Politique, # |
|||
C'était son dernier discours en tant que président des États-Unis. Ce mardi 10 janvier, Barack Obama a fait ses adieux aux Américains et au reste du monde. Le 20 janvier, Donald Trump, vainqueur de la présidentielle du 9 novembre, prendra sa place dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. Changement de style en vue tandis que la nouvelle politique étrangère américaine fait l'objet de moult spéculations, y compris sur le continent. D'autant que la vague d'" Obamamania " née en 2008 n'a pas tardé à retomber, quand il a fallu réaliser que le président noir était bel et bien celui des Américains, et non des Africains. Alors, " L'Afrique regrettera-t-elle Obama ? " La question est posée par le quotidien burkinabè Le Pays. Cette fin de mandat est ainsi l'occasion d'interroger le legs, réel ou symbolique, en Afrique de ce fils de Kenyan amené à diriger la plus grande démocratie occidentale. Les plans d'Obama qui peuvent marquerÀ l'exercice du bilan de la politique africaine de Barack Obama, certains voient d'abord le verre à moitié plein. Bénin Monde Infos pointe, par exemple, certains des programmes lancés par le président américain, surtout à partir de son second mandat, en 2013. " Feed Africa, qui devait promouvoir l'autosuffisance alimentaire, Trade Africa, destiné à faciliter les exportations africaines vers de nouveaux marchés, et surtout Power Africa, projet phare censé doubler l'accès à l'électricité en Afrique pour atteindre 300 000 mégawatts à l'horizon 2030, (sont) des projets à long terme qui pourraient changer, croit-on, le visage du continent, si le financement prévu pouvait se poursuivre ", peut-on lire sur le site d'info béninois. Militarisation et alliances contestéesAdekeye Adebajo, directeur de l'Institut de pensée et de conversation panafricaines de l'université de Johannesburg, en Afrique du Sud, manie quant à lui une plume plus acérée dans sa tribune intitulée " L'héritage d'Obama en Afrique : le triomphe du symbolisme ". Elle est publiée dans le quotidien The Guardian Nigeria. Il pointe notamment la hausse des opérations militaires sur le continent africain au nom de l'" interminable guerre contre le terrorisme " initiée par l'ancien président américain George W. Bush. " L'administration Obama a en fait supervisé une des plus grandes expansions militaires en Afrique, en établissant de petites bases et des avant-postes pour les drones, en mettant en place la surveillance des bases aériennes, en déployant des forces spéciales ", commence-t-il. Et de déplorer les liens noués, au nom des partenariats sécuritaires, avec des " régimes autocratiques " tels que " la Guinée équatoriale, l'Égypte, le Maroc, l'Ouganda, le Rwanda et l'Éthiopie ", autant d'alliances qui " vident de son sens la promesse faite par Obama en 2009 à Accra de soutenir des institutions fortes et non des hommes forts ". Aspirations démocratiques déçuesLe renforcement de la démocratie semble avoir cristallisé de nombreuses attentes. Le site d'info Tunisie Numérique se désole qu'Obama ait " continué à traiter avec des dictateurs " et " très rarement influé pour pousser vers une plus grande démocratisation sur le continent ". Plus nuancé, Le Pays note qu'" au-delà de l'effet des discours " le président afro-américain " quitte donc le " Bureau ovale " sans avoir trouvé les prescriptions médicinales à même de guérir les plaies qui se sont ouvertes sous son mandat, comme la crise burundaise ou la crise en RD Congo ". Et, s'agissant justement de discours, de " ces appels répétés d'Obama " aux " satrapes du continent accros du pouvoir à vie " à " lâcher les rênes du pouvoir au terme de leurs mandats constitutionnels ", le titre de Ouagadougou estime qu'ils ne furent pas tout à fait vains, en ce que certains " trépignent d'impatience de le voir emballer ses bagages et faire place au nouveau maître des lieux ". Le Djely a, quant à lui, les yeux rivés sur la transition politique aux États-Unis. " Au moment où le premier président noir de l'histoire des États-Unis tourne la page ", nous dit-il, ce n'est plus " le débat très animé sur ce qu'il a fait ou non pour le continent de ses origines " qui " focalise l'attention des Africains ". " Ouvertement envieuse, l'Afrique vit plutôt avec une délectation assumée et revendiquée le processus de transfert du pouvoir aux États-Unis. (...) Car cette dynamique vertueuse d'élections libres et transparentes et de passation des pouvoirs pacifique et ordinaire, c'est encore un luxe en Afrique ", poursuit-il. Citant le quatuor " Obiang Nguema-Paul Biya-Sassou Nguesso-Dos Santos ", il note que, depuis leur accession au pouvoir, il y a plus de 30 ans, " l'Amérique a vu défiler cinq présidents pour un total de neuf mandats ". Les leçons à tirerC'est à un autre symbole que s'attache Adekeye Adebajo : celui de l'origine kenyane du président américain qui lui apparaît si déconnectée de sa politique africaine. Le professeur à l'université de Johannesburg souligne ainsi dans The Guardian Nigeria l'incapacité pour Barack Obama, quels qu'aient pu être ses projets initiaux, de s'émanciper du poids des institutions américaines, pour lesquelles l'Afrique demeure un continent marginal. C'est ce qu'il appelle " le triomphe du symbolisme ". " La tragédie de cette histoire, c'est que la continuité de décennies de politique étrangère américaine a triomphé sur l'idéalisme primitif d'un individu extraordinaire d'ascendance africaine ", conclut-il, pragmatique, dans le quotidien The Guardian Nigeria. Le Pays engage, quant à lui, ses lecteurs à dépasser leur déception et à tirer de ces années de pouvoir d'Obama d'" importantes " leçons. Parmi celles-ci : " Les Africains devront désormais intérioriser le fait qu'ils ne doivent pas tout attendre de l'extérieur et qu'ils doivent d'abord compter sur leurs propres forces. " Ce message fait écho à un article du Huffington Post South-Africa intitulé " Obama et l'erreur du rêve africain ". L'auteur cherche à comprendre pourquoi Obama a tant inspiré la " fascination " et le " respect " en Afrique. Il fait rêver de la même façon qu'un Kwame Nkrumah ou qu'un Nelson Mandela, et sa femme Michelle Obama est, elle aussi, " très populaire ", nous dit-il. Et d'interroger : " l'Afrique est-elle tant démunie de femmes phénoménales comme Mme Obama ? (...) Où sont les jeunes pionniers africains d'aujourd'hui capables de créer des entreprises technologiques en Afrique et de créer des millions d'emplois décents pour les Africains qui émigrent en Europe dans de petits bateaux de pêche ? " Il invite ainsi ses concitoyens à transposer leur idéal sur le continent africain : " Les Africains ont si ardemment embrassé le rêve afro-américain de Barack Hussein Obama II qu'ils en ont oublié le rêve d'une Afrique libre et prospère, resté solidement coincé quand les espoirs nés en 1957 (l'auteur se réfère à la date de l'indépendance du Ghana et à l'idéal de Kwame Nkrumah, NDLR) se sont atténués. " En attendant, Obama " restera longtemps dans le cœur de nombreux Africains contraints, par la réalité des choses, à la modestie ", avance Le Pays. Et s'il n'a pas été " forcément exceptionnel ", modère le quotidien burkinabè, " c'est précisément tout ce qui fait le charme de cet homme élégant, accessible, qui s'est acquitté avec simplicité d'une mission plus que complexe ".
| |||
PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE |
Pas d'article dans la liste.