Société, # |
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La question des bidonvilles africains donne souvent lieu à des interprétations misérabilistes voire catastrophistes. Les experts, les ONG, les statisticiens... Ils sont nombreux à tirer la sonnette d'alarme sur l'urbanisation galopante qui handicaperait l'Afrique. Le développement des villes africaines serait trop rapide et les infrastructures les plus basiques (accès à l'eau ou à l'électricité par exemple) ne suivent pas toujours, voire pas du tout. Les bidonvilles fleurissent comme des champignons dans les capitales africaines et selon ONU-Habitat, en 2011, près de 200 millions de personnes vivaient dans des bidonvilles en Afrique subsaharienne, soit 61,7% de la population urbaine. Mais ce que ces experts, statisticiens et ONG ignorent (peut-être), c'est l'incroyable inventivité des habitants de ces quartiers défavorisés qui, pour faire face à la misère et à la faillite des politiques publiques, ont fait du " système D " une arme de survie. Voici donc cinq exemples d'initiatives, parmi les milliers qui sont issues de ces bidonvilles africains qui brillent par leur dynamisme et leur époustouflante capacité à réinventer l'Afrique " par le bas ". Une belle source d'inspiration pour les autres continents.
Situé au sud-ouest de la capitale kenyane, le bidonville de Kibera (forêt en langue nubienne) est l'un des plus grands d'Afrique. Et comme dans la plupart des bidonvilles du monde, les jeunes habitants, laissés à l'abandon, voient leur avenir compromis par la drogue, les vols ou encore la violence. On y assiste pourtant à de nombreuses initiatives prometteuses, comme l'implantation d'une ferme biologique cultivée par des ex-détenus ou autres délinquants. Cette initiative est portée par l'ONG Youth Reform Self Help Group (YRSHG, groupe auto-subsistant de réhabilitation pour les jeunes), une association d'anciens membres de gangs. Le groupe a d'abord passé des mois à nettoyer une ancienne décharge d'ordures puis y a planté des tournesols pour absorber les éléments toxiques de la terre. Aujourd'hui les fruits et légumes issus de cette ferme sont garantis sans pesticide et permettent à la quarantaine d'employés délinquants reconvertis en agriculteurs, de subvenir aux besoins de leurs familles sans retomber dans leurs anciens travers. Les initiateurs du projet comptent partager leur savoir dans d'autres bidonvilles pour assainir l'environnement et survivre à la misère.
À un jet de pierre du Third Mainland Bridge de Lagos au Nigeria, sur une lagune au bord de l'océan Atlantique, flotte Makoko, un bidonville sur pilotis qui abrite une communauté de pêcheurs. Ces hommes et femmes qui vivent ici, depuis une soixantaine d'années, des produits de la pêche se battent fermement depuis des décennies pour garder leur lieu de vie. Chaque maison dispose d'une pirogue, moyen de transport indispensable pour circuler entre les cabanes sur pilotis. Les hommes partent tôt le matin pêcher et les femmes fument et vendent ce qu'ils ont attrapé. Les marchés aux poissons de Makoko, dont celui d'Asejere, le plus célèbre, fournissent des produits de la mer à bas prix. Le travail de la communauté suffit à approvisionner Lagos en poisson. En 2010, deux photographes nigérians y ont lancé un atelier pour apprendre la photo aux jeunes du bidonville. L'un d'eux, Afose Sulaymane a terminé finaliste d'une compétition sponsorisée par un opérateur de téléphone. Il a également été exposé en Novembre 2013 au Festival international de photographie à de Lagos.
Fondée en 2011 à Nairobi, le Slum Film Festival (Festival du Film des bidonvilles) est un événement annuel et communautaire qui rend hommage à la créativité des habitants des ghettos en leur donnant une voix et un moyen d'exprimer ce qu'ils font de mieux. C'est la première plateforme cinématographique qui propose des filmsréalisés par les habitants des bidonvilles sur leurs propres réalités. Pendant une semaine, les films sont projetés en plein air à destination de ces populations qui, pour la plupart, n'ont pas accès aux salles de cinéma. Le Slum Film Festival caresse l'ambition, à terme, de devenir un événement international et de changer le regard que le monde pose sur les habitants de ces zones urbaines défavorisées. Ces derniers ont beaucoup plus à offrir, notamment leur aptitude à rebondir malgré le manque de moyens financiers.
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