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Propositions pour un projet panafricain

  Politique, #

Tous ceux qui, comme vous, s’intéressent de près à l’Afrique et plus précisément aux Africains connaissent au moins les noms des grands défenseurs du panafricanisme, à commencer par son père fondateur Edward Wilmot Blyden, suivi par Henry Sylvester William, W.E.B. Du Bois, Antenor Firmin, Benito Sylvain, Marcus Garvey, Kwame N’Krumah, et bien d’autres encore. La toute première conférence panafricaine s’est réunie à Londres du 23 au 25 juillet 1900 ! C’est-à-dire qu’elle remonte à 111 ans ! Et qu’en est-il aujourd’hui du panafricanisme ? Quelle est sa réalité actuelle ? Nul doute que vous connaissez la réponse comme moi.

 

N’est-il pas temps de passer enfin à l’action ? Certes, le passé de l’Afrique est très lourd de blessures, dont beaucoup sont encore des plaies ouvertes. Bien sûr, la situation politique et économique de nombreux pays d’Afrique a pour origine un découpage issu des guerres coloniales que s’y sont livrées les grandes nations européennes. Effectivement, il est difficile de nier que les divisions, ainsi créées jusqu’avant la Deuxième Guerre mondiale, ont été savamment entretenues, officiellement à cause de la « guerre froide », mais en réalité pour des raisons purement économiques et stratégiques. Mais est-ce vraiment une solution que de continuer de se focaliser sur ce passé douloureux, pendant que l’économie mondiale continue d’avancer à la fois grâce à l’Afrique et sans l’Afrique ?

 

Aujourd’hui, non contente d’être un immense magasin de matières premières stratégiques, où viennent se servir sans vergogne les plus grandes puissances économiques du monde, l’Afrique, qui pourtant souffre par endroits de famines endémiques depuis des siècles, est en train d’être vendue (ou le plus souvent donnée) par centaines de milliers d’hectares, à des fonds d’investissement étrangers, pour nourrir les populations… de ces pays étrangers. Ces terres, reconnues par les investisseurs européens, américains, indiens ou chinois comme très fertiles, sont cultivées par des machines, mais aussi par une main-d'œuvre locale, employée à la journée, à laquelle les indigènes des colonies françaises, britanniques, hollandaises, allemandes ou portugaises, n’auraient pas eu grand-chose à envier.

 

Encore une fois, faute d’une véritable unité africaine, les Africains sont en train de passer à côté d’une réelle opportunité de s’en sortir par eux-mêmes. Encore une fois, des dirigeants à la vision à court terme, quand ils ne sont pas tout simplement corrompus, ont sabordé le présent et l’avenir de leurs peuples en cédant des concessions de cultures pour des périodes pouvant atteindre 99 ans. Le pire est qu’il n’y a toujours aucune concertation entre les dirigeants africains pour empêcher cette nouvelle forme de pillage qui, pour le coup, ne pourra même pas être condamnée par l’Histoire puisque ces investissements font l’objet de contrats parfaitement légaux.

 

Il y a malheureusement autre chose qui produit des ravages considérables au sein des populations pauvres d’Afrique. Quelque chose qui aurait pu être une idée noble, mais qui est en fait régi par les mêmes règles que celles qui régissent le libéralisme mondial : le profit à tout prix. Ce qui a été présenté au monde comme l’arme ultime contre la pauvreté et a valu le prix Nobel à son inventeur Muhammad Yunus s’est finalement avéré un piège mortel pour des centaines de millions de pauvres aussi bien en Inde qu’en Afrique. Et pour cause : ces prêts aux montants dérisoires sont assortis de taux d’intérêt beaucoup moins insignifiants (5 %.... par mois !). Ils sont en outre parfois accordés sans discernement et sans aucun contrôle de la possible addition d’emprunts. Comme si l’exemple du surendettement des familles à faibles ressources dans les pays occidentaux n’avait pas suffi.

 

Les deux raisons principales (ou pour le moins surmontables) de cette spirale de l’échec du panafricanisme sont, selon moi, d’une part une tendance à trop regarder en arrière et d’autre part une inclination à croire que la solution ne peut venir que de l’extérieur. Au risque de vous choquer, je suis convaincu que les intellectuels africains et surtout afrodescendants ont une grande part de responsabilité dans la persistance et même dans l’existence de ces deux comportements.

 

Je m’explique. Pour le premier point, il suffit de voir la production (sur)abondante d’ouvrages détaillant les responsabilités (réelles) de l’Occident dans les malheurs des Africains et de la comparer à celle de jeunes auteurs appelant les Africains à prendre leur destin en main (ex : À nous de le faire de Déby Bilamba aux Éditions Anibwe) pour s’en rendre compte.

La responsabilité des intellectuels afrodescendants concernant le deuxième point est plus indirecte, mais tout aussi importante, sinon plus. En effet, nombreux parmi eux sont ceux qui font de brillantes carrières dans de prestigieuses universités, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Canada ou aux États-Unis et plus récemment en Chine. Tous développent de grandes théories sur le pourquoi, le comment… Mais combien d’entre eux ont eu le courage de faire le chemin inverse, à l’instar de Kwame N’Krumah ou de Marcus Garvey ? Combien ont choisi de se consacrer physiquement et intégralement au service d’un véritable projet panafricain, en Terre africaine ? Que ne suivez-vous pas l’exemple d’Aminata Traoré, qui met en pratique ses idées au service de son pays ou de son quartier ?

 

Vous déplorez la fuite des cerveaux africains, mais vous gardez le vôtre bien à l’abri à Paris, Londres ou New York ! La situation déplorable de millions d’Africains ne se changera pas par les livres ou les thèses, mais par les actes concrets. Des actes réfléchis, puis réalisés, par et pour des Africains. C’est un travail de longue haleine qui exige de la constance dans le temps et une grande abnégation, sans compter une force de caractère suffisante pour rejeter les paillettes de la société de consommation occidentale.

 

Si des entreprises étrangères à l’Afrique sont capables de cultiver des millions d’hectares laissés jusque-là en friche, alors pourquoi ne pas le faire faire par des entreprises africaines ?

Puisque le micro-crédit est adapté à la situation financière de millions d’Africains, qu’est-ce qui empêche la diaspora de créer un ou plusieurs fonds de crédit à taux zéro ?

Pourquoi ne pas inciter l’ensemble des pays africains à exiger, à l’exemple des Chinois, un transfert systématique de technologie à tous les investisseurs qui veulent s’implanter en Afrique ? Ou au moins une rétribution en pourcentage de la production obtenue ?

 

Je fais confiance aux Africains pour trouver en eux de nombreuses autres solutions à leurs problèmes actuels, que mon esprit occidental ne saurait même imaginer. Mais saurez-vous leur donner cette confiance en eux-mêmes qui leur fait tant défaut aujourd'hui ? Saurez-vous leur montrer le chemin en commençant par rejeter le modèle occidental, qui leur a causé tant de souffrance jusqu’à aujourd’hui et qui les fascine tant ?

 

Il est grand temps pour vous de laisser tomber la théorie au profit de la pratique et de montrer l’exemple. Il ne s’agit plus de rendre leur fierté aux Africains pour leur donner le gout de se battre pour eux-mêmes, mais à l’inverse de les encourager et les aider à se battre pour eux-mêmes pour retrouver la fierté qu’ils n’auraient jamais dû perdre.

 

Panafricainement vôtre,

Yves CORVER


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