans la même cours, voyez...

en centrale, vous n'êtes plus dans une cuisine au sens propre du terme, mais plutôt dans un laboratoire... ici, on ne parle plus en kilos mais en tonnes... ici, la moindre boulette et c'est 50 000 personnes aux toilettes...!!! pas drôle...

une cuisine centrale, c'est un labo où les normes HACCP sont mises à rude épreuve et observées à la lettre, du moins, en principe...

les récentes affaires d'asticots dans le riz camarguais des petits marseillais ont mit l'accent sur la traçabilité des produits bio... évidemment que l'asticot n'y est pour rien, le riz encore moins, monsieur...non, c'est la faute à l'homme, ou à la femme d'ailleurs, qui n'aura pas observé toutes les mesures qui s'imposent lorsqu'on bosse dans l'agro-alimentaire...

m'enfin, le dirlo de la cuisine centrale, au passage estampillé Sodexo et leader malheureusement sur le marché de l'enseignement, s'est vu passé un savon de la part des parents des petits marseillais... ensuite, il s'est fait mousser par sa hiérarchie, ce qui n'a fait qu'accroître la taille des bulles qui sortaient de sa bouche... difficile moment, j'en conviens durant lequel il faut s'expliquer devant la presse et passer pour un con au journal local... bon, j'y vais molo quand même parce que ce genre de mésaventure, ça pourrait nous arriver aussi, si par malheur, la vigilance venait à faiblir...

en résumé, cette affaire d'asticots nous prouve une fois de plus que l'hygiène alimentaire est une chose qu'il ne faut pas prendre à la légère... mais là n'est pas réellement le sujet...

 

ce dont je veux vous parler, c'est du gaspillage alimentaire... et tout les cuistots vous le diront, le gaspillage c'est honteux, c'est pas bien, c'est pas normal et ça fait chier quoi... tout ce boulot pour rien, pour que ça finisse à la poubelle... parfois, l'assiette n'a même pas été touchée ou si peu, d'autres fois, c'est une pomme qui n'a vu des dents que celles de devant... je ne vous parlerais pas des pots de yaourts operculés comme au premier jour et qui, rupture de la chaîne du froid oblige, terminent leur course au fond d'un sac noir en plastique... un sac poubelle quoi... le pain, je n'en parlerais pas, même pas une miette... quant au reste, il fait partie des restes... ainsi, certaines assiettes reviennent aussi pleines qu'à leur départ... même pas faim, même pas mal et même pas peur... après le service, le réfectoire ressemble à Verdun après la bataille, surtout les jours de pluies... par terre, des cadavres de pots de mousse au chocolat, des petits suisses écrasés et des frites survivantes des affamés... les soldats ont rendu leur plateau et perdu quelques armes au passage... les cuillères et les fourchettes se sèment au gré du gite et des couverts...

bref, nos chérubins ont trop souvent les yeux plus gros que le ventre et ne se soucient guère du devenir de leur assiette... aussi, et pour clore toute tentative démagogique, je n'évoquerai pas la faim dans le monde car le sujet est sensible et tout aussi épineux qu'une rascasse...

 

non, moi quand je vois ça, je me dis que l'éducation alimentaire y est pour beaucoup dans l'histoire... c'est la raison de ma colère, et elle est justifiée et légitime... et je ne peux m'empêcher de vous observer, mesdames et vous aussi messieurs... voyez vous, on ne sensibilise pas assez les enfants sur le respect de la nourriture... on nous parle sans cesse d'équilibre alimentaire mais hélas pas suffisamment du gaspillage... question, et pas des moindres, faudrait-il alors réduire les quantités dans les assiettes et les raviers ??? que neni... le problème n'est pas dans la quantité, encore moins dans la qualité mais plus que jamais dans la sobriété que beaucoup d'enfants n'observent pas... et tout ça, c'est une simple question d'éducation alimentaire, je le réitère...

 

alors, alors...dans mon absolue naïveté, je crois qu'elle devrait se transmettre, cette éducation alimentaire, et de mère en fille et de père en fils... hélas, ce n'est plus le cas quand je vois tout ce gâchis...

peut-être que je suis d'un ancien temps, sans doute que je suis d'une époque d'il y a cinquante ans mais en ce temps-là, monsieur, du moins chez moi, on nous apprenait à connaître les aliments, à les manger, à les boire et à les digérer... j'ai su manger avant de savoir marcher mais j'ai aussi souvent rendu le trop plein... le biberon de 4 h avait du mal à passer...

mes grands parents, qui avaient connu la guerre et ses privations, m'ont inculqué le respect de la nourriture comme d'autres vous enseigneraient les bonnes manières...


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olivier.millet
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