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Afrique du Sud : il y a quarante ans disparaissait Steve Biko

  Culture & Loisirs, #

" Il est resté enchaîné, nu et traité sans dignité aucune. Négligé par les médecins, qui étaient de connivence avec la police, qui l'a brutalisé, il est transporté de Port Elizabeth à Pretoria en dépit de son état. Sa mort suscita l'indignation sur le plan national et international. " Lui, c'est Stephen Bantu Biko dit Steve Biko. Un héros à part de l'histoire de la lutte contre l'Apartheid. Mais un héros si essentiel. Alors que l'Afrique du Sud célèbre les quarante ans de sa disparition, le 12 septembre 1977, à l'âge de 31 ans, la maison d'édition Pan MacMillan South Africa réédite son témoignage : The Testimony of Steve Biko . C'est la retranscription de son procès de quatre jours en 1976, qui a permis à Biko d'expliquer et de défendre le mouvement de la conscience noire. Toute publication avait bien sûr été immédiatement interdite par le gouvernement de l'Apartheid. Aujourd'hui, ses textes révèlent l'esprit de Biko, en particulier les idées qu'il avait développées pour d'un côté mieux comprendre le système de l'oppression, et de l'autre traduire les moyens de la lutte. En même temps paraît No Fears Expressed , une compilation des meilleures citations du leader de la cause noire sud-africaine. Car à l'époque ce qui paraissait dangereux, ce n'est pas tellement que Steve Biko dénonce l'état de fait de l'Apartheid et accuse la majorité " blanche ", mais qu'il démonte un système dont personne n'imaginait alors la fin. Dans un discours à Cape Town en 1971, il avait lancé : " L'arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés ! " avant d'ajouter que " Pour commencer : il faut que les Blancs réalisent qu'ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu'ils sont aussi humains, pas inférieurs... "

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Comprendre le système de l'oppression

" Nelson Mandela se retournerait dans sa tombe... " Un refrain souvent répété lorsqu'il s'agit d'évoquer l'actualité de la nation arc-en-ciel aujourd'hui. Mais les jeunes Sud-Africains n'ont pas oublié qu'à côté de Nelson Mandela, d'Oliver Tambo, ou encore de Desmond Tutu, il y avait Steve Biko, que la génération post-apartheid n'a pas connu. Mais dont les mots et les idéaux résonnent encore non seulement pour les militants sud-africains de la lutte de libération, mais aussi pour beaucoup de leaders et activistes à travers le continent et le monde. Steve Biko est né en 1946, enfant typique de l'apartheid né dans un township (quartiers très pauvres qui regroupent un grand nombre de colored à l'époque). Il est né Stephen Bantu Biko, pour marquer son origine. Son père, Mathew Mzingaye était déjà un militant et est mort tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant le 12 septembre 1951.

Sa première expérience politique commence très tôt à l'université, lorsqu'il s'engage au sein du syndicat l'Union nationale des étudiants sud-africains. Un syndicat comme tous les autres à cette époque, crée par des " Blancs ". Parfait pour le jeune Biko, étudiant en médecine, qui pense trouver dans ce syndicat la voie de son élévation dans la société. Cependant, ni les membres de ce syndicat ni leurs préoccupations ne tiennent compte des problématiques de l'époque. Son analyse devient alors systémique. C'est-à-dire qu'il va appliquer méthodiquement ses théories sur différents sujets qui touchent les populations noires : en explorant ce que cela signifiait pour le leadership, la religion, les universités et la géopolitique, etc. En créant d'abord la South African Student Organization (SASO, Organisation des étudiants sud-africains), en 1969, un syndicat exclusivement réservé aux Noirs. Trois ans plus tard, il lance le Black People Convention avec un agrégat d'associations noires qui adhèrent toutes à la théorie de la conscience noire.

LIRE aussi : Soweto : que reste-t-il de la révolte des étudiants de juin 1976 ?

Une pensée honnête à replacer dans l'histoire

L'action de Steve Biko se situe aussi dans un tournant qui va s'avérer historique. Oui, il arrive dans une période où la lutte a perdu du souffle. Au moment où il crée son mouvement, Nelson Mandela et ses camarades ont été emprisonnés à Robben Island, et leur mouvement, le Congrès national africain luttait en exil. Aussi jeune qu'il fût, Biko est devenu une voix inédite, qui porte le message d'une idéologie politique centrée sur l'identité noire et la fierté intransigeante de cette identité. Inspiré par les grands leaders de l'émancipation des Noirs, tels W. E .B. DuBois, Marcus Garvey, Frantz Fanon et les penseurs de la Négritude, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, Steve Biko fait le plein de ralliement. Mais le pouvoir fera tout pour discrétider son propos l'accusant de terrorisme finalement en 1973.

Peinture murale représentant Steve Biko et Nelson Mandela. © Schalk Van Zuydam/AP

Dans un contexte économique où l'Afrique australe attire les plus grandes compagnies internationales qui se ruaient sur les ressources minières de ces pays, il était impératif pour l'Occident de soutenir son " cône blanc " soit les pays qui étaient encore dominés par une minorité blanche, comme l'Afrique du Sud ou encore la Rhodésie. Quand Biko se met à théoriser, c'est la panique. Nelson Mandela n'a-t-il pas dit de lui qu'il est " le premier clou dans le cercueil de l'apartheid " ? Même si, faut-il le rappeler ni l'ANC, ni les partis défendant la théorie radicale n'ont adopté les idées de Steve Biko. L'histoire fera qu'il y aura un rapprochement entre les deux visions. Dans la radicalité de la pensée, mais aussi dans le choix d'aller vers des actions plus violentes. C'est la révolte des étudiants de Soweto en juin 1976 qui va faire basculer Biko. Lui qui était pour la non-violence est bouleversé par les violences policières qui ont suivi le mouvement. Cet événement va le questionner. Et va réveiller une conscience révolutionnaire plus âpre, à laquelle de nombreux jeunes Noirs sont plus sensibles. Dans l'esprit de beaucoup de Sud-Africains et dans le monde, les idées de Steve Biko restent encore subversives. En opposition à Nelson Mandela, icône de la paix, du dialogue et du pardon, dont le récit d'une nation arc-en-ciel non racialisée a dominé plus facilement suite à l'euphorie de la fin de l'apartheid.

 

Pourquoi ses mots résonnent encore...

Aujourd'hui, les choses ont changé. À mesure que l'iconographie de Biko est reconnue et dévoilée, en grande partie grâce à son ami et biographe Donald Woods, ses mots font un retour en grâce dans les domaines de l'art, ils inspirent les artistes, les intellectuels. Le bouillonnement est tel que tout un chacun se prévaut de son héritage. Au cours de ce quarantième anniversaire de sa mort, le président Jacob Zuma a insisté pour se souvenir de ce combat méconnu. " Steve Biko a combattu la suprématie blanche et ne supportait pas également ce qu'il considérait comme un complexe d'infériorité chez les Noirs. Il a insisté sur la nécessité de parvenir à une libération psychologique des Noirs, pour accompagner la libération physique, afin de réparer les dégâts causés par l'apartheid. Il a milité pour la fierté du peuple noir et son autonomie, estimant que le peuple noir devait être son propre libérateur et diriger les organisations qui luttent pour la liberté. " Selon la présidence, le gouvernement n'a cessé d'honorer la mémoire et l'héritage de Biko. Le gouvernement a dédié cette année la célébration, le 21 mars 2017, de la Journée nationale des droits de l'homme à Steve Biko, en reconnaissance de sa contribution à la lutte pour la libération et les droits de l'homme pour le bien de tout le pays.

Le cercueil de Steve Biko. © DR

Cette célébration nationale a eu lieu à King William's, ville natale de Biko, le 12 septembre dernier. Steve Biko ne fait, certes, plus parti du paysage politique post-apartheid, son héritage a fait l'objet de nombreux articles, livres et un film ( Cry Freedom) avec Denzel Washington.

 

La Fondation Steve-Biko poursuit également sa vision en travaillant avec les communautés pour promouvoir une meilleure égalité pour tous.



Source : Le Point Afrique


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