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A New York, l'essor d'un marché africain-américain de l'art

  Culture & Loisirs, #

La bouture new-yorkaise de la foire londonienne 1:54, qui ouvre ses portes jeudi 5 mai, jette un éclairage sur les artistes afro-américains, dont le marché a plusieurs longueurs d'avance sur celui des créateurs africains.

Voilà une vingtaine d'années, les plasticiens afro-américains n'avaient pas encore le vent en poupe. " Dans les années 1960-1970, les artistes même les plus politisés étaient reconnus sans devoir faire partie d'un groupe ou d'une minorité. Chacun faisait carrière indépendamment sans obligation d'appartenance à un groupe précis ", rappelle la galeriste parisienne Nathalie Obadia, qui représente des artistes afro-américaines comme Mickalene Thomas et Lorna Simpson.

Mark Bradford, lui, représentera les Etats-Unis à la prochaine édition de la Biennale de Venise en 2017. Il l'a emporté contre une autre artiste noire américaine, Kara Walker, connue pour ses travaux sur l'esclavage. Mais Mark Bradford n'est pas le seul Noir américain à avoir eu cet honneur. Fred Wilson avait déjà occupé le pavillon américain en 2003. Et quant à Melvin Edwards, il sera le premier artiste afro-américain à jouir en 1970 d'une exposition au Whitney Museum of American Art, à New York.

 

L'année 1997 marque un tournant : le peintre Robert Colescott sera le premier Africain-Américain à représenter les Etats-Unis, tandis que son confrère Kerry James Marshall a les honneurs de la Documenta de Kassel. Des institutions comme le Brooklyn Museum, le Studio Harlem ou le High Museum d'Atlanta donnent une assise institutionnelle à cette percée. " L'histoire américaine est profondément africaine-américaine ", a récemment déclaré au New York Times Paul Gardullo, conservateur au National Museum of African American History and Culture. Et d'ajouter : " Vous ne comprenez pas l'Amérique sans l'Amérique noire. Vous ne comprenez pas notre lutte pour l'égalité. Vous ne comprenez pas le jazz ni le rock'n roll. "

Comme un label

Le marché a pris le relais avec un temps de retard. Melvin Edwards le dit bien : il a eu sa première exposition dans un musée à l'âge de 28 ans. Ce n'est qu'à 50 ans qu'une exposition en majesté lui a été consacrée en galerie. Depuis cinq ans, les choses se sont accélérées. En 2009, les collectionneurs de Miami Don et Mera Rubell ont organisé leur exposition rituelle pendant la foire Art Basel Miami Beach autour de trente artistes afro-américains, une catégorie désormais propulsée par le marché comme un label. Un label d'ailleurs efficace : Mark Bradford, comme ses confrères Glenn Ligon, Rashid Johnson, Theaster Gates ou Kehinde Wiley comptent désormais parmi les artistes américains les plus recherchés.

Certains ont vu les prix augmenter de manière fulgurante. C'est le cas de David Hammons, recherché par les plus grands collectionneurs internationaux tels que François Pinault. Idem pour Mark Bradford. Lorsque la galeriste parisienne Anne de Villepoix l'expose à Paris en 2003, un grand tableau valait 19 000 euros. Aujourd'hui, il faut compter plutôt au-delà de 2 millions de dollars.

Sans être aussi spectaculaire, la carrière de Kehinde Wiley a aussi été boostée par une bourgeoisie d'affaires afro-américaine. Né d'un père nigérian qu'il n'a connu qu'à l'âge de 20 ans, ce quadra a sillonné pendant dix-huit mois l' Afrique, s'arrêtant notamment Dakar, où il possède un lieu qu'il aimerait reconvertir en atelier. Ses tableaux chamarrés mixent les références identitaires noires, notamment la culture hip-hop, avec les codes de la peinture baroque. En 2005-2006, une œuvre de taille moyenne valait autour de 50 000 dollars. Aujourd'hui, il faut compter au bas mot 150 000 dollars, les très grands formats allant jusqu'à 300 000 dollars.

" Il y a peu de toiles "

" C'est un marché sain car il y a peu de toiles, chaque tableau peut prendre dix-huit à vingt-quatre mois de réalisation, avec une recherche, un casting, le choix des fonds, la réalisation des cadres sur mesure ", précise Anne-Claudie Coric, directrice de la galerie Templon qui le représente en France. Mais, prévient Nathalie Obadia, " ce sont les bons artistes qui dominent et les moins bons ne font pas carrière sous le seul prétexte qu'ils sont africains-américains. Aujourd'hui, construire une carrière ou un marché juste parce qu'on fait partie d'une minorité n'est plus un critère ".

Si les artistes afro-américains, ou les Africains basés de longue date en Amérique tels que Julie Mehretu ou Wangechi Mutu, se sont taillé une place au soleil, leurs confrères du continent africain commencent tout juste à prendre pied sur le marché américain, grâce à quelques galeries comme Axis, basée à New York, ou Marianne Ibrahim, qui a ouvert en 2012 une galerie spécialisée à Seattle (Etat de Washington). La Sud-Africaine Billie Zangewa, qui a expos é au Studio Harlem, a vu plusieurs de ses pièces achetées en 2015 sur 1:54, à New York. Sa compatriote Frances Goodman, qui bénéficie d'un traitement singulier sur le stand de la galerie Richard Taittinger, commence aussi à se faire une réputation.

Plus que tout autre, c'est le Ghanéen Ed Anatsui, représenté en Amérique par Jack Tilton, qui reste l'artiste africain le plus plébiscité, avec des œuvres dépassant le million de dollars. En 2013, son exposition au Brooklyn Museum a fait un carton : plus de 134 000 visiteurs. Pour autant, le hiatus entre les deux marchés reste important.

" Nous ne pouvons pas exister sans l'Afrique "

" Nous commençons tout juste à faire le lien entre l'Afrique et les artistes africains-américains, dont le travail est pour la plupart enraciné dans l'histoire américaine, confie Kevin Dumouchelle, conservateur au Brooklyn Museum. On peut faire un tel lien dans notre exposition actuelle " Disguise, Masks and Global African Art", mais c'est plus difficile à imaginer dans une collection permanente. "

Melvin Edwards a depuis longtemps jeté un pont avec le continent africain, qu'il a sillonné dès 1970, en séjournant longuement au Sénégal. Lors d'un colloque organisé en 2015 par 1:54 à New York, ce dernier déclarait avec justesse : " Qu'on se dise africain-americain, texan ou tout autre chose, qu'on nous appelle Nègre, de couleur, ou tout autre chose, tout cela veut au final dire africain. Nous ne pouvons pas exister sans l'Afrique. "

1:54, du 6 au 8 mai 2016, www.1:54.com.



Source : Le Monde.fr


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Francine
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