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Afrique du Sud : le clivage racial à son comble dans les universités

  Société, #

Des accrochages ont notamment eu lieu à l'université de Pretoria, où les étudiants noirs réclament la suppression de l'afrikaans comme langue d'enseignement, alors qu'une petite minorité (13 %) d'étudiants blancs se bat pour défendre ce qu'ils considèrent comme leur patrimoine culturel. Plusieurs face-à-face tendus ont eu lieu entre les étudiants affiliés au parti de gauche radicale Les Combattants de la liberté économique et les membres du lobby afrikaans Afriforum qui défend la culture afrikaner. Lundi 22 février, c'est un match de rugby qui a dégénéré brutalement à l'université du Free State, lorsque des étudiants et des ouvriers noirs sont descendus sur la pelouse à la mi-temps pour protester contre le recours à la sous-traitance au sein de l'université. En quelques minutes, des étudiants blancs et leurs parents qui assistaient au match les ont pris en chasse. Les manifestants ont été insultés, menacés et passés à tabac jusque dans leurs résidences universitaires. Enfin, mercredi 24, les étudiants ont mis le feu à plusieurs bâtiments de l'université du North West pour protester contre la nomination d'un nouveau conseil étudiant. Le précédent avait été dissous par la direction de l'université. Alors que le centre des sciences de l'université et un dortoir partaient en fumée, de violents heurts ont éclaté avec la police, qui tentait de disperser les manifestants, à coups de tir de balle en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Plusieurs étudiants ont été blessés, et le campus est désormais fermé pour une durée indéterminée.

 

Frustrations sociales et tensions raciales

Ce regain de tensions raciales sur fond de revendications économiques rouvre des plaies toujours à vif en Afrique du Sud. " Certes, il y a eu une réconciliation dans le pays, mais cela n'a pas permis l'inclusion économique ", rappelle l'analyste politique Ralph Mathekga. Les manifestants étudiants, souvent issus de familles pauvres, " expriment ouvertement cette frustration ", au sein d'une université qui reflète les inégalités structurelles héritées de l'apartheid. " Dans le contexte sud-africain, l'accès à l'éducation est très racialisé, puisque ceux qui peuvent payer des frais de scolarités élevés sont aussi ceux qui ont été historiquement privilégiés ", confirme David Hornsby, professeur et représentant du personnel enseignant à l'université du Witwatersrand. " Quant à l'afrikaans, il est vrai que c'est historiquement la langue d'enseignement à l'université de Pretoria. Sauf que c'est aujourd'hui une langue minoritaire à l'échelle du pays ", pointe-t-il. " Si on considère que l'enseignement supérieur est un facteur de développement social et économique, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un certain nombre d'établissements si exclusifs. Il faut les ouvrir pour le bien de l'économie ", estime l'enseignant, qui rappelle qu'il y a 27 universités (" 25 seulement sont fonctionnelles ", selon lui) pour 54 millions d'habitants en Afrique du Sud, alors que le Canada en compte, par exemple, 88 pour 35 millions d'habitants. L'analyste Ralph Mathekga est beaucoup plus direct dans son analyse. " Le groupe Afriforum (lobby afrikaner) présente la défense de l'afrikaans comme la défense d'une identité culturelle, alors qu'en fait ils veulent surtout défendre un privilège blanc contre ceux qui se battent pour l'inclusion ", tranche-t-il.

© Financial Times

Agitateurs et gouvernement impuissant

Mais si ces événements reflètent la frustration bien réelle d'une population majoritairement noire et pauvre, impatiente d'obtenir enfin sa part de privilèges, ils ne doivent pas masquer " le désir de construire ensemble partagé par une majorité de Sud-Africains ", selon Frans Cronjé, directeur de l'Institut des relations raciales de Johannesburg, qui vient de publier un rapport sur le sujet." Il y a une réelle frustration socio-économique, qui malheureusement est instrumentalisée par de petits groupes militants qui poursuivent leur propre agenda ", déplore-t-il. Le recours à la violence est unanimement dénoncé dans le pays. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à évoquer des manifestations " orchestrées politiquement ". Le parti Les Combattants de la liberté économique (EFF) du populiste Julius Malema est très clairement pointé du doigt : ses militants étudiants particulièrement vindicatifs étaient en première ligne lors des récentes manifestations. À tel point que l'Alliance démocratique, le premier parti d'opposition sud-africain, a décidé de porter plainte contre EFF pour " incitation à la violence ". " Oui, ils jouent un rôle d'agitateurs ", confirme l'analyste Ralph Mathekga. Le parti de gauche radicale - qui s'est fait une spécialité dans l'agitation des séances parlementaires à l'Assemblée nationale sud-africaine - cherche, selon lui, " à se créer une légitimité politique " en utilisant cet espace de contestation. " Ils se construisent une identité basée sur la confrontation physique, qui ne laisse pas place à la négociation ", abonde-t-il. Mais pour Ralph Mathekga, le problème de fond reste l'impuissance criante du gouvernement sud-africain, empêtré dans des scandales de corruption et en " pleine crise de légitimité ". Ce nouveau cycle de violences fait écho, selon lui, aux attaques xénophobes qui ont secoué le pays il y a près d'un an, ou aux manifestations quasi quotidiennes contre la mauvaise qualité des services publics dans les townships. " Il faut qu'il y ait une vraie réflexion sur le manque d'inclusion économique en Afrique du Sud. Le gouvernement est incapable de s'engager pour le bien-être de la population majoritaire, qui finit par se saisir du problème à sa manière ", résume l'analyste.

Sécurité renforcée sur les campus

Le gouvernement a pour l'heure choisi de réagir en envoyant la police sur les campus. Jeudi dernier dans la soirée, une vingtaine d'étudiants ont été interpellés et arrêtés sur le campus de l'université de Bloemfontein où un match de rugby avait dégénéré violemment. Sur les réseaux sociaux, les étudiants ont aussitôt accusé les forces de l'ordre d'avoir ciblé uniquement des étudiants noirs.

 



Source : Le Point Afrique


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